Voix-off et doublage, des métiers à part entière
Il y a trois ans, le 29 décembre 2012, s’éteignait Jean Topart à l’âge de 90 ans. Comédien de théâtre, acteur de cinéma et de télévision, il fut surtout une grande voix connue et reconnue de tous pour ses doublages de films ou de dessins animés. L’occasion pour Profession Spectacle de s’arrêter sur le métier si particulier de voix-off et de doubleur. Exemples en Bretagne.
GROS PLAN SUR… VOIX-OFF-BRETAGNE.FR
Qu’est-ce que c’est ?
Créé il y a presque quatre ans, en 2012, le site voix-off-bretagne.fr est né à l’initiative d’Éric Bouillon. Vidéaste, cameraman et chef-opérateur du son avec sa boîte de production Webcome, ce Breton est revenu s’implanter dans sa région à Rennes, après des années de travail à Paris sur la réalisation de documentaires en France et à l’étranger. À la recherche de voix-off pour ses différents projets, il se rend vite compte de la difficulté à en trouver. « Ce n’est pas qu’il y avait un manque de voix mais elles étaient très dispersées, explique t-il. Un peu à Brest, un peu à Nantes ou à Rennes… Certaines personnes avaient leur site internet personnel mais d’autres n’avaient aucune visibilité ». Il décide alors de créer une plate-forme unique pour recenser les profils, une sorte d’annuaire de la voix-off en Bretagne.
Le concept prend rapidement. « Il y a deux possibilités. Soit les voix-offs ont déjà une maquette. Ils me l’envoient, je l’écoute puis il y a une sélection par rapport à la qualité de la voix. Soit les voix-offs peuvent passer un casting au siège de la société à Rennes en utilisant notre cabine de speak ». Aujourd’hui, le site recense une cinquantaine de voix. Pour chaque profil, on a accès à trois enregistrements en écoute, ainsi qu’une photo, quelques lignes de biographies et les coordonnées de la personne. « L’idée était de faciliter les rencontres entre l’offre et la demande. Je ne suis qu’un passeur de plat. Il n’y a pas de commissions sur les éventuels contrats décrochés grâce au site » insiste Eric Bouillon. « C’est l’inscription qui est payante : 60 euros si la personne a déjà sa maquette ou 100 euros pour l’enregistrement des voix dans notre studio. A cela s’ajoute 15 euros par an pour la présence sur le site. Et les castings pour ceux qui veulent se tester eux sont gratuits ».
Qui sont ces voix ?
La très grande majorité des voix-off recensées sont déjà des professionnels appartenant au monde du spectacle vivant et de l’audiovisuel, qu’ils aient suivi ou non une formation. « À peu près 80 % de pros contre 20 % de monsieur et madame Tout le monde, précise Eric Bouillon. C’est un complément de travail intéressant. À Paris, certains comédiens peuvent vivre uniquement de cela. En région, c’est plus compliqué même si, en Bretagne, il y a un réseau bien développé ». Les contrats décrochés sont soit facturés en tant qu’auto-entrepreneur, soit payés en cachet intermittent. Sur le site, on trouve des voix en français mais aussi en anglais, en allemand et « on recherche des voix en breton, en espagnol et surtout en chinois, une langue de plus en plus demandée ». Avis aux amateurs.
Qu’est-ce qu’une bonne voix ?
« Il y a toutes sortes de voix. On a tous une identité vocale différente et on ne recherche pas la même chose pour un documentaire de télévision, un reportage radio, une bande-annonce ou pour une publicité, détaille Eric Bouillon. Chaque voix-off a sa ou ses spécialités. Il faut bien sûr un bon timbre et une bonne diction. Dès la première seconde, on sent si ça marche et s’il se passe quelque chose. On doit ressentir des émotions tout de suite, même dans les silences. La voix, c’est comme un piano à queue. Il ne faut pas être monocorde ! »
Exemple avec Lionel Monier, comédien professionnel
Basé dans le Morbihan, Lionel Monier est comédien de théâtre et de fiction depuis plus de vingt ans ; il trouve dans la voix-off et le doublage un parfait complément à ses activités : « Je fais en moyenne une à deux piges par mois sur des projets souvent très variés. J’ai fait de la narration pour un documentaire historique pour France 3, mais aussi des doublages de fictions, des films institutionnels et des films d’entreprises, énumère t-il. Plus étonnant et méconnu, il y a ce qu’on appelle le ‘‘e-learning’’, à savoir des cours à distance. J’enregistre des exercices éducatifs pour des applications sur Smartphones ».
