L’univers foisonnant de la réalisatrice Patricia Plattner en vidéos (1953-2016)
Luttant depuis plusieurs années contre le cancer, la cinéaste genevoise s’est éteinte lundi matin à Genève, à l’âge de 63 ans, selon une proche. Née dans cette même ville en 1953, Patricia Plattner étudie l’histoire de l’art à l’Université de Genève, puis décroche un diplôme de l’École supérieure d’art visuel en 1975. À partir de 1985, elle se tourne totalement vers le cinéma, avec la création de sa propre société de production Night Light et la réalisation de son premier film.
Biographie
Née en 1953 à Genève, Patricia Plattner étudie l’histoire de l’art à l’Université de Genève, avant d’obtenir un diplôme de l’École supérieure d’art visuel en 1975. Jusqu’en 1983, elle propose des expositions et performances en Suisse comme à l’étranger.
Avec les artistes Yves-Aloys Robellaz (dit Aloys) et Philippe Deléglise, elle fonde en 1979 à Carouge (GE) »Les Studios Lolos », collectif dédié au graphisme, à la photographie, à la peinture et au cinéma. En 1985 elle crée la société Light Night Production, à travers laquelle elle développe ses propres films pour le cinéma et le petit écran, ainsi que des coproductions.
« Grande voyageuse, arpentant l’Asie et hantant le Portugal pour co-produire Manoel de Oliveira, Patricia Plattner occupait une place à part dans le monde du cinéma suisse. « Je suis là et je ne suis pas là. Le cinéma suisse ne me préoccupe pas énormément, mais j’essaye de voir les films des autres, je me sens solidaire. Finalement, je n’ai pas tellement d’amis dans la branche ». Carougeoise de cœur, elle préférait faire le marché et rencontrer ses amis, Nicolas Bouvier, Aloys et les graphistes des studios Lolos, le dessinateur Poussin… Nous continuerons à guetter son sourire là où prime l’amitié. » (Lire le bel hommage écrit par Antoine Duplan dans Le Temps).
Patricia Plattner a reçu le Prix UBS aux Journées cinématographiques de Soleure en 2000. Trois ans plus tard, elle s’est vue remettre le Mérite carougeois par la Ville de Carouge, une commune où elle a résidé depuis les années 1980 jusqu’à son décès.
Interview de Patricia Plattner retraçant l’ensemble de sa carrière (qualité son médiocre)
Cinématographie
1986. La Dame de pique (fiction)
Synopsis – Un prince russe, exilé sur les rives du Léman, vit dans la nostalgie d’une époque et d’un pays perdu. Pauvre et seul maintenant, il se dépossède petit à petit de ses objets de famille auprès d’un antiquaire obséquieux et esthète. Le prince mort, un monde bascule. Pas forcément celui qu’on croit.
1989. Piano Panier ou la recherche de l’Équateur, avec Rita Blanco et Anne-Laure Luisoni (fiction)
Festival de Locarno (compétition), 1989, Suisse
Prix Max Ophüls du meilleur espoir féminin pour Anne-Laure Luisoni dans le rôle de Marie, Allemagne
Prix du public, Festival de Saarbrücken 1989, Allemagne
Synopsis – Une comédie sentimentale douce-amère. L’amitié de deux jeunes filles. Marie est suisse, Filipa d’origine portugaise. L’une est une éternelle étudiante, l’autre va se marier. À la suite d’un chagrin d’amour de Marie, Filipa propose qu’elles passent ensemble un mois au Portugal dans sa famille. Bien-être, conflits personnels et culturels. Bonheurs et malheurs, rencontres diverses. Une période de leur vie où elle doivent faire des choix. Parfois, ça leur donne le vertige.
