Occupation du théâtre à Dijon : “On restera tant qu’il faudra !”

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Depuis deux jours, une vingtaine de personnes se sont enfermées dans le Grand Théâtre de Dijon. Ce sont plus de soixante lieux artistiques qui sont aujourd’hui occupés, pour protester contre la réforme de l’assurance chômage, revendiquer la prolongation du chômage ou encore demander la réouverture des lieux.

Depuis deux jours, le Grand Théâtre de Dijon abrite une vingtaine de personnes dans ses murs : musiciens, artistes, régisseurs et techniciens du spectacle font le pied de guerre, comme lors d’une résidence, mais cette fois protestataire. Cette occupation s’inscrit dans le mouvement national des occupations initié dix jours plus tôt au théâtre de l’Odéon à Paris. À ce jour, plus d’une soixantaine de lieux sont ainsi « occupés » par des artistes, essentiellement, ainsi que par quelques professionnels issus d’autres corps de métiers.

Lancée par la CGT-Spectacle et la CIP Bourgogne (Coordination des interluttants et précaires), la mobilisation a différents objectifs : réouverture des lieux culturels, prolongation du chômage pour les travailleurs du secteur de la culture, mais également de l’événementiel et de la restauration, au-delà du 31 août 2021, ou encore l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage…

« On restera tant qu’il faudra »

Elsa Berthelot (crédits : Morgane Macé / Profession Spectacle)

Elsa Berthelot (crédits : Morgane Macé / Profession Spectacle)

Après avoir participé à l’occupation du théâtre de l’Odéon, Elsa Berthelot, intermittente et régisseuse son à l’opéra de Dijon, a rejoint le foyer dijonnais. Membre de la CGT-Spectacle, elle appelle chacun à rejoindre le mouvement. « Il faut donner la parole aux gens qui ont été muselés pendant un an, notamment lors des agoras qui ont lieu quotidiennement à 14h. Ce qu’on essaie de monter, c’est une convergence des luttes au niveau des précaires de l’emploi. »

Si tout est encore en construction, le cap est donné. « Une de nos premières revendications est l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage, qui concerne les intermittents mais aussi tous les intérimaires, explique-t-elle. Cette réforme ne doit pas passer car elle mettrait en péril des milliers de personnes. On restera tant qu’il faudra ! »

La page Facebook Occupation Grand Théâtre de Dijon a été créée pour permettre à chacun de s’informer sur les rassemblements prévus et les actions menées. « On a eu des archéologues qui sont venus pour évoquer le gel des salaires. Ils sont allés à 1 300* à Paris pour avoir un rendez-vous et n’ont pas été reçus. »

Occuper les théâtres dans de bonnes conditions…

Pour favoriser l’occupation du Grand Théâtre, la CIP a notamment obtenu les autorisations nécessaires de la préfecture de Côte-d’Or afin de se rassembler, en comptant par ailleurs sur le soutien de la ville : « On n’est pas forcément d’accord sur la ligne politique de la municipalité, mais c’est une chance d’avoir leur soutien, souligne Elsa Berthelot. Il est important de pouvoir lutter dans de bonnes conditions. »

Cela signifie, comme elle en témoigne, d’occuper le théâtre sans perturber les répétitions éventuelles et, surtout, dans un climat qui ne soit pas anxiogène : « À l’Odéon, il y avait des camions de police au départ. La direction du théâtre de l’Odéon n’a pas facilité les choses, ne nous permettant pas – par exemple – d’éteindre les lumières quand on dormait. Ici, ça se passe plutôt bien : le parquet craque un peu, on dort sur des matelas dans un gros dortoir et on discute énormément pour penser aux actions qu’on pourrait mener. »

et de manière pacifique

Concernant leur méthode de protestation, Elsa Berthelot se veut rassurante. « Notre mouvement est pacifique, affirme-t-elle. Quand Roselyne Bachelot juge dangereuse et inutile cette occupation, en particulier pour le patrimoine français, on répond que c’est notre outil de travail : les théâtres sont les lieux que l’on aime… on en prend soin ! »

Occuper les théâtres équivaut pour eux à reprendre possession des lieux, sinon dans les faits, c’est-à-dire en travaillant et en créant, du moins « de droit », par une présence solidaire, qui souhaite représenter toutes les personnes en situation de précarité, quel que soit leur régime : intérimaires, intermittents ou vacataires.

Durcissement de l’accès à l’assurance chômage

Autre revendication, que certains essaient de mettre au second plan au profit d’un combat plus global quand d’autres l’affichent clairement dans leurs priorités : la réouverture des lieux culturels. Pour Elsa Berthelot, cela fait bien partie des revendications. « Avant la pandémie, je faisais 1200 heures à l’année ; depuis un an, j’en ai fait 180 !, constate-t-elle. Cela entraîne une détresse psychologique, même si l’année blanche est prolongée jusqu’à fin août et qu’on est soi-disant protégés… Car, en attendant, on doit faire nos heures et ce n’est pas possible. Roselyne Bachelot dit que les salles de répétitions sont ouvertes, mais ce n’est pas le cas partout, il n’y a pas d’emploi. »

La réforme de l’assurance chômage laisse présager en outre des conséquences désastreuses. « C’est déjà compliqué de vivre, mais avec cette réforme, ce sera pire, surtout pour ceux qui n’entrent pas dans les critères des annexes 8 et 10 de Pôle emploi, permettant d’être intermittent. »

Depuis le 1er novembre 2019, pour ouvrir des droits à l’assurance-chômage, il faut avoir travaillé au moins six mois sur les vingt-quatre derniers mois, contre quatre mois sur les vingt-huit derniers mois auparavant. « Ce durcissement d’accès touche particulièrement les jeunes peu qualifiés », insiste-t-elle, citant Denis Gravouil, secrétaire général de la CGT-Spectacle et occupant du théâtre de l’Odéon.

Un appel à Elisabeth Borne et à Jean Castex

Déterminée, Elsa Berthelot espère que le mouvement obtienne gain de cause avant l’été, ce qui implique de rassembler un maximum de sympathisants, notamment dans toute la région Bourgogne-Franche-Comté. « On a une commission de coordination entre tous les lieux occupés, et la délégation du théâtre de l’Odéon porte toutes nos revendications, détaille-t-elle. Ce qu’on demande avant tout, c’est que la ministre du Travail, Élisabeth Borne, se déplace, voire Jean Castex. Car voir Roselyne Bachelot ne sert à rien ! »

Si l’on peut s’interroger sur le choix de l’action menée, il reste que le mouvement prend de plus en plus d’ampleur. Du fait de l’appartenance d’une partie des occupants à la CGT-Spectacle et à la CIP, les permanences tenues dans les lieux d’occupation sont unifiées par une délégation jouant le rôle de porte-parole au niveau national, comme en témoignent les différents communiqués qui reprennent les mêmes revendications, jusque dans leur formulation. Reste à savoir si le mouvement saura maintenant agréger d’autres branches professionnelles, au-delà de quelques personnes isolées.

Morgane MACÉ

Correspondante Bourgogne-Franche-Comté

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Selon d’autres sources, ils n’auraient pas été 1300, mais entre 300 et 400 agents-archéologues à avoir manifesté à Paris (source : Ouest France / AFP).

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Crédits photographiques : Morgane Macé / Profession Spectacle



 

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