Sébastien Lefèvre, un artisan de la lumière

Sébastien Lefèvre, un artisan de la lumière
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Du spectacle vivant à l’installation lumineuse, artiste autant que technicien, Sébastien Lefèvre évolue en funambule, entre le méga show et la subtile poésie.

Il aura fallu deux jours pour démonter La Vague, la dernière installation monumentale de Sébastien Lefèvre, créateur lumière. Vingt personnes et une grue ont été nécessaires pour mettre à plat sa structure de vingt mètres de haut avec des poutres transversales, des tours, des centaines de mètres de cordages et des « kakemonos » de voile qui ont claqué au cœur de la ville de Lyon, lors du 21e festival des Lumières.

Entretien exclusif avec un créateur inspiré.

Comment travaillez-vous sur vos projets d’installations lumineuses ?

Mes structures naissent d’une ville ! À l’origine, il y a un pont, une place, une piscine… Ce sont les espaces qui m’inspirent. Et puis, il y a la nuit. Quand on est un artisan de la lumière, on part du noir pour aller vers le blanc, à l’inverse du peintre qui part du blanc ; j’ajoute de la couleur alors que le peintre la soustrait. Pour La Vague, ça représente une centaine d’effets lumineux par minute ! Une fois l’idée dessinée, je réalise une maquette et lance les propositions techniques. Monter des tours et des échafaudages, ce n’est pas ma spécialité, surtout avec des tensions sur les cordages comme c’était le cas sur La Vague, place Bellecour. Pour garantir la sécurité de l’installation et celle du public, il faut s’entourer de spécialistes : ça, c’est le boulot de mon producteur.

L’originalité de vos structures, c’est le mouvement des supports, leur grande mobilité…

En vérité, je suis un scénographe de la lumière en extérieur plutôt qu’un fan du pixel… J’aime les surfaces qui bougent. Avec Poésie d’Orient, lumière d’Occident, j’ai monté à Genève une installation mobile qui a perduré pendant quatre hivers, de 2014 à 2018 : 1 400 rectangles de papier suspendus avec des clochettes, les « furins » des temples japonais, sauf que mes furins étaient en fibre optique tissée et il y avait une LED à l’intérieur de chaque clochette. Déjà, en 2012, j’avais créé une autre structure vivante, Oriflammes, sur le pont Lafayette à Lyon. Perchés à sept mètres de haut, nous avions installé deux projecteurs sur chacun des 240 mâts, pour faire des changements de couleur en dégradé sur tous les drapeaux. C’est la lumière et la couleur sur la toile en mouvement qui m’intéressent, les ombres et les reliefs !

Vous avez aussi également une ligne de travail autour du néon.

À Lyon, sur les quais du Rhône, on a une piscine olympique en plein air datant des années soixante, très futuriste, un marqueur. Cette piscine est surplombée par quatre tours rondes, comme des soucoupes volantes. J’y ai installé trois kilomètres de néons LED qui s’entrelaçaient jusqu’à trente-trois mètres de haut, pour créer une danse de la lumière que j’ai nommée Caprice, sur une musique de Paganini. Mais c’était pour ce lieu spécifique et l’installation ne pouvait pas voyager… Donc, en 2019, je suis reparti sur l’idée des cordons LED et j’ai créé Le Pavillon, une structure conique de vingt mètres de diamètre et dix mètres de haut, qui est ensuite partie à Bucarest, sur une musique électro d’Alexandre Bouvier. La musique aussi m’inspire. En ce moment, ce sont les solos de flûtes dans les voilures…

En quoi vos installations en extérieur diffèrent-elles de vos interventions sur le spectacle vivant ?

Le spectacle vivant est plus subtil, plus délicat. Mais personnellement, j’ai besoin des deux. Une pratique se nourrit de l’autre ! Les compagnies de danse et de théâtre avec lesquelles je travaille, par exemple Shonen ou Das Plateau, sont très osées. On peut faire beaucoup de choses avec elles.

Et si une proposition lumière n’est pas retenue par la compagnie, je la garde pour mes installations ! Pour exister dans une ville, avec toute cette lumière qui traîne partout, son flux de vitrines éclairées, de néons, de phares de voitures et de piétons, il faut quelque chose de très fort, du grand spectacle ! On doit en mettre plein les yeux tout en restant poétique : c’est toute la difficulté.

Est-ce la ville de Lyon qui vous a amené à la lumière ?

Disons que c’est le son qui m’a amené à Lyon et Lyon qui m’a amené à la lumière… (rires). Je viens de la campagne, d’un village rural de Bourgogne, Saint-Christophe-en-Brionnais, célèbre pour sa foire à bestiaux. Mon père est artiste et ébéniste, créateur en marqueterie de renom [Il a réalisé des travaux pour le restaurateur Trois Gros, des banques à Genève et l’ambassade du Japon, NDLR]. J’ai commencé par la biologie avant de plonger dans les radios libres, et j’ai repris des études de technicien du spectacle à l’ENSATT de Lyon. À l’époque, le festival des Lumières était naissant, aux mains des éclairagistes. Vingt ans plus tard, Lyon reste un modèle international, un incontournable, une référence. C’est le festival de lumière qui a les budgets les plus conséquents. Comme à Avignon pour le théâtre, les équipes municipales du monde entier viennent y chercher leurs prochaines pépites…

Propos recueillis par Kakie ROUBAUD

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En savoir plus : site officiel de Sébastien Lefèvre

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Photographie à la Une :  La Vague, de Sebastien Lefevre (@ Antonin Chaplain)
Photographie ci-dessous : School of Moon par la Cie Sonhen (@ Andreas Endermann)


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School of Moon par la Cie Sonhen (@ Andreas Endermann)

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