Portrait détaillé de Françoise Nyssen, le nouvel espoir du monde de la culture
La nomination de Françoise Nyssen, présidente de la maison d’éditions Actes Sud, au ministère de la culture aura surpris plus d’un artiste et acteur culturel, y compris du milieu de l’édition. À 65, l’Arlésienne native de Bruxelles est non seulement connue pour sa grande culture, mais encore pour son sens des affaires et ses engagements – notamment au service de l’instruction publique d’enfants différents.
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« Je vous demande beaucoup d’indulgence », a déclaré la nouvelle ministre en prenant ses fonctions rue de Valois. Saluant le court bilan d’Audrey Azoulay, elle s’est dite « admirative » des résultats obtenues par la ministre sortante. Outre les employés du ministère, quasiment tous les acteurs du monde de l’édition étaient présents pour saluer leur ancienne collègue devenue ministre.
Ce choix, peut-être mûri de longue date par Emmanuel Macon, n’a été connu de la principale intéressée qu’une semaine avant sa nomination. « Nous nous sommes d’abord dit que ce n’était pas judicieux […] Quand on a quelques engagements et qu’on croit à un certain nombre de choses on a envie d’y aller. Elle a eu le courage d’y aller », a confié à l’AFP son mari, Jean-Paul Capitani.
Une éditrice couronnée de succès
Belge ayant acquis la nationalité française il y a une vingtaine d’années, Françoise Nyssen est l’heureuse éditrice de trois Prix Goncourt (Laurent Gaudé, Jérôme Ferrari et Mathias Enard) et de trois prix Nobel de littérature (Naguib Mahfouz, Imre Kertész et Svetlana Alexievitch).
Appelée à rejoindre dès le commencement les éditions Actes Sud, fondées à Arles en 1978 par son père Hubert Nyssen (1925-2011), Françoise Nyssen dirigeait la maison depuis le début des années 80. Au départ rien ne la destinait à devenir éditrice. Chercheuse en biologie moléculaire à Bruxelles elle avait ensuite travaillé à la fin des années 1970 à la direction de l’Architecture au ministère de la Culture à Paris.
Défricheuse en littérature, elle a publié des auteurs comme l’Algérien Kamel Daoud, le Britannique Salman Rushdie, la Turque Asli Erdogan ou l’Américain Paul Auster. Mais sa maison est également l’éditeur de la série de polars suédois Millenium, imaginée par Stieg Larsson et poursuivie par David Lagercrantz, ou du best-seller mondial Le charme discret de l’intestin de l’Allemande Giulia Enders.
Sous sa houlette, Actes Sud est passé du statut de maison provinciale discrète à celui d’éditeur en vue.
Une femme meurtrie et engagée
Après le suicide à 18 ans de son fils Antoine, qui n’avait jamais trouvé sa place dans le système éducatif, elle crée avec Jean-Paul Capitani l’école du Domaine du possible à Arles. Cette école revendique des méthodes d’apprentissage alternatives, plus adaptées à des enfants sortant du cadre scolaire classique et global : méthodes Freinet, Montessori, Piaget et Steiner. La référence à ce dernier, chef de file de tout un courant anthroposophique, a notamment suscité une forte controverse quant au bien-fondé de cette école.
Parallèlement à ses fonctions d’éditrice, cette passionnée de musique, est un des membres fondateurs de l’Association culturelle du Méjan, du nom d’un quartier de la ville d’Arles, dont l’objet est d’organiser des concerts, des expositions, des rencontres littéraires et cinématographiques.
Si la nomination de Françoise Nyssen s’est décidée récemment, celle-ci avait néanmoins guidé celui qui n’était encore que candidat à l’élection présidentielle lors de sa visite au Salon du livre de Paris. Entre les deux tours de la présidentielle, elle avait indiqué qu’elle « voterait avec détermination et joie pour Emmanuel Macron ».
Une nomination qui suscite l’espoir
Les réactions n’ont pas tardé à affluer de tous bords artistiques. Si quelques-uns mettent en avant le possible conflit d’intérêt, la très grande majorité, de Bernard Pivot à Pierre Lescure, salue un choix synonyme d’espoir.
Ainsi Pierre Lescure, président du festival de Cannes, a-t-il écrit sur Twitter : « Françoise Nyssen, ministre de la Culture… Quel bon choix, quelle bonne nouvelle pour ce ministère ! » Le Syndicat des Producteurs Indépendants salue non seulement le choix de François Nyssen, mais encore la volonté politique de « consacrer un ministère de plein exercice à la Culture, et elle seule ». Pour le SPI, « c’est un signe fort ». Elle devrait d’ailleurs effectuer ses premiers pas en tant que ministre de la Culture lors du festival de Cannes. Il était prévu qu’elle y reçoive un prix pour une collection de livres de cinéma qu’elle publie depuis 25 ans en partenariat avec l’Institut Lumière.
Reste que certains s’inquiètent pour le monde du spectacle vivant, en souffrance depuis 2003 : l’accord fragile obtenu l’an dernier est sous le coup de menaces constantes. Il appartiendra ainsi à Françoise Nyssen de fortifier et de pacifier les professionnels du secteur.
Profession Spectacle se réjouit, évidemment, de la nomination d’une professionnelle compétente et investie à la rue de Valois. Si nous saluons la disparition du terme « communication » dans le nom du ministère, nous regrettons en revanche qu’il n’ait pas été remplacé par celui de « arts » : « Ministère des arts et de la culture » permettrait en effet d’éviter certains amalgames et autres récupérations idéologiques.
Profession Spectacle souhaite à Françoise Nyssen de relancer une véritable politique culturelle publique, au service de la création artistique et indépendante du néolibéralisme envahissant.
La Rédaction
Et comme toujours sur Twitter, la créativité humoristique n’a pas tardé à reprendre ses droits…
Philippe Meyer fait ici allusion à la fameuse bourde de Fleur Pellerin sur un plateau de télévision.