“Waynak” par la Cie Loba : la mémoire recomposée d’un enfant de la guerre
Naji a fui, avec sa petite sœur Laya, son pays arabe en proie à une guerre sans merci. Lili est une petite Française qui le rencontre dans le bus, puis dans son établissement scolaire. Avec Waynak (‘‘T’es où ?’’), Catherine Verlaguet et Annabelle Sergent ont écrit un déchirant poème d’exil qui dit la guerre, les préjugés vus de l’Occident, et l’altérité vue par les yeux de deux adolescents.
L’image d’un pays enlaidi par la guerre
L’image évoquée d’entrée par Naji, profondément marqué, et qui résume à elle seule la situation de son pays d’origine, est celle d’un pays à l’odeur de jasmin (on ne peut s’empêcher de penser au Liban), devenu un pays de poussière. Ce qu’exprime Naji, c’est le constat d’une guerre qui a pris possession du paysage et de ses habitants, une guerre longue qui a rendu l’endroit invivable.
Le texte laissant une large place aux réminiscences de Naji montre un cadre idyllique où il faisait bon vivre autrefois et qu’il n’avait aucune raison de fuir avant l’horreur. Un personnage secondaire très émouvant est la grand-mère de Naji et Laya, d’une génération résignée par cette guerre et qui fera tout pour que ses deux petits-enfants puissent y échapper.
Lili, une adolescente occidentale
L’autre personnage central (et narratrice) de cette histoire, c’est Lili. Au début de la rencontre, c’est plus à sa mère, avec qui elle voyage dans ce bus où elles éviteront au garçon, sous la menace d’un contrôleur, d’être arrêté, puis l’hébergeront, que Naji doit son salut. Très vite, l’adolescente, avant de voir en Naji un ami, le percevra comme un rival dans l’affection des siens, un être qui pourrait menacer son petit confort quotidien.
Son attitude ne laissera pas au jeune garçon l’occasion de se faire connaître ; il quitte ce premier refuge, trouvant heureusement une aide du réseau associatif qui lui donne la possibilité de ne pas sombrer. En ce sens, l’attitude de Lili (et de son père également, moins sensible que sa femme) peut être représentative d’une partie de la population qui, par méconnaissance, juge négativement tout inconnu quel qu’il soit.
Un texte à la portée universelle
Heureusement, Lili, à la faveur d’une seconde rencontre (et d’une coexistence dans le même collège, imposée par la scolarisation obtenue pour Naji par les associations), comprend tout ce qu’elle a pu perdre en ne cherchant pas à voir l’âme du jeune garçon et les nombreux points communs qu’ils partagent.
Il faut du temps pour qu’ils puissent s’accepter avec leurs différences et apprendre à se connaître, à se reconnaître ; cette amitié n’en est que plus forte par la suite. C’est dans le partage de leurs enfances, de leurs mémoires et de leurs imaginaires que Lili et Naji créent un pays nouveau, fruit à la fois de leurs identités propres et de leur vécu commun. Un univers né de leur échange. C’est la principale note d’espoir donnée par ce superbe texte à la portée universelle.
Une mise en scène particulièrement forte et envoûtante
La mise en scène d’Annabelle Sergent s’attache aux deux jeunes gens et les accompagne avec délicatesse et force mêlées. Les deux comédiens, Laure Catherin et Benoît Seguin, jouent avec beaucoup de justesse et d’émotion les rêves qui animent les deux adolescents. Ils sont bouleversants.
La magnifique scénographie d’Olivier Clausse – un ponton (lien entre le nord et le sud), un sol de terre et les images projetées (archives de guerre, dessins d’enfants ou écritures) – créent une ambiance onirique particulièrement fascinante.
Waynak est un spectacle âpre et poétique, aussi envoûtant que déchirant, qui traite avec sensibilité et de façon directe d’un thème particulièrement actuel.
Spectacle : WAYNAK
Premier volet du diptyque « À quoi rêvent les enfants en temps de guerre ? »
Création : 2018
Durée : 55 mn
Public : à partir de 10 ans
Écriture : Catherine Verlaguet & Annabelle Sergent (texte publié aux éditions Lansman)
Mise en scène : Annabelle Sergent assistée d’Hélène Gay
Interprétation : Laure Catherin & Benoît Seguin
Scénographie & vidéo : Olivier Clausse
Création lumière : Erwan Tassel
Création sonore : Oolithe (Régis Raimbault & Jeannick Launay)
Création costumes : Thérèse Angebault
Contact : Compagnie Loba
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Crédits photographiques : Delphine Perrin (reproduction interdite)
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Où VOIR LE SPECTACLE ?
Spectacle vu au théâtre Dunois à Paris, le 15 novembre 2019.
– Du 30 janvier au 1er février 2020 : théâtre La Massalia (la Friche La Belle de Mai, Marseille)
– 6-7 février 2020 : Le Théâtre, scène nationale de Saint-Nazaire
– 10 mars 2020 : Le Jardin de Verre (Cholet)
– 3 avril 2020 : Festival Méli’Môme de Reims à La Filature (Bazancourt)
– 5-6 mai 2020 : L’Empreinte -Scène Nationale (Brives)
– 15 mai 2020 : Théâtre Les 3 Chênes à Loiron-Ruillé, en Mayenne
– 19 mai 2020 : Festival des Arts du récit à l’Espace 600 (Grenoble)
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Bonjour,
C’est un oubli. Nous corrigeons, même si le « une fois de plus » nous semble vraiment de trop. Profession Spectacle est quasiment le seul journal à mentionner systématiquement les éditeurs, à faire des critiques de textes de théâtre… ce qui demande du temps à nos journalistes et ne « rapporte » aucun lecteur, ni remerciements (pas étonnant que nos journalistes aient de moins en moins envie de le faire).
Vous parlez peut-être des autres journaux, mais le « une fois de plus » est posté ici, ce qui nous semble injuste, même si nous savons que la victimisation est d’époque.
Cordialement.
Bel article sur WAYNAK. Dommage que l’édition soit, sauf erreur, une fois de plus « oubliée » !