Réforme de la classification des films de cinéma : moins de normes, plus de jugement
Après la remise du rapport de Jean-François Mary, président de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), et après une large concertation, la réforme de la classification des films de cinéma est entrée en vigueur le 9 février.
[Communiqué]
Dans son rapport, Jean-François Mary, président de la commission de classification des œuvres cinématographiques du Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC), a observé le nombre limité de films concernés par les mesures d’interdiction.
« Les controverses qu’ont suscités dans l’actualité récente les films dont la projection en salle a été interdite aux mineurs de seize ou à ceux de dix-huit ans ne doivent pas masquer la faible part qu’ils occupent dans l’ensemble des visas d’exploitation délivrés par le ministre chargé de la culture sur avis de la commission de classification. La commission de classification a, selon son rapport 2010-2013, proposé sur les 3900 films environ qu’elle a visionnés, une interdiction aux mineurs de seize ans pour trente-quatre films, une interdiction aux mineurs de seize ans avec avertissement pour quatre films, et une interdiction aux mineurs de dix-huit ans pour un seul film. Les recours devant le juge administratif n’ont concerné qu’un nombre de films n’atteignant pas la dizaine. »
(La classification des œuvres cinématographiques relative aux mineurs de seize à dix-huit ans, rapport de Jean-François Mary. Février 2016)
Liberté d’appréciation
Jusqu’à aujourd’hui, le décret relatif à la classification prévoyait qu’un film était automatiquement interdit aux moins de dix-huit ans lorsqu’il présentait des « scènes de sexe non simulées ». Désormais, la commission de classification retrouve sa pleine liberté d’appréciation pour déterminer les mesures « proportionnées aux exigences tenant à la protection de l’enfance et de la jeunesse, au regard de la sensibilité et du développement de la personnalité propre à chaque âge ».
Liberté d’expression
Une mesure de classification est susceptible de constituer une restriction de la liberté d’expression et de création. Il est donc apparu « indispensable » à la ministre de la culture et de la communication, qu’une telle mesure repose sur l’avis collégial de professionnels avertis et de représentants des différentes sensibilités de notre société. La commission de classification représente de manière équilibrée les professionnels du cinéma et de la protection de l’enfance, notamment le défenseur des droits et les associations familiales.
Protection des mineurs
Le décret publié le 9 février prévoit que « lorsque l’œuvre ou le document comporte des scènes de sexe ou de grande violence qui sont de nature, en particulier par leur accumulation, à heurter gravement la sensibilité des mineurs, à présenter la violence sous un jour favorable ou à la banaliser », il ne peut être qu’interdit aux moins de dix-huit ans ou classé « X ».
Des recours facilités
Second volet du décret : la réforme simplifie les voies de recours, réduit les délais de procédure et harmonise la jurisprudence. La Cour administrative d’appel est désormais compétente en premier et dernier ressort, tout en conservant aux parties la possibilité de se pourvoir en cassation auprès du Conseil d’État.
Source : Ministère de la culture.
Photo de Une : Visuel INA
Bravo pour le titre, « moins de normes, plus de jugement », il n’y a pas mieux ! Car lorsqu’on lit le communiqué, on comprend bien que la phrase « désormais, la commission de classification retrouve sa pleine liberté d’appréciation pour déterminer les mesures » est fausse !
Ce n’est pas une liberté qui est donnée. En déplaçant l’appréciation de la norme vers le jugement, ce sont les membres de la commission elle-même qui deviennent objet de jugement. Désormais la commission doit rendre compte de ses décisions non selon une norme mais selon son intime, non selon un for externe mais un for interne. C’est une violence faite à ses membres.
Pour faire une analogie, c’est comme si un juge ne devait désormais plus prononcer son jugement selon le code civil, mais selon ses goûts, ses affinités et ses préférences. D’une part il n’y aurait plus de justice, et d’autre part, ce juge serait en danger, car il ne serait plus protégé par l’autorité de la loi. Le juge est désormais vulnérable, il n’est plus protégé de la loi du plus fort. On aurait pu titrer « I am the law », mais les juges super-héros, ça n’existe que dans les comics.