Paul-Arnaud Péjouan : “On nous prépare, par une dictature sanitaire, à des lendemains fâcheux !”
Fondateur et directeur de plusieurs festivals de piano en France, Paul-Arnaud Péjouan ne cache pas sa colère contre des dirigeants qui ne font « que de la gestion de la peur » et prennent des mesures liberticides devant une épidémie « survendue ». Il nous confie par ailleurs ses inquiétudes, non seulement pour l’art de vivre à la française, mais encore pour les jeunes artistes, à qui « il faudra au moins deux ans pour s’en remettre ».
La 11e édition du festival L’Esprit du piano devait avoir à Bordeaux du 22 novembre 2020 au 31 janvier 2021. Comme tous les événements culturels, considérés comme non-essentiels, il a dû être presque totalement annulé. Seul le concert de clôture, le dimanche 31 janvier, est toujours maintenu. Ce sont ainsi neuf concerts sur douze qui sont à ce jour supprimés, ou plus exactement reportés, car Paul-Arnaud Péjouan, directeur artistique de l’événement, l’assure : « Je n’ai annulé aucun contrat. Il est important pour moi aujourd’hui de tenir ma parole envers les artistes que j’avais choisis cette année. C’est une politesse envers les gens qui m’ont fait confiance et se sont engagés à venir jouer. »
Deux concerts retransmis en direct et gratuitement
Deux autres concerts seront retransmis en direct et gratuitement dans son intégralité sur YouTube et Facebook. Le 25 novembre, les airs et chœurs d’opéras de Verdi seront à l’honneur, avec le soliste Jean-Baptiste Fonlupt au piano et le chœur de l’Opéra national de Bordeaux, sous la direction de Salvatore Caputo. Le 3 décembre, la pianiste franco-albanaise Marie-Ange Nguci sera accompagnée par l’Orchestre national Bordeaux-Aquitaine, dirigé par Paul Daniel, pour l’interprétation de trois chefs-d’œuvre du XXe siècle : le concerto pour orchestre n°1 de Rodion Shchedrin, la rhapsodie sur thème de Paganini et la symphonie n°3 de Rachmaninov.
Cette solution virtuelle, incontournable par temps de confinement, n’est cependant pas viable sur le long terme, selon Paul-Arnaud Péjouan. « Le concert, c’est le partage entre un public et des artistes, rappelle-t-il. Le streaming est un pis-aller qui peut devenir un pire-aller. Ça n’a rien à voir avec le plaisir d’être dans une salle. Nous avons besoin de retrouver un début de convivialité. Mais on ne peut pas dire que la culture soit pour l’instant la priorité du gouvernement. »
Une épidémie survendue et un gouvernement en roue libre
Fondateur et directeur artistique de plusieurs festivals français, Paul-Arnaud Péjouan est en colère contre une gestion de l’épidémie dont les médias, le gouvernement et nombre de soi-disant experts exploitent allègrement.
« Le corps médical est totalement divisé entre les alarmistes et ceux qui pensent que ce virus fait l’objet d’une exploitation éhontée, explique-t-il. Quand les experts eux-mêmes sont divisés, on peut s’inquiéter de tout ! C’est un scandale inouï ! De qui se fout-on ? Les morts ont 82 ans de moyenne d’âge et 60 % de comorbidité. Est-ce qu’on parle de toutes les victimes collatérales ? Ce virus est l’arnaque du siècle ! »
Cette « arnaque » a, selon Paul-Arnaud Péjouan, de lourdes conséquences ; il se dit, politiquement, « très pessimiste », avec un gouvernement qu’il estime être en roue libre.
« On nous prépare, par une dictature sanitaire, à des lendemains que je qualifierais pour l’instant de fâcheux, si on n’arrête pas ces technocrates fous, à commencer par ce Castex qui est un surveillant de prison déguisé en Premier ministre, s’écrie-t-il, énervé. Imaginez, lors de sa dernière intervention, il a parlé de “lâcher la bride”… On n’a pas besoin d’être monsieur Lacan pour faire du métadiscours. En disant “lâcher la bride”, Jean Castex nous explique tout simplement que nous sommes un peuple attaché. C’est terrifiant ! Ils ne contrôlent même plus leurs discours ! »
Des mesures liberticides
Le directeur de l’Esprit du piano en arrive au constat que ce gouvernement « ne fait que de la gestion de la peur », en ne communiquant que les chiffres les plus dramatiques, jamais ceux qui évoquent les sorties de réanimation, alors que « 95 % des gens s’en sortent ».
Plus encore, alors même qu’il est dit que les salles de théâtre et de concert n’ont donné lieu à aucun cluster, ce que la ministre de la Culture, Roselyne Bachelot, a elle-même reconnu, on en vient à les fermer arbitrairement pendant ce nouveau confinement, quand les transports en commun ou les écoles restent ouverts.
