Tonnerre : construire un pôle culturel pour revitaliser le territoire
Redynamiser une petite ville rurale par les arts et la culture… en pleine crise sanitaire ! Tel est le grand pari du nouveau maire de Tonnerre, commune de l’Yonne qui compte près de 5 000 habitants et qui vient d’obtenir le label “Petite ville de demain”. Un défi à court et long terme pour Cédric Clech et son équipe, que Profession Spectacle a rencontrés.
Ville du Chevalier d’Éon et centre d’archives prestigieux, Tonnerre est un exemple de commune fortement investie pour les arts et la culture. Quelles perspectives cela ouvre-t-il en milieu rural ? Rencontre avec le maire de Tonnerre, Cédric Clech, qui apporte une nouvelle impulsion à la ville dont il est natif, depuis son élection en mai dernier.
C’est accompagné de Sylviane Toulon, adjointe en charge de la culture, des associations et de la démocratie locale, Gilles Barjou, délégué en charge du numérique et de la culture, et Mariana Giani, responsable du cinéma-théâtre de la ville, qu’il a accepté d’échanger avec Profession Spectacle sur le déploiement de sa politique culturelle locale.
Une année test
Cédric Clech et son équipe conduisent un projet de réhabilitation de la salle du cinéma-théâtre de la ville, établissement qui jouxte le bâtiment de la mairie. « Il se trouve que nous avons, à Tonnerre et sur le territoire, des acteurs de théâtre qui sont arrivés avec l’envie de proposer au public tonnerrois des spectacles, s’enthousiasme-t-il. On a donc noué un partenariat avec l’association Tonnerre Spectacles pour voir s’il y a un public pour ça, au même titre que pour le cinéma qui a une programmation tout public. On a aussi la chance d’avoir l’association Tonnerre-Culture, qui propose un excellent ciné-club. »
Une phase de test est donc lancée dans une période qui, loin d’être favorable, ne les a pas empêchés de maintenir le cap avec une programmation de qualité. « L’idée, cette année, c’est qu’on puisse tester et savoir si on peut réhabiliter le lieu en cinéma-théâtre. Je rappelle qu’il n’y a pas que Tonnerre Spectacles, mais aussi trois autres projets dont la compagnie de l’Armançon, la compagnie Barbès 35, qui travaille avec les élèves du collège Abel-Minard, et une autre, avec Bernard Guérin, qui met en scène Rimbaud, spectacle qui a cartonné ici et à Paris. Ils sont en train de finir l’écriture de Verlaine et feront une avant-première sur nos terres. »
Sur les sept spectacles prévus d’octobre 2020 à mai 2021, seul Victor Hugo, un géant dans un siècle a pu être présenté au public à l’automne dernier. Le programmateur, Alexandre Delimoges, qui est également comédien, metteur en scène et directeur de l’école du One Man Show à Paris, espère une réouverture au printemps. « La capacité d’accueil de la salle est de cent quarante places, mais avec la distanciation, ce sera plutôt quatre-vingt-dix, explique-t-il. On espère rouvrir au moins pour les spectacles d’avril et mai. »
« Un ciné-théâtre Paradiso »
Comme le soulignent Sylviane Toulon et Gilles Barjou, nombreux sont les habitants des communes aux alentours, jusqu’à Auxerre situé à moins d’une trentaine de kilomètres, à coudoyer ce cinéma indépendant, labellisé “art et essai”, qui sera en travaux de septembre à octobre. « C’était déjà à l’origine un cinéma-théâtre, mais on change un peu l’ergonomie du chantier, c’est-à-dire qu’on souhaite garder cette âme de ciné-théâtre Paradiso, plutôt que d’en faire un César Palace à Tonnerre, affirme Cédric Clech. Ça n’a pas de sens, on n’a pas la clientèle pour ; ce n’est pas notre ambition, notre ressenti, nos valeurs. »
Mariana Giani, arrivée dans l’équipe en septembre dernier, ajoute qu’il est important de privilégier la co-construction de projets, favorisant une synergie entre les acteurs culturels et éducatifs du territoire et d’ailleurs. « Les films pour la jeunesse sont toujours accompagnés d’animations, confirme-t-elle. Les enfants ont par exemple transformé le cinéma en planétarium en reproduisant une constellation phosphorescente d’étoiles, en collaboration avec la librairie Maipiu et la médiathèque. On essaie de capter l’intérêt des jeunes en développant des sessions de jeux vidéo sur grand écran qui sont intégrées à la thématique du football dans le cinéma. »