« Cette fiction intimiste centrée autour de l’amitié entre deux jeunes femmes, dont la Portugaise Rita Blanco, lance le style Plattner. Soit un mélange de douceur et d’alacrité qui augure d’un sang neuf dans le cinéma suisse. » (Pascal Gavillet)
1990. Des tableaux qui bougent, Georges Schwizgebel (documentaire)
Synopsis – Cinéaste d’animation, Georges Schwizgebel n’est pas un inconnu. Ses court-métrages ont fait le tour du monde. Très inspirés par la musique, ses films nous entraînent dans un tourbillon d’images personnelles, le plus souvent peintes ou dessinées.
Dans ce portrait, le spectateur a l’occasion de découvrir de nombreux extraits des films de Georges Schwizgebel et de rencontrer un artiste attachant, modeste autant que doué, parlant chinois à la suite d’un séjour d’un an à Shanghaï, ville à laquelle il a dédié un film et où il a rencontré sa femme Yaping avec laquelle il a deux enfants, Louis et Tina.
1991. Le Sismographe, la Lune et le Léopard, David Streiff (documentaire)
Synopsis – David Streiff, directeur du Festival international du film de Locarno, a exercé pendant une décennie son talent de découvreur de films, en quête de jeunes auteurs et de nouvelles cinématographies. Il a aussi donné une ligne au Festival de Locarno qui puisse satisfaire les professionnels comme les amateurs. Pour que la lune brille sur les films de Locarno, le directeur du festival exécute tout au long de l’année un travail attentif et sensible, tel un sismographe. Qui est cet homme de l’ombre et quel est ce métier dont l’origine est l’amour du cinéma ?
1993. Le Hibou et la Baleine, Nicolas Bouvier (documentaire)
Prix de la Société suisse des auteurs, 1993, Suisse
Synopsis – Nicolas Bouvier est un grand écrivain suisse et un homme qui bouge dans sa tête comme sur la planète. Il appartient aux voyageurs racés, l’oeil bridé par la lecture des moines bouddhiques. Ses séjours en Asie et à l’Ouest ont l’ampleur et le rythme qui creusent une distance vertigineuse entre chaque ligne qui tombe de sa plume et les récits du globe-trotter hâtif. Personnage passionnant aux dons et facettes multiples et homme d’images : iconographe par goût de la photographie et des bibliothèques, ainsi que pour gagner sa vie. Dans ce film, Bouvier s’entretient sur sept paysages de réflexion privilégiés à ce jour, ponctués par des images emblématiques et des musiques aimées.
« Docu étincelant et essentiel autour du célèbre écrivain genevois, dont Plattner transmettra la parole et la pensée avec une précision qui force l’admiration. Certains y verront l’émergence d’une documentariste majeure. » (Pascal Gavillet)
1994 Le Livre de Cristal, avec Jean-François Balmer et Valeria Bruni Tedeschi (fiction)
Festival de Locarno, compétition, 1994, Suisse
Prix spécial du Jury, Festival de Minsk, 1994, Biélorussie
JB, orientaliste de renommée internationale, est envoyé au Sri Lanka par l’UNESCO pour déchiffrer un livre de cristal, découvert non loin de la région dominée par les tamouls. Ce livre est un traité sur la mémoire que Bouddha dicta dans son grand âge. Il représente pour JB un défi à son passé troublé par le suicide de sa femme. C’est dans ce pays qu’il l’a aimée et qu’a eu lieu le drame. Entre-temps, il rencontre différents personnages essentiels: Da Silva, chauffeur et assistant, avec lequel il établit une relation privilégiée ; Greene, archéologue à l’esprit étroitement cartésien ; Juliette, jeune femme avec qui il noue une relation amoureuse ; Rajan, un enfant tamoul, symbole de l’enjeu d’une culpabilité à absoudre et d’une action à entreprendre.
1996. Hôtel Abyssinie (documentaire)
Synopsis – Ce film trace la rencontre avec de vieux Italiens. dont le destin a été marqué par leur envoi en Abyssinie au temps du fascisme et de la guerre coloniale italienne. Malgré la défaite, ils s’y sont établis. A travers leurs témoignages, en particulier celui d’Amadeo V., on comprend les raisons de cet exil insolite et on découvre un pays d’Afrique étonnant.
