Rima Abdul Malak : “Nous avons la chance d’être une nation de lecteurs” (1/2)

Rima Abdul Malak : “Nous avons la chance d’être une nation de lecteurs” (1/2)
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La ministre de la Culture, Rima Abdul Malak, dans une interview pour France Culture, a évoqué son lien avec les livres, abordant divers enjeux du secteur, avec une défense (pour le moins étonnante) du Pass culture.

Les ministres de la Culture, on le sait, durent moins longtemps qu’une éclaircie dans le ciel de Bretagne : sept se sont ainsi succédé en à peine dix ans. Alors, lorsque Rima Abdul Malak évoque ce qui lui tient à cœur, du moins officiellement, sur les bonnes ondes du service public, on se surprend à penser : « À quoi bon ? »

Elle aurait à sa tête un homme soucieux de la culture, au sens de l’UNESCO, des droits culturels, c’est-à-dire au service des relations humaines, on pourrait se prendre à rêver. Mais comment faire confiance à un gouvernement dont le chef crée un pass culture qui n’est que l’organisation d’un étal marchand, faisant de l’enfant un consommateur de biens – fussent-ils culturels comme les autres ? Un pass décrié partout, sauf du gouvernement et de ses affidés économiques.

Lecture et Pass culture

L’entretien « exceptionnel » (sic) a commencé par des questions apparemment personnelles, aux réponses assez convenues. Ainsi de la lecture qui occupe « une place très importante, quotidienne, nocturne, surtout en ce moment où j’ai moins le temps de lire en journée ». Rima Abdul Malak ajoute : « Depuis toute petite, la littérature est ce qui m’aide à vivre. J’ai grandi au Liban pendant la guerre civile, les livres étaient mon refuge. C’était ce qui m’ouvrait à d’autres réalités, d’autres univers, qui me faisaient un peu rêver. »

Elle dit lire quotidiennement les grands poètes contemporains tels que Baudelaire, René Char, Paul Éluard, ainsi que des romans, des bandes dessinées, des essais… Bref, elle lit de tout. On ne saurait le lui reprocher, ni remettre en cause sa parole, évidemment, mais on se dit aussi que ça tombe bien : elle est ministre de tous les acteurs de la filière ! Mieux vaut n’en oublier aucun, du moins officiellement, sur les bonnes ondes du service public.

« Nous avons la chance d’être une nation de lecteurs », poursuit-elle, ce que prouverait notamment le Pass culture selon elle. « Quand on a lancé le Pass culture, personne ne nous prédisait que les jeunes allaient, en premier, l’utiliser pour le livre. C’est ce qui arrive en premier… et ce n’est pas que pour les mangas, comme l’expliquait la présidente du Syndicat de la librairie française. »

Un constat qui va à l’encontre de toutes nos enquêtes et des études lues depuis le lancement du pass, ce que lui fait (très) gentiment remarquer, à sa manière, le journaliste Guillaume Erner, entraînant dans la foulée une défense enthousiaste de ce phénomène de société par notre ministère, comparable à l’en croire au rock d’antan  là où personne n’attaquait le manga et où nul ne se serait risqué à faire cette curieuse comparaison entre deux arts qui n’ont rien à voir, s’adressant à des âges différents, portant un propos différent… mais passons.

Le spectre Bolloré : concentration et diversité

L’entretien s’est ensuite poursuivi avec l’agitation, par Guillaume Erner, du spectre Bolloré dans le secteur du livre : le groupe Editis, qui comprend une cinquantaine de maisons d’éditions, est devenu propriété de Lagardère, qui est propriété de Vivendi, qui est propriété du groupe Bolloré.

Que pense notre ministre de ce phénomène d’hyperconcentration ? « Ce qui m’inquiète, c’est l’enjeu de la liberté d’expression et de la liberté de la création, répond Rima Abdul Malak. On ne peut pas empêcher un groupe privé d’éditer qui il veut. Ce qu’on peut faire, c’est soutenir la diversité de l’édition autour, soutenir les plus petits éditeurs, les auteurs, les plus petites librairies… »

Plutôt que d’écouter notre ministre lister les aides à disposition sur les bonnes ondes du service public, nous souhaitons pour conclure vous recommander le remarquable essai publié par Hélène Ling et Inès Sol Salas chez Payot & Rivages, Le fétiche et la plume, qui dresse un terrible état des lieux de l’édition en France, faisant de la littérature le « nouveau produit du capitalisme » : hyperconcentration éditoriale, prolétarisation accrue des auteurs, dépréciation symbolique de l’écrivain, formatage commercial, emprise des réseaux sociaux sur la critique… Un ouvrage essentiel. Tout y est analysé minutieusement, rigoureusement, pour révéler in fine « la dissolution de l’idée même d’écriture » et faire du livre un produit comme un autre  fût-il culturel, comme nous l’avons dit.

À suivre…

Élodie NORTO

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Hélène Ling et Inès Sol Salas, Le fétiche et la plume. La littérature, nouveau produit du capitalisme, Payot & Rivage, 2022, 416 p., 22,50 €

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Dessin à la Une : @ Caly



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