Un pôle culturel en construction…
Le pôle culturel de la ville est lui aussi en chantier. « Il me semble important de monter ce pôle, confie le maire de Tonnerre. Pour le moment, on a la médiathèque, le cinéma, les expositions, mais j’aimerais qu’il y ait plus de lien entre chaque service, que nous ayons un chef de service, un budget dédié et les bâtiments qui vont avec. L’année 2021 sera marquée par la construction de ce projet et par une politique culturelle de la ville que nos élus sont en train d’écrire. »
Un diagnostic sur l’éducation artistique et culturelle est par ailleurs en train de s’établir sur le territoire, en lien avec la DRAC Bourgogne-Franche-Comté, car la jeunesse et l’éducation sont une compétence de la communauté de commune du Tonnerrois. Cédric Clech, qui est notamment producteur et fondateur de Média TV, se décrit comme un citoyen engagé pour sa ville et pour ouvrir la culture à un maximum de personnes. « Sur le plan de l’art contemporain et de la photographie, il y aura en avril l’ouverture du centre d’art le Café des Glaces, avec l’implantation du collectif Le Marquis, détaille le maire de Tonnerre. Camille Besson et Raphaël Rossi vont en faire un lieu ouvert sur la population. J’ai demandé, et c’est important, qu’on ait un petit lieu d’accueil le samedi matin, avec un café associatif, car il faut que la culture soit ouverte sur les autres. »
Une logique de projets menés en commun guide sa politique. « Dans cette période, c’est évidemment compliqué, mais on espère pouvoir faire plus de choses cet été, affirme Cédric Clech. L’enjeu est de nouer des partenariats avec les associations et surtout d’innover. Nous sommes engagés pour notre ville et notre territoire avec l’envie d’innover : ça veut aussi dire mettre les mains dans le cambouis et essayer des choses. Tout ça constituera dans un moyen terme un pôle culturel, au même titre qu’un pôle sportif. »
… sur un territoire prisé
Le territoire était déjà connu pour son dynamisme lié à la musique classique. En effet, le Tonnerrois et la musique baroque sont très liés : il existe plusieurs associations de chœurs qui font régulièrement venir des invités prestigieux lors de concerts et des classes de maîtres. « Nous sommes à la pointe de cette thématique musicale, reconnaît Cédric Clech. Concernant l’art plastique, les choses se mettent aussi en place avec le Café des Glaces. Notre stratégie semble éveiller la curiosité de la DRAC et de plusieurs autres institutions : la galerie Prodromus et l’association européenne pour la préservation, la reconnaissance et la valorisation du piano historique français Fan d’Érard viennent par exemple de s’installer à Tonnerre. »
Cédric Clech souhaite susciter l’émerveillement auprès du public ; telle est selon lui la principale raison d’être de la culture. « C’est du cas par cas, un travail de Petit Poucet. L’art sert à ça : créer de l’émotion, surtout en cette période, et pouvoir donner à des personnes de tous les âges de quoi se nourrir autrement que via le réseau TikTok ou devant le journal télévisé. »
Ainsi, malgré un contexte pandémique désastreux, le Tonnerrois porte la promesse de voir fleurir projets et entreprises créatives, à la hauteur de son passé. « Il y a un appel d’offre en cours pour l’installation d’une annexe de la BNF, avec cent emplois à la clef… Ce serait formidable que Tonnerre soit la lauréate ! En lien avec l’histoire de notre ville, je porte la conviction que la greffe prendrait bien sur le Tonnerrois. Quitte à délocaliser, autant choisir un territoire rural, formidablement bien équipé en collège, lycée et en infrastructures sportives, où le foncier est également accessible. »
Forte d’un patrimoine à la fois historique et vivant, la commune de Tonnerre se veut plus intensément impliquée en faveur des arts et de la culture. Telle est l’ambition de Cédric Clech pour innover et revitaliser le territoire dont il a désormais la responsabilité.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
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Crédits photographiques : Morgane Macé / Profession Spectacle