OFF Avignon – La difficulté des spectacles destinés au jeune public
Il y avait finalement plus de ventilateurs que de participants pour cette rencontre animée par la commission « Jeune public » de l’association Festival et Compagnies (AF&C), autour de la visibilité des spectacles jeune public à Avignon : 5 intervenants pour 6 participants… Les compagnies, prises dans la dynamique de survie que leur impose le festival, peuvent-elles penser leur communication autrement que comme un tractage classique et immédiat ?
Comment promouvoir le théâtre spécifiquement dédié au jeune public et aux familles ?
Le OFF d’Avignon accueille cette année 160 spectacles destinés au jeune public, soit plus de 10 % de la production totale ; le festival d’Avignon (In) propose quant à lui une programmation jeunesse depuis 3 ans. La Cité des papes n’est plus seulement le théâtre du théâtre : depuis une vingtaine d’années, danse, musique, cirque et autres disciplines ont intégré les programmes. Si l’offre « jeune public » a tiré parti de ce décloisonnement, les enfants et familles ne sont toutefois pas au rendez-vous.
Visibilité. Tel est le problème central soulevé tout au long de cette rencontre. Comment permettre au public d’identifier l’offre pour les jeunes et les familles ? Le catalogue du OFF indexe depuis cette année les spectacles adaptés par un pictogramme « Jeune Public »… Que faire de mieux ? Créer un catalogue spécifique pour ce public, l’an prochain. L’idée est lancée.
Des problématiques plus larges et multifactorielles : rayonnement et aménagement interne de l’événement
Annabelle Sergent, auteur et interprète, directrice de la compagnie Loba à Angers, note avec humour l’absence des enfants en Avignon : « Le jeune public n’est pas seulement absent dans les salles, il ne l’est pas non plus dans les rues, ou alors on les cache… » Le problème de la visibilité serait donc aussi celui du festival lui-même ; sa réputation lui colle encore à la peau : un temps culturel pour adultes, centré sur le théâtre. L’interdisciplinarité et la diversité des publics concernés n’ont pas encore marqué l’espace public.
Mais c’est aussi une question d’aménagement du festival : comment se rend-il accessible aux familles ? La tarification pour les familles n’est pas systématiquement adaptée, ce qui décourage les parents et accompagnateurs. Car venir au festival coûte cher : logement, nourriture, transport, spectacles… Sans compter que le Vaucluse, premier département concerné par l’événement, est un territoire pauvre.
Imposer des tarifs réduits aux compagnies ? Ce n’est en aucun cas une solution, du moins pas de manière unilatérale, car la participation des compagnies au festival est souvent un investissement à perte.
L’art et l’enfance
Les intervenants s’accordent pour distinguer « le divertissement et la production artistique qui s’adresse à tous ». Le problème relève d’une méconnaissance du rapport de l‘enfance à l’art. La mention « jeune public » aurait notamment tendance à voiler la dimension artistique des productions, jusqu’à décourager les parents ou accompagnateurs : à quoi bon emmener un jeune à un spectacle insignifiant, voire infantilisant ? Autant le planter devant la télé ou l’emmener au manège, c’est moins cher !
C’est bien le sens du spectacle tout public qui est posé. Il implique des réponses politiques et concrètes, pour une promotion de l’art dans l’éducation de la sensibilité. Pour Annabelle Sergent, c’est aussi l’enjeu du positionnement collectif par rapport à la place des enfants dans notre société.
La diffusion commence en amont du festival
Le travail de communication ne peut se réduire au tractage sur place ; il doit être initié dans les territoires d’origine, avec les acteurs régionaux, premiers partenaires et lieux des programmations pour la jeunesse. Pour Annabelle Sergent, dont la compagnie se produit au Grenier à Sel, théâtre mis à sa disposition par la région Pays-de-la-Loire, c’est très clair : « Avignon parachève un partenariat avec la région. Je leur ai dit : on n’ira pas à Avignon si on ne part pas avec vous ! » Pour sa compagnie, pas de festival sans cet ancrage politique. L’enjeu est de parvenir à convaincre les élus de leurs intérêts, car il est indéniable qu’Avignon agit comme « un accélérateur de particules ».
Il existe évidemment des risques de partenariats précaires ou difficiles, souligne Dominique Paquet, directrice de l’espace culturel des Ulis en Essonne : un projet de résidence jeune public avorté, la coupe des subventions octroyées en 2015 pour emmener une dizaine de jeunes au festival…
Un travail sur le long terme
L’enjeu est in fine de travailler auprès des écoles et des centres de loisirs, afin de promouvoir largement et toute l’année l’entrée des arts du spectacle dans l’éducation. Recréer un dialogue intergénérationnel, là où la coupure numérique et la consommation de masse ont brisé repères et sens : tel est le combat militant d’une Dominique Paquet.
Pour le comité, travailler la visibilité de la production destinée au jeune public sur la plaque tournante d’Avignon implique de mobiliser les leviers politiques disponibles, sur le terrain : les acteurs locaux dans les régions, les responsables du festival, à commencer par la commission de l’AF&C concernée, encore trop peu contactée par les compagnies.
Cette absence de réflexion et de concertation autour des spectacles dédiés au jeune public se manifeste jusque dans la micro-participation à cette rencontre…
Pauline ANGOT