Autre domaine : l’audio-description pour la télévision. C’est un engagement du CSA en faveur des personnes aveugles et malvoyantes. « C’est une demande qui se développe beaucoup en ce moment. Les chaînes de télévision ont énormément de besoins en voix pour leurs programmes, explique Lionel Monier qui, pour ses contrats, est « payé sous le régime de l’intermittence. Le montant d’une prestation varie selon la convention collective, que ce soit pour le cinéma ou télévision. Pour les autres demandes, je demande 200 euros brut la demi-journée ou 250 euros la journée ».
⇒ Toutes les voix et les infos à retrouver sur le site Voix-off Bretagne.
DIZALE, VIVE LE CINEMA EN BRETON
Plus de 150 œuvres doublées en plus de 15 ans d’existence ! E brezhoneg mar plij (« Et en breton s’il vous plaît ») ! La belle histoire de l’association Dizale (prononcez « Dizalé ») a commencé en 1998 avec la création de la chaîne TV Breizh, chargée alors de promouvoir et d’assurer la pérennité de la langue bretonne. Il fallait donc un studio de doublage. TV Breizh a aujourd’hui disparu, du moins pour ce qui est des programmes en breton, mais Dizale a survécu grâce à la passion d’un groupe de comédiens, professionnels de la production et militants bretonnants.
Une cinquantaine d’intermittents
Certes, l’association a quitté au début de cette année 2015 son studio historique, chassée par les pelleteuses, pour des locaux plus petits, moins urbains, à Plouharnel, à 40 kilomètres de là… mais la motivation reste la même ! Samuel Julien est le directeur de Dizale : « Notre ancien studio a été démoli. On l’a quitté à contre-cœur, mais on a vite rebondi, raconte t-il. Nos nouveaux locaux sont plus petits, mais on a quand même une belle salle de doublage de 50m2, avec quelques bureaux attenants ». Sept mois de travaux et un investissement de 200 000 euros ont été nécessaires. Dizale, c’est trois emplois permanents, ainsi que l’équivalent de quinze temps plein, avec un groupe d’une cinquantaine d’intermittents pour les voix et la direction artistique. « Ce sont tous des comédiens professionnels, de tous les styles. On a des animateurs de télé, des comédiens de théâtre, des chanteurs… »
Vingt minutes doublées par jour
Rien que pour 2015, malgré les premiers mois chamboulés par le déménagement, plus d’une dizaine de doublages ont été réalisés, dont quatre films, notamment La Part des Anges de Ken Loach, prix du jury au festival de Cannes en 2012. À cela s’ajoutent deux films d’animation et six documentaires ; l’un des moments les plus importants de la saison a été le doublage et la diffusion de la série policière galloise Serr Noz. « C’est une série très médiatisée en Grande-Bretagne mais, bizarrement, jusque-là inédite en France. Nous avons réussi à acquérir les droits. Nous l’avons doublée en breton, sous-titrée en français, puis nous l’avons diffusée sur le réseau des chaînes locales : TV Rennes, Tébéo (Finistère) et TébéSud (Morbihan), se félicite Samuel Julien. Ça a été un beau succès et pas mal de travail. Pour une série comme celle-ci, il y avait 40 comédiens, quatre épisodes de deux heures à doubler, à une vitesse moyenne de 20 minutes doublées et mixées par jour ! »
Star Wars, la Guerre des étoiles, le rêve
Le catalogue de l’association est large. Parmi les exemples les plus connus, on peut citer les séries mythiques Albator, Les Mystérieuses cités d’or (clin d’oeil à Jean Topart narrateur dans la version française) rebaptisée « Bugel an Heol », ou encore les films à grand spectacle tels que Appolo 13 de Ron Howard avec Tom Hanks ou Braveheart de Mel Gibson. Comment faire d’ailleurs pour doubler des films hollywoodiens ? « Pour Braveheart, on a mis plus de deux ans à aboutir, se souvient Samuel Julien. Mais on arrive à négocier avec des coûts raisonnables. C’est un petit jeu à trois entre le studio qui détient le film, nous Dizale et le réseau de diffusion. Bien sûr, si on voulait doubler Spectre, le dernier James Bond, ce serait compliqué ! De même pour Star Wars 7 qui vient de sortir ! Mais pourquoi pas le tout premier : La Guerre des étoiles ? Ce serait un rêve ! »
Dans les cinémas bretons
Les productions de Dizale sont disponibles en vidéo à la demande sur la plate-forme Breizh VOD, pour un coût de 4,99 euros la location de 48 heures ou 9,99 euros en téléchargement. La web TV en breton Brezh Web diffuse également régulièrement les œuvres et les retours sont plutôt bons. « La VOD est en croissance de 10 % depuis deux ans et demi, ce qui représente plusieurs centaines de locations, explique Samuel Julien. Ça peut paraître peu mais les plus belles audiences se font directement dans les cinémas ». En effet, chaque année, une cinquantaine de projections sont organisées dans des cinémas partenaires partout à travers la région, avec entre 12 000 et 13 000 tickets vendus. Un beau succès qui donne des idées ailleurs en France. Le concept Dizale s’exporte puisqu’il existe maintenant un studio de doublage en Corse et en Occitan.
