Plongée fascinante dans les ruines de la prestigieuse école de la rue Blanche
Au 21 de la rue Blanche, à Paris, se trouve l’hôtel particulier construit par Charles Girault, célèbre architecte du Petit Palais, pour Paul Choudens, éditeur de musique, en 1901. Entre 1944 et 1997, soit pendant plus de cinquante ans, il accueille ce qui allait devenait l’École nationale supérieure des arts et techniques du Théâtre (ENSATT), mais qui était alors plus connue sous le nom d’école de la rue Blanche.
Depuis 1997, quand l’ENSATT a été transférée à Lyon, la bâtisse est restée à l’abandon. De batailles en désertions, les lieux s’effritent, jusqu’à l’annonce d’un repreneur privé en 2014. C’est alors que Claire Ruppli, comédienne et réalisatrice, s’empare d’une caméra et filme les dernières images avant restauration. Ses complices se nomment Guy Bedos, Jacques Weber, Maria de Medeiros, Denis Lavant, François Morel…
Mémoire vive et documentaire troublant
Le résultat est un documentaire troublant, aux images magnifiques, aux témoignages émouvants : nous suivons les témoins, un à un, dans les méandres des couloirs, de ces salles aux murs décrépis, aux planchers fendillés de part en part, tandis que les souvenirs affleurent du silence, telle la parole théâtrale qui jaillit dans un espace constamment renouvelé.
Nous ne sommes pas dans un bâtiment, mais dans la mémoire vive d’un lieu qui est un personnage, un univers, à la manière de la capitale lisboète appréhendée – caressée – par Wim Wenders dans Lisbonne Story. La façade classique du 21 rue Blanche ne laissait pourtant pas deviner l’ampleur de ce qu’il contient : un monde en ruine, un théâtre en voie de disparition, tel le Sopro de Rodrigues, présenté au dernier festival d’Avignon.
Tout nous parle du passé ; tout nous est rendu présent par Claire Ruppli, ancienne élève de l’école, qui intervient dans le film en miroir, par une mise en abyme. Ceux qui témoignent sont au présent, des fantômes, des survivants.
Paradoxe d’un monde qui voit les êtres survivre aux pierres
Peu à peu se dessine un paradoxe troublant : il est communément admis, parce que nous en faisons l’expérience personnellement, en famille comme « en patrie », que les bâtiments nous survivent : la pierre suinte les existences passées, celles de nos grands-parents, d’hommes illustres et d’inconnus, de générations en générations. Dans le cas présent, ce sont des chairs, brésillées par le temps, qui expriment ce bâtiment en cours d’affaissement, à travers les images en mouvement, les dernières d’un patrimoine parisien à jamais effondré.
Un paradoxe qui pourrait bien être celui de notre époque, volontariste à l’extrême, qui ne met plus ses pas dans ceux de ses prédécesseurs, mais se rêve une toute-puissance qui déconstruit tout pour refaçonner à l’envie, à la manière d’un adolescent en quête d’une nouveauté sans histoire, sans mémoire, sans sagesse.
Il est encore l’art – ici le cinéma – pour nous rappeler à notre conscience collective : celui de Claire Ruppli en fait indéniablement partie, de même que celui sur la décentralisation théâtrale de Daniel Cling. L’un et l’autre semblent se faire écho, en un même appel artistique et humain.
Espérons que, à l’initiative de programmateurs audacieux, ce film pourra être vu dans toute la France, et non seulement à Paris.
Où voir le film ?
- 28 février à 19 h : Maison des auteurs de la SACD (Paris)
- 14-26 mars à 13h : Saint-André-des-Arts à Paris (sauf les mardis)
- 3 et 10 avril : Saint-André-des-Arts à Paris
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