1997. Une histoire qui enjambe les Alpes (documentaire)
Synopsis – Autour du Mont-Blanc, trois vallées, trois pays: la Suisse, l’Italie et la France. Pays de montagnes, ils partagent la même culture, les mêmes patois, l’amour des vaches, des cloches, du fromage et de la contrebande. Ce reportage nous fait découvrir différents personnages colorés qui nous font comprendre cette « appartenance alpine » sans frontière.
1998. Made in India (documentaire)
1er prix des Indépendants, Festival Media nord/sud,1999, Suisse
Synopsis – Dans l’Etat du Gujarat, sous le nom de SEWA (Self Employed Women’s Association), des femmes ont conçu un modèle original de syndicat. En 1998, elles sont 217’000 membres en Inde. Le but de SEWA est d’organiser les travailleuses indépendantes, les femmes pauvres, de métiers divers, celles qui travaillent à la maison, dans la rue, dans les champs, sans employeur fixe, au jour le jour. Elles sont de religions et de castes différentes. Elles ont créé sous forme de coopérative leur propre banque. Elles se préoccupent aussi de leur santé et de leur formation. Inventives et fortes, elles sont sorties de l’ombre. Le film raconte la démarche de SEWA à travers les voix de six d’entre elles.
1999. Maestro! Maestro! Herbert von Karajan (documentaire)
Synopsis – La baguette énergique de Karajan prête à fendre l’air, le poing vindicatif serré à hauteur du visage sont désormais dans la légende. « Karajan savait rallonger une mesure juste en tendant le bras, il avait une technique époustouflante », se souvient Christa Ludwig, cantatrice émérite. Dix ans après la mort du Maestro, de grands artistes qui ont travaillé avec lui racontent le travail, les répétitions, l’homme, le chef d’orchestre, le metteur en scène, l’homme d’affaires ou le collaborateur curieux de toutes les nouvelles technologies. Des archives étayent ces témoignages : répétitions d’orchestre, cours de direction, entretiens télévisés avec le Maestro, photographies. Peu à peu se dessine le portrait d’un homme d’une très grande modernité aux multiples facettes.
2002. Les petites couleurs, avec Bernadette Lafont et Anouk Grinberg (fiction)
Nominé pour le prix du cinéma suisse 2002 (meilleure fiction)
Synopsis – Après une violente dispute, Christelle (Anouk Grinberg), une coiffeuse battue par son mari, prend la fuite. Elle échoue dans un motel vieillot, le Galaxy, fréquenté par des routiers et des représentants de commerce. Mona (Bernadette Lafont), la patronne, une émouvante et pétulante veuve, prend Christelle sous son aile et l’aide à retrouver goût à la vie. Elles se découvrent une passion commune pour un soap-opéra télévisé : « Le Ranch de l’Amour ». Mais Christelle doit faire face au retour de son mari, alors que, grâce à Mona et à ce nouvel environnement, elle prend conscience de ses dons créatifs. Elle fait aussi des rencontres et découvre sa sensualité, le désir et l’amour de Lucien (Philippe Bas), un jeune camionneur. Tiraillée entre sa volonté d’autonomie et son désir d’amour, elle devient coiffeuse ambulante et sillonne les campagnes jusqu’au jour où Mona, Lucien et le dernier épisode de son feuilleton favori lui ouvrent de nouveaux horizons.
