Scène nationale : comment obtient-on le label ?
Historiquement créées par Jack Lang et associées aux villes moyennes, les 76 scènes nationales actuelles sont réparties sur l’ensemble du territoire, de manière assez homogène. Sur quels critères obtient-on ce label ? Quelles sont les missions qu’il permet de défendre et quelles sont les conditions de son renouvellement ? Exemple avec le théâtre de Bourg-en-Bresse et les Scènes du Jura.
Scène conventionnée d’intérêt national « art et création », avec une spécificité pour le cirque et la marionnette depuis 2008, le théâtre de Bourg-en-Bresse s’est vu attribuer, fin mars, le label de scène nationale. Une belle reconnaissance après maintes tentatives et l’une des dernières décisions de Roselyne Bachelot-Narquin en tant que ministre de la Culture avant son départ du gouvernement au printemps dernier.
Historiquement créées par Jack Lang et associées aux villes moyennes, 76 scènes nationales sont aujourd’hui réparties sur l’ensemble du territoire, qui en est équipé de manière assez homogène. Sur quels critères obtient-on ce label ? Quelles sont les missions qu’il permet de défendre et quelles sont les conditions de son renouvellement ?
Un financement progressif…
Après vingt-cinq ans de discussions entre les directions successives du théâtre de Bourg-en-Bresse, ses représentants, les élus locaux et le ministère de la Culture – « des traces de premières démarches remontent à la fin des années 1990», confirme son directeur Vincent Roche Lecca –, retour sur ce processus de candidature qui engage les collectivités et la structure à s’acquitter de trois missions d’intérêt général : le soutien à la création – résidences, productions et co-productions –, la diffusion de spectacles et l’éducation artistique et culturelle.
Ce changement de statut implique l’augmentation progressive du budget total de ce théâtre, qui passera de deux à trois millions d’euros d’ici quatre ans. Un tel bond pécuniaire devrait permettre de renforcer ses équipes, qui comptent trente-quatre salariés permanents et une quarantaine d’intermittents en technique, dans ce département de l’Ain qui était auparavant doté d’un seul lieu labelisé pour les musiques actuelles, La Tannerie.
« Il y a eu plusieurs tentatives avant mon arrivée, se souvient Vincent Roche Lecca. En 2020, je suis allé voir le maire Jean-François Debat pour lui demander si ça valait le coup de recandidater. Il a donné son accord et, au cours des deux dernières années, on a adressé six ou sept courriers à Roselyne Bachelot-Narquin. »
Une persévérance qui a porté ses fruits pour ce théâtre qui remplissait déjà 75 % des missions qu’exige le label : « On a reçu les responsables de la DGCA, la direction générale de la création artistique du ministère de la Culture, pour voir comment on allait devoir modifier notre activité. »
Un rôle protecteur ?
« Nous avions déjà des relations avec les trois scènes nationales de Saône-et-Loire et celles de Savoie et de Haute-Savoie, ainsi que des projets en co-construction avec le théâtre national populaire de Villeurbanne et le théâtre Nouvelle Génération de Lyon, qui vont pouvoir s’accentuer… sans oublier nos liens entretenus avec la Suisse et l’Italie ! », détaille Vincent Roche-Lecca qui dirige ce théâtre depuis six ans. Son ambition est de permettre aux publics de ce grand département de 650 000 habitants d’élargir leur regard sur la création contemporaine.
L’argument de l’équité territoriale fut un argument décisif dans cette évolution, tout comme probablement la nécessité de renforcer le secteur de la culture, en sortie de crise liée au COVID-19.
Cette labélisation arrive à point nommé, à la suite de la récente baisse des subventions attribuées par la région Auvergne-Rhône-Alpes. « Tout le monde s’est mis d’accord, ce qui nous a permis de conserver notre subvention qui avait déjà été divisée par deux il y a cinq ans, raconte le directeur du théâtre Bourg-en-Bresse. Cent trente théâtres ont subi cette baisse en mai, tandis que nous avons été épargnés grâce au label. On va essayer de renforcer aussi le spectacle vivant dans tout le département pour les artistes soutenus, mais aussi pour nos collègues qui sont en difficulté. »
Renforcer la production
Du côté de la diffusion, le théâtre de Bourg-en-Bresse proposait déjà entre 220 et 240 levers de rideau par saison. « La région Auvergne-Rhône-Alpes est la deuxième région la plus peuplée de France et on est sur les ratios les plus hauts je crois, remarque Vincent Roche-Lecca. On va devoir soigner notre talon d’Achille qui est notre mission de production, car on a accueilli des résidences et on co-produisait, mais les enveloppes pour financer les répétitions étaient modestes. »
Cet apport financier permet en outre d’acheter des spectacles avec des distributions plus importantes, l’une des injonctions du cahier des charges des scènes nationales étant par ailleurs de programmer des artistes internationaux et nationaux. Un rééquilibrage est envisagé dans ce sens.
Concernant les recettes propres, il n’est pas légalement obligatoire de les augmenter. « Il n’y a pas de quotas, mais une demande des partenaires publics est d’être entre 20 et 25 %. On le respecte depuis toujours ; c’est aussi marqué dans le cahier des charges de mon recrutement. »
Nouveau cahier des charges
En Bourgogne-Franche-Comté, région limitrophe, les théâtres de Dole et de Lons-Le-Saunier ont obtenu le label de scène nationale en 2013 en s’associant l’une à l’autre. « Il y a eu une phase de préfiguration de deux ans, portée par le ministre Frédéric Mitterrand, puis officialisée par la ministre Aurélie Filippetti en 2012 », relate Cédric Fassenet, directeur des Scènes du Jura, qui furent d’abord missionnées, puis conventionnées avant cette étape.
« La labellisation nécessite de signer une convention pluriannuelle d’objectifs (CPO), détaille-t-il. Nous sommes la scène nationale qui a le plus de partenaires publics, avec quatorze signataires, quand mes collègues de Besançon et de Chalon-sur-Saône en ont trois ou quatre. En général, ils ont la ville ou l’agglomération, le département, la région et l’État, quand nous avons six communautés de communes. »
Un nouveau cahier des charges a été établi en 2017 par le ministère de la Culture, qui a notamment redéfini l’autonomie artistique du directeur d’une scène nationale. « Le CPO implique que chaque collectivité donne ses objectifs et le directeur ou la directrice élabore son projet qui est évalué tous les quatre ans. » Le directeur est donc tout d’abord nommé par la ministre de la Culture ; puis, dans les six mois qui suivent, il est tenu de présenter ce fameux CPO.
Ce soutien financier, régulièrement renégocié avec les signataires, n’exclut pas pour Cédric Fassenet la recherche d’autres leviers et ce, dans une logique de projets. « J’ai eu un soutien de la SACEM et du ministère sur un projet de compositrice associée pendant deux ans et viens de monter un autre projet pour les Olympiades culturelles en prévision des jeux 2024. »
Le label de scène nationale s’obtient donc par la sollicitation des élus qui en font la demande au ministre de la Culture. À la différence d’une scène conventionnée, dont le label est attribué en fonction du projet du directeur ou de la directrice et qui est par conséquent remis en question lorsqu’il quitte son poste, une fois qu’une structure accède au rang de scène nationale, un changement de direction ne remet pas en question sa qualité.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
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Crédits photographiques : Théâtre de Bourg-en-Bresse