Premier forum du festival Off d’Avignon : un grand pas vers les droits culturels

Premier forum du festival Off d’Avignon : un grand pas vers les droits culturels
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L’association Avignon festival et compagnie (AF&C) a organisé son premier forum réunissant commerçants, élus et artistes, afin de travailler en bonne intelligence à cet événement culturel majeur. Un beau pas vers les droits culturels, un moment salué par toutes les parties présentes.

Depuis l’élection de Pierre Beffeyte à la présidence de l’association AF&C, de nombreuses idées et projets ne cessent de voir le jour. Il faut reconnaître que l’événement a pris une tout autre dimension depuis deux ou trois ans : convention avec la ville d’Avignon, création d’un fonds de professionnalisation, partenariats avec des festivals étrangers, intensification du caractère écologique de la manifestation…

La mise en place d’un premier forum du festival Off d’Avignon, qui a eu lieu lundi dernier au Centre de congrès du Palais des papes participe de cette dynamique. La journée, en deux temps, a permis d’instaurer un dialogue serein et constructif entre les artistes, les commerçants et les élus de la région.

Un enjeu : le développement des publics

« Pendant longtemps, la ville d’Avignon s’est finalement peu préoccupée du festival Off, a reconnu Cécile Helle, lors de l’ouverture de la journée. Avant que Pierre soit président et moi-même maire, il n’y avait même pas de convention qui liait à la fois la ville et l’association portant le festival. Il m’a semblé que c’était une incongruité. » Et la maire d’Avignon d’espérer que cette journée permettra de faire émerger des propositions, afin que les artistes soient mieux accueillis, « sans se faire plumer et sans tomber sur des taudis », afin que les commerçants disposent d’horaires aménagés, afin que la sécurité et la mobilité des festivaliers soient davantage assumées…

Dans son introduction, d’une grande lucidité, Pierre Beffeyte a réaffirmé sa volonté de « construire une stratégie pérenne de développement des publics », estimant qu’un tiers des places seulement étaient vendues. Si aucune enquête totalement fiable ne permet de connaître avec certitude les chiffres exacts, il reste que cette estimation ne nous paraît pas – pour qui vient au festival régulièrement – infondée.

Considérer que la seule diversité artistique des spectacles proposés permet d’attirer les spectateurs ne fonctionne plus, selon le président d’AF&C. C’est pourquoi il a été décidé de faire de la venue à Avignon « une expérience », ce qui implique de réfléchir à « la manière dont un événement est vécu dans sa globalité ». Le festival ne se résume pas à l’artistique, mais comprend également l’hébergement, les commerces, les transports, la restauration, l’écologie… Autant de réalités qui font régulièrement l’objet de débats, plus ou moins sereins.

« Nous savons que le festival Off s’inscrit forcément dans son territoire, constate Pierre Beffeyte. Nous devons travailler avec les acteurs territoriaux. Il y a une fausse idée qui consiste à penser que le festival se porte bien parce que le nombre de spectacles augmente. Le seul baromètre qui fait la santé d’un festival, c’est le nombre de spectateurs. Or, depuis plusieurs années, ce nombre stagne. »

Un moyen : la co-construction du Off

« Un festival est une chose organique, fragile, reconnaît Pierre Beffeyte. Le jour où nous verrons décroître le public, il sera déjà trop tard pour le faire venir. C’est maintenant que nous devons travailler ensemble, nous avons tous les atouts pour le faire. »

Travailler ensemble. Le mot d’ordre est donné. Près d’une soixantaine de personnes, pour la moitié des commerçants et des élus des différentes collectivités, ont participé à trois groupes de travail sur les thèmes de la mobilité (transports, stationnement, accessibilité), des commerces (et éco-festival) et du logement (hôtellerie, chambres d’hôtes, locations chez l’habitant). Le tout sous la houlette de l’agence Semawe, qui privilégie l’intelligence collective, par la formation collaborative.

« Nous avons tous un intérêt commun à imaginer des solutions pour être en mesure de mieux accueillir les spectateurs », poursuit le président d’AF&C, en comprenant « qu’un spectateur ne vient pas pour l’un ou pour l’autre, mais pour nous tous ».

Après des temps en groupe d’une cinquantaine de minutes, qui furent l’occasion de multiplier les propositions sur chacune des problématiques à l’ordre du jour, trois propositions majeures, exemplaires, ont été exposées lors du compte rendu final (cf. Encadré ci-dessous). L’idée était non seulement de montrer certaines réflexions menées en groupe, mais encore d’amener chacun à se prononcer, d’une part sur la conformité aux valeurs que le Off souhaite porter, d’autre part sur la faisabilité des mesures proposées. En fonction de ces deux critères, chaque participant devait se positionner physiquement dans une partie de la pièce divisée en quatre (conforme/pas conforme – faisable/pas faisable).