« Porté par un duo d’actrices au jeu particulier, Bernadette Lafont et Anouk Grinberg (…), le film entraîne le spectateur dans son univers original et jamais lassant, alors même que le scénario se réduit à une fable naïve. Ce dosage parfait entre désarroi humain et improbable poétique en fait une réussite, au moins dans son genre. Un seul reproche toutefois : est-ce un film ou un téléfilm ? » (Guillaume Tion)
2004. Les dieux ne meurent jamais (documentaire coréalisé avec Laurent Aubert, Ravi Gopalan Nair et Johnathan Watts)
Synopsis – Pendant la saison sèche, certains villages du district de Calicut dans le Sud de l’Inde célèbrent le Tirayâttam, ou « Danse de la splendeur ». Durant plusieurs jours, les villageois vivent au rythme des rites dédiés aux ancêtres et aux divinités protectrices. Ceux-ci se manifestent alors sur terre, incarnés par les danseurs au maquillage et aux costumes falmboyants. Les Peruvannân, une troupe familiale d’anciens Intouchables, ont la responsabilité d’organiser les célébrations.
Entre 1998 et 2003, Laurent Aubert, ethnomusicologue, et Johnathan Watts, photographe et vidéaste, ont séjournée à plusieurs reprises dans la région du Kerala. Accompagnés d’un spécialiste, ils ont rapporté pour le compte du Musée d’ethnographie de Genève plus de 70 heures de rushes. Confiés à Patricia Plattner, celle-ci leur redonne sens par un travail de montage rigoureux. Les partis pris dans Les Dieux ne meurent jamais sont stricts : pas d’interview, pas de voix off, seul un carton en début et en fin de film permet de mentionner quelques éléments essentiels.
Processions, sacrifices, séances de possession : la caméra plonge au cœur des cérémonies et de leurs préparatifs. Aux antipodes d’un didactisme convenu, ce film nous propose une immersion totale dans des festivités riches et complexes. Par ses postulats clairement établis, il nous amène à apprécier en premier lieu les qualités visuelles du spectacle et la force qui s’en dégage. Véritable explosion de couleurs et d’énergie, chaque étape du rituel est un moment de plaisir esthétique intense.
2005. Carnets de valse : Vienne – Paris – Lima (documentaire)
Synopsis – Révolutionnaire, la valse? Elle est historiquement la première danse où le couple s’enlace, homme et femme serrés l’un contre l’autre, tournoyant au rythme de la musique jusqu’au vertige et l’ivresse. Classique et viennoise, musette et parisienne, chantée et péruvienne, la valse appartient au patrimoine mondial. A Vienne, des étudiants se préparent pour l’ouverture du bal de l’opéra. À Paris, des passionnés fréquentent dancings et guinguettes : «La musette ? C’est du champagne en intraveineuse ! » À Lima, la valse chante l’amour au son de la guitare et du « cajon ».
Étonnant parallèle entre le documentaire de Patricia Plattner et des faits divers monstrueux et sordides.
2006. Sketches of Kerala / Le temps des marionnettes (documentaire)
2008. Malgré tout (documentaire)
2009. Bazar, avec Bernadette Lafont, Pio Marmaï et Lou Doillon (fiction)
Synosis – Gabrielle affiche une soixantaine pétulante. Elle est passionnée par la vie et son métier d’antiquaire. Elle savoure chaque instant, les fêtes avec ses amis, les moments passés avec sa fille. Elle est le centre de tout un petit monde qui gravite autour d’elle. Son univers est chamboulé lorsqu’elle reçoit un avis d’expulsion de son Bazar, le jour même où elle apprend qu’elle va devenir grand-mère. Quand ses amis lui conseillent de changer de mode de vie, de « lever le pied », elle entend qu’elle va être reléguée en retraite et leur tourne le dos. Elle se jette à corps perdu dans une aventure amoureuse avec Fred, un jeune homme de vingt-cinq ans d’origine portugaise. Fred vit de l’autre côté de la frontière suisse dans un squat industriel avec son copain, Niko.
Quel chemin vont parcourir ensemble ces deux électrons libres ? Fred a-t-il les talents d’artiste plasticien qu’elle croit déceler en lui ? Gabrielle va-t-elle perdre ses amis? Comment vont réagir Elvire, sa fille, et Gilles, son ami et amant de longue date ?
Vanessa LUDIER