Yorgos Lanthimos : « Le concept de sacrifice soulève un grand nombre de questions »
En 2009, son film Canine, gagna le prix « Un certain regard » au festival de Cannes. Six ans plus tard, il remporte le prix du jury, sur la croisette, avec The Lobster. De retour et en compétition au festival de Cannes avec Mise à mort du cerf sacré, le réalisateur et dramaturge grec Yorgos Lanthimos a rencontré la presse internationale, épaulé par ses interprètes Nicole Kidman, Raffey Cassidy, Sunny Suljic et Barry Keoghan.
D’où est venu l’idée du titre du film, Mise à mort du cerf sacré ?
Pendant l’écriture, nous avons découvert des passerelles avec la tragédie Iphigénie d’Euripide et j’ai trouvé intéressant d’évoquer cette notion très ancrée dans la culture occidentale. Dans la vie, il y a des gens qui se retrouvent face à d’énormes dilemmes et le concept de sacrifice soulève un grand nombre de questions ouvertes à tout.
Le film explore un sujet dur et vous avez travaillé avec de jeunes acteurs ? Comment avez-vous procédé ?
C’est vrai que le récit est brutal dans sa totalité, mais pas à chaque instant. Il n’y a pas un ton très grave et sérieux. C’est une sorte de film comique et sur le tournage, nous nous sommes amusés. Ce que je voulais essentiellement explorer, ce sont les sujets de la justice, des choix, de la nature humaine, et des comportements. Le point de départ était surtout la famille et c’est presque par hasard que les enfants jouent un rôle important.
Quel est votre rapport à la symbolique ?
J’essaye d’éviter les symboles. Je voulais que tout soit évident et que le film soit très direct. Avec les choses bizarres, je n’essaye pas d’être analytique. On a un récit, sinon les spectateurs se perdraient, mais j’essaye de travailler de manière ludique pour qu’on ne se sache jamais trop quel est le sens de ce que l’on voit. Mais avec Efthimis Filippou, nous passons beaucoup de temps sur l’écriture du scénario, en nous concentrant uniquement sur le récit, car il faut que je sois en confiance avec le récit pour que cela fonctionne. Les récits de mes films pourraient se dérouler n’importe où et cela me donne la liberté de choisir n’importe quel lieu de tournage.
Ensuite, pour le casting, j’ai de la chance car des actrices et des acteurs talentueux veulent tourner avec moi. En revanche, le casting des jeunes a duré très longtemps avec des enfants américains, anglais, australiens. Je n’essaye pas d’obliger les acteurs à se conformer à ce que j’ai imaginé. Ensuite, pendant les répétitions et le tournage surviennent toujours beaucoup d’éléments inattendus que j’accueille. Car comme l’ambiance et l’environnement, on ne peut pas tout contrôler
Quelles étaient vos intentions en termes de mise en scène ?
Nous avons beaucoup utilisé le travelling. On cherche toujours la forme qui convient pour chaque film. Là, je voulais donner l’impression d’une autre présence. La caméra suit les personnages et on les observe d’en haut pour donner la sensation d’une présence invisible.
Quid de cette étrange maladie que les médecins n’arrivent pas à identifier ?
C’est tout le récit du film. On ne donne jamais la réponse dans le film, mais je ne la connais pas moi-même.
Retournerez-vous tourner un film en Grèce ?
Pourquoi pas ? J’ai tourné dans sept pays et à chaque fois c’est différent. Avant, j’étais assez négatif par rapport à cette éventualité de refaire en film en Grèce, mais avec le recul, je me suis aperçu que cela offrait une certaine liberté.
Propos recueillis par Fabien LEMERCIER
Source partenaire : Cineuropa.
Photo de Une – Yorgos Lanthimos
(© E. Piermont / Festival de Cannes)