VIDÉO. « L’ESS est un idéal de transformation sociale et de vertu »
Le statisticien Philippe Kaminski est l’un des plus éminents spécialistes de l’économie sociale et solidaire (ESS). Commençant ses recherches à la fin des années 70, il a notamment présidé l’ADDES et assume aujourd’hui la fonction de représentant en Europe du Réseau de l’Économie Sociale et Solidaire de Côte d’Ivoire (RIESS). Il a rejoint le conseil scientifique du Laboratoire « arts, droits culturels et ESS » lancé par Profession Spectacle au cours du mois de février.
Difficulté de délimiter le champs de l’économie sociale et solidaire
« Comment est-ce que je définis ce champs qui a plusieurs fois changé, qui est aujourd’hui fixé, semble-t-il, par une loi, qui a trois ans maintenant. Cependant, lorsqu’on sort du territoire français, cette loi n’a plus cours et d’autres définitions prennent le relai. Et même en France, la loi a beau exister, on s’aperçoit que soit les interlocuteurs ne se représentent absolument pas ce que peut être l’économie sociale et solidaire, soit ils en ont une conception tout à fait personnelle. Il y a donc une très grande plasticité du concept. »
Valeurs de l’ESS et tentation d’angélisme (extraits)
« En tant que statisticien, on a besoin de définitions relativement objectives. Se pose un problème : la plupart des gens qui sont intéressés par l’économie sociale s’attachent particulièrement aux valeurs qu’elle véhicule et sont très attentives au respect de ces valeurs, une sorte de conduite exemplaire de la part des entreprises. Or les entreprises sont des réalités humaines, elles sont faillibles… Nous ne sommes pas tous des héros et des saints du matin au soir, et les entreprises encore moins parce qu’elles sont confrontées à leur marché, à des tas de problèmes. Donc souvent, ces valeurs, on les oublie un peu… »
« L’angélisme est une perversion de l’esprit. Il faut bien se dire qu’une entreprise, on la range dans l’économie sociale en raison d’un certain nombre de critères objectifs, et puis elle se conduit plus ou moins bien. C’est notre responsabilité aussi d’essayer, si l’on détecte des manquements à la règle commune, de les faire corriger. »
« Avant toute chose, l’ESS, c’est un idéal de transformation sociale et un idéal de vertu. On peut très bien avoir un idéal et être pécheur du matin au soir, et poursuivre cet idéal quand même : il est présent et il est indépendant, pas totalement évidemment. »
Propos recueillis par Pierre GELIN-MONASTIER