Un grave oubli : auteurs et autrices de théâtre en mal de reconnaissance

Un grave oubli : auteurs et autrices de théâtre en mal de reconnaissance
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Critique dramatique et rédacteur en chef des Lettres Françaises, directeur de la publication et rédacteur en chef de Frictions, Jean-Pierre Han est une des plumes incontestées du monde théâtral, privilégiant une approche essentiellement politique. « Vagabondage théâtral » est sa chronique mensuelle pour les lecteurs de Profession Spectacle.

« Vagabondage théâtral »

Après huit mois de vagabondage théâtral qui me procurent, je l’avoue très volontiers, un réel plaisir, je m’aperçois à mon grand désarroi – horreur ! – que je n’ai pas encore évoqué ou même fait la moindre petite allusion aux auteurs et autrices réunis.

Impardonnable me dira-t-on, et réel manque de tact et de discernement par ces temps où dans le cercle très restreint du monde théâtral lesdits auteurs et autrices font beaucoup parler d’eux, sont à tous les coins de scène à défaut d’être dessus et magnifiés selon leur juste mérite. Alors réparons au plus vite ce qui est plus qu’une bévue, une vraie faute !

Que la corporation des auteurs et autrices veuille bien me pardonner : j’avoue humblement avoir fait un faux pas que je m’empresse de réparer. Mais après tout qu’est-ce que ma petite, voire minuscule voix, dans le grand concert théâtral ? Comment ai-je pu à ce point oublier ces messieurs et dames qui se sacrifient pour le noble art, alors qu’au fil des jours nous ne cessons d’entendre parler d’eux ?

D’abord dans leurs récriminations déplorant le peu de cas que les instances théâtrales font de leurs œuvres, ensuite et récemment dans leurs réactions en chaîne à la grossière provocation émise par le journal Libération se demandant dans un petit supplément quand même à eux consacré si le théâtre avait encore besoin des auteurs aujourd’hui, petit questionnement qui avait déclenché une avalanche de protestations de tous genres et de toutes les couleurs des intéressés. Les récriminations des auteurs, ces mal aimés, est depuis des années un vrai leitmotiv.

D’abord ils entendent être traités à part égale avec les metteurs en scène dans l’attribution des grandes institutions comme les CDN. C’est vrai que, pour l’heure, on peut compter sur les doigts de la main les auteurs à la tête de tels lieux : Wajdi Mouawad, Jean Lambert-wild qui cumulent les casquettes (ils sont aussi comédiens et metteurs en scène), Carole Thibault… qui d’autre encore ? J’en oublie sûrement. Ensuite parce qu’à vrai dire ils ne sont pas vraiment reconnus, même après des années de labeur, ni de la famille littéraire, ni du milieu des plateaux. Ce qui s’appelle donc avoir le cul entre deux chaises.

Pourtant ce n’est pas faute d’aides en tous genres, résidences, bourses, que sais-je encore. Des manifestations ici et là leur sont entièrement consacrées. Édités, la plupart le sont et j’aurais même tendance à penser qu’il y a beaucoup trop de publications de textes de théâtre, ce qui rend le choix de lecture, hors manuscrits, plutôt difficile.

Et voilà qu’un phénomène – pas si nouveau que ça, mais qui a tendance à se développer – est apparu : celui de la multiplication des récompenses et autres prix couronnant un texte, un auteur, les deux à la fois. C’est devenu un jeu très prisé, où même ceux qui ont raté telle ou telle récompense de peu, mais se sont retrouvés en « finale », lauréats du premier tour donc, parviennent à s’en glorifier. On finit par se demander qui n’a pas été peu ou prou sorti du lot et n’a pas connu un petit instant de gloire.

Sauf que la question demeure, il concerne encore et toujours celui de la lecture ou plutôt de la non lecture des textes, quant à ce qui est de leur représentation…

Jean-Pierre HAN

Retrouvez tous les vagabondages de Jean-Pierre Han :

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