Un premier pas vers les droits culturels

Si ce forum est une instance informelle, sans aucun pouvoir décisionnel, il reste que de nombreuses propositions pourraient faire l’objet de débats approfondis dans les mois et années à venir, et aboutir à des innovations diverses.

Une telle rencontre a au moins le mérite de faire dialoguer différents acteurs qui, par le passé, n’ont pas toujours coexisté paisiblement, ainsi que le rappelle Claude Tummino, président de la fédération des commerçants d’Avignon, qui ajoute : « J’attendais depuis longtemps cette réunion, car il est évident que nous devons travailler tous ensemble, sans quoi nous ne progresserons jamais. »

Un enthousiasme palpable, partagé par la quasi-totalité des personnes présentes. Ce n’est qu’un premier pas vers la co-construction enfin actualisée, dans l’esprit de ces droits culturels chers à Profession Spectacle, qui en a fait l’une de ses lignes éditoriales essentielles.

« C’est une première rencontre, conclut Pierre Beffeyte. Ce que je souhaiterais, et c’est important pour Avignon festival & compagnie, c’est de montrer que le festival du Off, ce n’est pas juste une troupe de barbares qui viennent s’installer dans une ville à un moment donné, qui la recouvrent d’affiches et qui s’en vont à la fin du mois, en laissant tout derrière eux, avec indifférence. » Pari indéniablement réussi, à l’unanimité, avec ce premier forum.

L’après-midi, à huis-clos, a réuni l’association AF&C et des représentants de cinq régions ainsi que de la ville d’Avignon et de l’association Opale, pour travailler sur la question de l’émergence et des dispositifs d’aide existant localement. Initiative sur laquelle nous ne manquerons pas de revenir prochainement.

Pierre GELIN-MONASTIER

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Trois propositions en débat

La proposition n°1, qui consiste à faire entrer la fédération des commerçants dans la charte éco-festival et leur donner un siège au conseil d’administration du festival, a ainsi été “validée” à l’unanimité. « Dans la mesure où on demande aux commerçants de s’impliquer avec nous, il est normal de leur donner une place parmi nous », argumente Laurent Rochut, vice-président d’AF&C pour le collège des théâtres, tandis qu’un commerçant ajoute : « Enfin on va se parler, se voir et se rencontrer. »
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La deuxième proposition visait à créer une charte d’hébergement dans laquelle on fait entrer professionnels et particuliers, afin de garantir la qualité des hébergements proposés et de recenser ceux qui échappent à toute visibilité. Deux groupes se distinguent d’emblée. Certains commerçants, qui jugent la mesure conforme aux valeurs mais infaisable, font valoir que « c’est aux pouvoirs publics de gérer ça, pas à nous commerçants, ni à AF&C » ; un artiste ajoute que c’est tout simplement impossible étant donné que « nous sommes dans un système capitaliste ». D’autres, au contraire, tiennent ensemble la faisabilité et la conformité aux valeurs, notamment certains élus qui évoquent des outils de plus en plus performants pour recenser avec exactitude les hébergements et les locations.

Un troisième groupe prend peu à peu corps, sous l’impulsion de Matthieu Hornuss, nouvel élu du conseil d’administration d’AF&C : non seulement la mesure n’est pas conforme, mais elle est également infaisable. La raison en est que la proposition ne tient pas compte du coût des logements : il pourrait tout à fait y avoir des logements exigus, si le prix était adapté. Réguler jusque-là semble délicat.
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Troisième et dernière proposition, relative aux transports : avoir une information et une commercialisation intégrées, avec la mise en place d’une carte digitale en temps réel (places de parking et vélos disponibles…), la présence de facilitateurs de mobilité, sur le principe de ce qui se fait avec la SNCF, ou encore une signalétique pérenne et dissociée des signalétiques classiques.

La grosse majorité a tranché en faveur de la faisabilité et de la conformité aux valeurs. Un élu a fait valoir l’infaisabilité du projet, qui exigerait un budget supplémentaire conséquent, impensable en l’état actuel, avec l’embauche d’une vingtaine de personnes pendant un an. Un autre élu a rétorqué que, au contraire, des réunions étaient déjà en cours sur ces problématiques, avec l’engagement de trouver un outil d’ici l’édition 2020 du festival.
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