Paul-Arnaud Péjouan appuie son analyse sur les deux festivals qu’il a organisés : Piano aux Jacobins, à Toulouse, en septembre et Piano en Valois, à Angoulême et en Charente, du 1er au 17 octobre derniers. « Nous avons fait quinze concerts en septembre, avec les limitations sanitaires de jauge, passant de 530 à 250 places, illustre-t-il. C’était plein et nous n’avons eu aucun cas de COVID. Il n’y a aucun festival, aucune salle de concert qui a été un cluster. Pareil avec en octobre avec le festival Piano en Valois : seize concerts en demi-jauge, qui étaient tous complets. Pas un seul cas de contamination n’a été détecté. Nous respectons les consignes : gel hydroalcoolique à l’entrée, port du masque obligatoire dans la salle, gestes barrières, etc. »
Alors, pourquoi fermer ces lieux ? Incompréhensible, selon lui. « On est en train de menacer un secteur culturel entier et plus généralement tout l’art de vivre à la française pour une pandémie qui est survendue, poursuit-il. Or le secteur culturel est éminemment responsable… C’est évident qu’il faut respecter toutes ces mesures. Mais toutes ces mesures liberticides qui sont prises avec un acharnement terrifiant contre les arts de vivre, la gastronomie, les cafés et les lieux culturels, c’est totalement disproportionné par rapport aux risques. »
Une situation terrible pour les jeunes artistes
La menace vient notamment du fait que les mois de novembre et décembre sont une très grosse période de concerts. « Le public qui n’a pas l’habitude d’aller au théâtre ou dans des salles de concert le reste de l’année s’y rend traditionnellement au mois de décembre. Tous les théâtres, publics et privés, sont généralement pleins à la fin de l’année : il y a les fêtes familiales, les repas et sorties d’entreprise… Ce nouveau blocage durant les deux derniers mois de l’année est particulièrement meurtrier pour la culture. »
Si les artistes qui ont déjà une carrière nationale et internationale traverseront la crise plus facilement que les autres, c’est parce qu’ils ont beaucoup joué entre les deux confinements en France et à l’étranger : il y a eu beaucoup de concerts entre la mi-juillet et la fin octobre. Il n’en est évidemment pas de même pour les artistes en début de carrière, qui voient les concerts annulés ou reportés, au risque de créer un « embouteillage » pour les prochaines années.
« C’est terrible pour eux, confirme Paul-Arnaud Péjouan. Il leur faudra au moins deux ans pour s’en remettre. Tous les concerts reportés sont des événements qui bloquent aussi l’arrivée des jeunes. La programmation 2020 du festival L’Esprit du piano est reportée en 2022, parce que j’avais déjà terminé ma programmation du festival en 2021. Nous travaillons tous, majoritairement, un an à l’avance, même un ou deux concerts, interprétés par des jeunes, sont fixés trois à cinq mois avant le festival, en fonction des résultats des concours. »
La conséquence directe est que le festival n’engagera pas de jeunes en 2020, sa programmation 2020 étant déjà reportée à cette date. « Beaucoup de jeunes qui auraient pu lancer leur carrière en 2020 et 2021 vont devoir attendre, au mieux, 2022 ou 2023, en raison de ces reports en cascade. C’est vrai autant pour les concerts de musique classique que pour les scènes de musiques actuelles. »
Une politique culturelle publique fragilisée
Quand on évoque la politique culturelle et les mesures mises en place par le gouvernement, Paul-Arnaud Péjouan reconnaît néanmoins que la France est un pays extrêmement protégé culturellement : régime de l’intermittence, de nombreux orchestres et théâtres subventionnés, une quantité impressionnante de festivals…
« Je ne crache pas dans la soupe, insiste-t-il. On est le pays, avec l’Allemagne, qui a le plus de protection culturelle, au niveau de l’État et – surtout – des collectivités territoriales, qui sont devenus aujourd’hui le premier opérateur culturel. Je suis conscient que l’exception culturelle française existe, que nous sommes en un sens privilégiés, mais ça ne justifie pas l’absence de publics sur une période longue. »
Des mesures telles que le confinement risquent ainsi, à terme, de mettre à mal toute la politique culturelle publique. « S’il n’y a pas de retour à la normale à la mi-janvier, même avec des jauges réduites, conclut-il, je ne suis pas sûr qu’une telle situation pourra perdurer très longtemps. »
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Pour suivre en direct les concerts du 25 novembre et du 3 décembre à 20h : YouTube et Facebook. Les concerts seront disponibles pendant quelques jours en replay sur YouTube.
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Crédits photographiques : Bernard Martinez
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