⇒ Plus d’informations sur le site de l’association Dizale.
SE FORMER AUX METIERS DE VOIX-OFF ET DU DOUBLAGE
Il existe de nombreux organismes de formation à la voix-off et au doublage. Un coup d’œil sur internet suffit pour s’en apercevoir mais est-ce vraiment nécessaire ? Oui, si l’on en croit les principaux intéressés : les comédiens.
Lionel Monier nous le confirme : « Il y a plusieurs styles de formation, explique t-il. Il y a des formations généralistes qui vont permettre d’apprendre à enregistrer une publicité, des textes radio, à poser sa voix derrière le micro. Il y a également des formations plus spécifiques sur les techniques du doublage, de la voix-off ou même de l’audio-description qui est en plein essor. C’est un métier vraiment particulier, un métier à part entière. Une formation permet de s’entraîner, sans s’exposer ni se griller. Car une fois un contrat décroché, il faut être efficace immédiatement sous peine de ne jamais être rappelé ! »
Les formations sont souvent des sessions courtes et intenses (une à deux semaines), en petit groupe d’une dizaine maximum ; la plupart se font à Paris. Les prix sont variables et peuvent rebuter : entre 1000 et 3000 euros ! « Oui, il faut avouer que la formation a un coût élevé, reconnaît Lionel Monier, mais il y a des aides possibles, à commencer par l’AFDAS pour les intermittents par exemple, qui peuvent prendre en charge une bonne partie des frais ».
Exemples de formations :
INA Expert : « Le comédien au micro, travailler la voix-off ». Deux semaines intensives en studio. 3200 euros. Conventionné AFDAS pour financement. Paris
IMDA (Institut des Métiers du Doublage et de l’Audiovisuel) : formation voix-off/doublage. 10 jours (70 heures). Conventionné AFDAS. Paris
Rhinocéros formation : stage immersion + doublage à la carte (films de cinéma, séries, jeux vidéos, audio-description…). 5 jours (35 heures). Conventionné AFDAS pour financement. Paris
Exemple de financements :
AFDAS : Assurance Formation des Activités du Spectacle.
De notre correspondant en Bretagne,
Xavier GRIMAULT
Chanteuse lyrique, comédienne et clown,, je suis à la recherche de stage ou formation de doublage ou voix off 🙂
Je suis à votre disposition pour vos conseils 🙂
Bonsoir, bravo pour votre article très précis sur le sujet. Au plaisir de vous côtoyer et de vous faire partager mon parcours théâtral et cinématographique. Je suis très intéressée par ce métier voix-off. Quelle sont les autres aides de financement pour cette formation. Je vous souhaite également une belle année 2016,une santé florissante et l’accomplissement de tous vos désirs pour vous et pour vos proches. Très cordialement. Isabelle
bonjour, j’ai trouvé votre article passionnant. Je suis moi voix off medium. Mais faut dit qu’il ya plusieurs domaine de voix off qui traine à se développer dans mon pays. Ma question et de savoir si vous n’avez pas de partenariat avec des associations de voix off en afrique de l’ouest et si non si vous ne pensez pas en mettre sur pied. Parce qu’il y’a quand un réel potentiel en général.