Yaya Coulibaly, la marionnette chevillée au cœur

Yaya Coulibaly, la marionnette chevillée au cœur
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Venu du Mali, le célèbre marionnettiste Yaya Coulibaly et sa compagnie Sogolon sont en mars à Paris. Avec leur nouveau spectacle, ils exposent quelques-unes de leurs 25 000 marionnettes, à ficelles, à tiges, à masques et même habitées, une des plus anciennes collections du monde.

Entretien avec un conteur et historien.

Vous venez de terminer une grande tournée au Mali. Comment ça s’est passé ?

Nous avons commencé notre tournée à Bamako en janvier, avec le festival Ogobagna, des chants et des danses du pays Dogon, des courses de pirogues et une sortie des masques. En février, nous étions à 250 km au nord de la capitale, à Ségou, en pays Bambara pour le festival sur le Niger. Et en mars, nous serons à Abidjan, puis nous irons au sud du Mali, à Sikasso, pour le festival culturel du pays Sénoufou. Partout nous emmenons nos marionnettes sur les places, dans les écoles ; nous faisons des ‘‘master class’’ avec les universitaires, nous participons à des causeries et nous animons des ateliers de manipulation. Nous sommes une compagnie très active, avec des tournées prévues dans toute l’Afrique de l’Ouest jusqu’en 2030.

Vous êtes l’héritier d’une lignée de marionnettistes de tradition bambara. Pouvez-vous en parler ?

Notre tradition est millénaire. Toutes les cultures d’Afrique de l’Ouest sont issues de l’Empire mandingue, un empire médiéval qui a duré plusieurs siècles. Cet empire, né dans l’actuel Mali, englobait toute la Mauritanie, le Sénégal, la Gambie, la Guinée, une partie de la Côte d’Ivoire et du Burkina Faso. Les Bambara appartiennent justement à ce groupe culturel des Mandingues, le Mali ancestral des origines, et nos marionnettes sont parmi les plus vieilles au monde. Avec l’esclavage, elles se sont même répandues jusqu’en Amérique du Sud ! Aujourd’hui encore, c’est une tradition héréditaire. Les pères transmettent à leurs fils, mais pas forcément à l’aîné. Il faut être « élu », le jour d’une cérémonie. Seuls les initiés savent !

Vous en parlez comme d’une religion. Votre tradition de la marionnette a-t-elle une dimension sacrée ?

Bien entendu que oui ! Et je suis peut-être l’un des derniers survivants de cette Afrique mystique. Nos marionnettes n’ont pas uniquement la fonction populaire de critique de la société, pour faire rire… Ce n’est pas Guignol. Chez nous, la marionnette est « révélée ». Quand on la crée, elle suit un rituel. Puis elle sort : c’est une naissance. On la présente de maison en maison. Elle est fêtée comme un être humain. On lui offre des cadeaux. On lui trouve une marraine parmi les villageois ! En vérité, il y a quatre formes de spectacles de marionnettes. La première se tient une fois tous les sept ans et est réservée à une classe d’initiés. La seconde, semi sacrée, se joue nuitamment, dans un bois avec les grands initiés. Le troisième suit les rythmes d’une Afrique agro-pastorale qui célèbre les pluies, les moissons, la sécheresse. La quatrième forme de spectacle, c’est la populaire. Comme disent les Ivoiriens, on y va ensemble, pour s’amuser, pour « gâter le coin » !

Que raconte votre nouveau spectacle Le Baptême du Lionceau ?

Êtes-vous prête à tirer vos oreilles pour écouter ? Tout commence lorsque les animaux sont dans la brousse et vivent en harmonie autour d’un champ de blé. Sous l’arbre à palabres, les créatures terrestres se sont choisi le lion comme leur roi… Et voilà que quatre ans plus tard, la lionne attend un lionceau. Pour fêter l’événement, on organise une compétition de la meilleure danse. Ce ne sont que chants d’oiseaux et cris d’animaux, une merveille ! Et c’est une jeune autruche, avec sa fabuleuse danse, qui est décrétée gagnante à l’unanimité. Avant de lui remettre le prix, on appelle ses parents. Stupeur, c’est la hyène qui s’avance… Comment ça ? Un animal à quatre pattes serait la mère d’un oiseau ? C’est juste le début (rires)… Si je raconte tout, les gens ne viendront pas !

Que peuvent faire les marionnettes dans le Mali d’aujourd’hui ?

Dans le contexte actuel, les marionnettes sont une arme culturelle. Elles permettent aux Maliens de se réapproprier leur propre culture. Quand elles vont jouer dans les écoles, elles resserrent le lien des jeunes avec les anciennes générations. C’est une façon de dire : « écoute tes parents ». Elles sont aussi les garantes du vivre ensemble. Il y a treize langues au Mali, dont le français et le bambara ; nos marionnettes savent toutes les parler… Le public est une partie intégrante du spectacle : il se méfie puis vibre et, à la fin, rayonne. Il faut comprendre que la brutalité des religions vient de la pauvreté. Si l’oiseau n’a pas de nid, il ne peut pas pondre.

Propos recueillis par Kakie ROUBAUD

Le Baptême du Lionceau
Lavoir Moderne Parisien – 35, rue Léon Paris XVIIIe
Vendredi 18 et dimanche 20 à 16.30h

Les Marionnettes de Yaya
Exposition de Marionnettes
Echomusée – 21 rue Cavée Paris 18eme
À partir du 10 mars, de 14h à 19h

Le Peuple des Marionnettes
Parcours photographique de Jean Michel Fickinger
Square Léon – 20 rue des Gardes – Paris 18e

Dans le cadre des Hyper Rencontres de la Goutte d’Or
Africapitales#1 Bamako Paris
Du 1er au 30 mars 2022
Gratuit



Crédits photographiques : Facinet Coulibaly



Yaya Coulibaly et sa Cie Sogolon (@ Facinet Coulibaly)



 

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