Nouba et autres festivités à l’Institut du monde arabe

Nouba et autres festivités à l’Institut du monde arabe
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Nouba, soirées électro et hip-hop, musiques arabo-andalouses… L’Institut du monde arabe entre en festival sur le thème des « Transmissions ». Dix jours de « folies arabes », du 7 au 16 juin, entre tradition et modernité.

Festival musical des arts et des idées, Arabofolies est le dernier-né des événements organisés par l’Institut du monde arabe. « Autour des expositions et du musée, qui sont les piliers de l’IMA, il y a une programmation culturelle très riche de musique, de danse, de cinéma, de littérature et de débat d’idées, explique Marie Descourtieux, directrice des actions culturelles de l’IMA depuis trois ans. Mais jusque-là, la programmation musicale consistait en deux ou trois rendez-vous par mois. Nous avons décidé de donner une cohérence et une visibilité à cette pluridisciplinarité. »

Trois rendez-vous, d’une dizaine de jours, ont été créés : les Arabofolies. En mars dernier avait lieu le premier volet, sur le thème « Résistances », en lien avec la Journée internationale des droits des femmes. Du 7 au 16 juin, Arabofolies abordera l’importante question des « Transmissions ». La troisième programmation visera à relier le jazz et la musique soufie, autour de la notion de musiques improvisées.

Les Arabofolies se construisent d’un rendez-vous à l’autre, « en fonction des artistes qui nous font des propositions ou que nous souhaitons inviter, poursuit Marie Descourtieux. Le festival de juin est né de notre envie de mettre en avant la musique arabo-andalouse et d’inviter Demi Portion. Nous avons ainsi tiré le fil de la transmission, car des rappeurs nous ont parlé de la musique andalouse. La transmission est là : nous sommes irrigués les uns les autres par différentes traditions. »

Traditions immémoriales

La musique sera de nouveau au cœur du festival, avec notamment la tradition du malouf, un art savant et populaire hérité de l’Andalousie arabe. L’un de ses plus grands représentants au XXe siècle, Mohammad Tahar Fergani (1928-2016), était lui-même le fils de de Hamou Fergani (1884-1972), chanteur réputé de hawzi, un dérivé de la musique arabo-andalouse.

Aujourd’hui, c’est leur fils et petit-fils Salim Fergani, né en 1953 à Constantine, qui perpétue l’héritage familial ; le 8 juin, sur la scène de l’IMA, il sera accompagné de sept musiciens de Constantine et trois de France. Ils interpréteront dans son intégralité, comme un hommage, la nouba Maya, une pièce maîtresse du répertoire arabo-andalou. « C’est très rare qu’une nouba soit intégralement jouée, s’enthousiasme Marie Descourtieux. Souvent, nous n’en avons que des fragments, les morceaux les plus entraînants. Nous avons voulu proposer au public l’expérience d’une nouba entière, avec des moments plus intimes et exigeants. »

Le lendemain, samedi 9 juin, aura lieu un concert du groupe Lemma, formation traditionnelle constituée uniquement de femmes. « Les musiciennes et chanteuses, qui ont entre 18 et 79 ans, sont toutes originaires du sud-algérien, en plein désert, explique la directrice des actions culturelles. C’est très beau de les voir sur scène, chantant ensemble. Il y a notamment une femme qui joue du guembri, un grand instrument à cordes traditionnellement réservé aux hommes. Ce sera vraiment un beau moment. »

Le concert de clôture, dimanche 16 juin, mettra en avant l’ensemble El Mawsili, ensemble mixte d’une cinquantaine de musiciens dirigé par Farid Bensarsa et originaire de Saint-Denis (93). Un court documentaire introduira la soirée, avant un concert de musique arabo-andalouse.

Ouvertures actuelles

Comme en miroir aux traditions immémoriales, deux soirées nous plongeront résolument dans la musique contemporaine. Le lancement du festival, vendredi 7 juin, sera sous forme de soirée électro avec le collectif Arabic Sound System & Guests : Shadi Khries, Hasan Minawi, Gan Gah, Paloma Colombe, DJ Dziri…

Le week-end suivant, la scène indépendante du hip-hop investira l’IMA, avec Demi Portion en chef d’orchestre. Le rappeur sétois dispose ainsi de deux cartes blanches, les 14 et 15 juin : « Agréablement surpris et très honoré d’avoir été sollicité par l’IMA pour cet événement unique, j’aurai la chance de présenter des artistes avec qui j’ai collaboré pour la plupart, explique Demi Portion. Pour cette carte blanche de la discipline hip-hop, danse et poésie seront au rendez-vous. J’ai voulu inviter mes ami(e) (s), ceux que j’estime beaucoup dans la musique ou dans la vie, pour deux soirées mémorables dans une ambiance conviviale. »

Au programme, durant ces deux soirées : Fanny Polly, les Billets d’Humeur, DJ Rolxx, Mono et Sam’s, Kacem Wapalek, Rocé, ATK, Petitcopek, Mystik et, évidemment, Demi Portion lui-même.

Questionnements contemporains

« Le cœur du festival est la musique, puisque nous n’avons plus de programmation musicale en dehors d’Arabofolies, à l’exception de quelques rares événements exceptionnels, rappelle Marie Descourtieux. Mais autour de ce triple événement annuel, nous adaptons nos autres rendez-vous réguliers, comme la soirée cinéma du mardi ou le Jeudi de l’IMA, selon la thématique choisie. »

Le festival Arabofolies a notamment vu la création d’un rendez-vous inédit jusqu’alors, les forums de l’IMA, qui souhaitent « donner la parole à la société civile. Le thème de ce forum décline le thème même d’Arabofolies, poursuit la directrice des actions culturelles. C’est tout naturellement que, dans le cadre des transmissions, nous avons voulu nous interroger sur les modes de communication moderne. » Une après-midi sera ainsi consacrée aux « défis de l’information 2.0 », par le biais de trois tables rondes sur l’information alternative, la formation des citoyens, les contenus à créer, la transparence délicate suscitée par internet, la sécurité… le tout, dans le contexte si spécifique du monde arabe.

C’est d’ailleurs pourquoi les intervenants viennent du Liban, Algérie, Irak, Syrie, Jordanie, Tunisie et Palestine, afin d’offrir une approche kaléidoscopique de ces problématiques complexes. « Nous aurons par exemple le plaisir d’accueillir Nazim Baya, directeur de El Manchar, journal en ligne algérien très courageux et très actif, qui suit tout ce qui se passe en ce moment en Algérie. »

Plus surprenant est le thème du grand débat du jeudi : « Passion et pouvoir du foot », avec Mickaël Correia, François Thomazeau, Honey Thaljieh et Abdelkader Retnani pour intervenants. Quel lien avec la transmission ? La raison est simple : la grande exposition de l’IMA, inaugurée en avril dernier, porte sur le football et le monde arabe. « C’est un clin d’œil. Nous avons voulu faire résonner cette exposition au cœur de la programmation, en nous interrogeant sur les transmissions possibles – pouvoir, argent, lutte d’influences, etc. – de ce sport. »

Pierre GELIN-MONASTIER



 

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