“Viendra le feu” : une œuvre d’une tendresse surprenante
Viendra le feu est un film âpre, aux personnages mutiques dans un décor dénudé, mais où les sentiments finissent par venir s’échouer librement, révélant une œuvre d’une tendresse surprenante.
Cheveux mi-longs, grand nez busqué, visage marqué, Amador vient de purger deux ans de prison pour incendie. Son retour dans sa Galice natale se fait sans effusion. Malgré son regard mélancolique et sa discrétion, Amador est un potentiel criminel pour les villageois qui restent pour la plupart méfiants. Il n’y a que Benedicta, sa mère, qui semble heureuse de le revoir. Ensemble, ils s’occupent de la petite ferme familiale, qui se réduit à deux trois vaches et un chien de berger. L’été se passe, et le feu de forêt, comme chaque année, est redouté.
Récompensé cette année par le prix du jury cannois d’Un Certain Regard, Viendra le feu se déroule aux Ancares, une région montagneuse de la Galice, particulièrement touchée par les ravages du feu. L’homme y est sans cesse amené à combattre la nature. C’est d’ailleurs sur l’un de ces corps à corps que le réalisateur Olivier Laxe ouvre son troisième long-métrage : d’énormes engins abattent une forêt d’eucalyptus jusqu’à hésiter devant l’un d’entre eux, particulièrement majestueux, centenaire.
À travers les personnages d’Amador et de Benedicta, versus le reste du monde, le film continue d’opposer le monde rural déclinant face à la modernité. Ainsi Amador préfère-t-il marcher que de monter en voiture, manger un morceau de pain chauffé sur le poêle de sa mère plutôt que de boire une bière au village. Son côté doux solitaire fait de lui un personnage particulièrement émouvant, qui vient complètement rompre avec son image d’ancien détenu. La question de sa culpabilité n’est d’ailleurs jamais abordée, le film préférant s’attarder sur la possibilité d’une seconde chance.
Mais Amador est comme sa nature adorée : à fleur de peau. Malgré la douceur du bruit de la pluie contre les carreaux de la petite cuisine, la chaleur du poêle et le regard tendre de Benedicta, il craint toujours un retour de bâton — en l’occurrence de flammes —, et chaque petit événement (le chien perdu, la vache blessée) vient appuyer sur ses épaules déjà lourdes. De plus, Amador n’étant pas particulièrement prolixe, le réalisateur peut laisser s’exprimer des sons d’ambiance (crépitement des flammes dans le poêle, pluie et autres intempéries météorologiques) qui renforcent la complexité d’une atmosphère à la fois chaleureuse et pesante.
Viendra le feu est un film âpre, aux personnages mutiques dans un décor dénudé, mais où les sentiments, endigués, finissent par venir s’échouer librement, révélant une œuvre d’une tendresse surprenante.
Oliver Laxe, Viendra le feu, Espagne – France, 2019, 90mn
Sortie : 4 septembre 2019
Genre : drame
Classification : tous publics
Avec Amador Arias, Benedicta Sanchez, Inazio Abrao, Elena Fernández
Scénario : Oliver Laxe, Santiago Fillol
Image : Mauro Herce
Distribution : Pyramide films
En savoir plus sur le film avec CCSF : Viendra le feu
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