« Ni juge, ni soumise » : derrière le rire, le malaise
Anne Gruwez est juge d’instruction à Bruxelles. Pendant trois ans, l’équipe de « Striptease » l’a filmée. Dans son bureau où elle auditionne des inculpés et décide leur mise en accusation. Sur les lieux des crimes où elle se déplace dans une 2CV chevrotante. À la police judiciaire où elle décide de rouvrir une vieille affaire restée irrésolue.
★☆☆☆
Jetez un œil à la bande annonce pour découvrir Anne Gruwez. Elle ne vous laissera pas indifférente.
Un éclat de rire partagé
La première réaction sera bien sûr le franc éclat de rire devant la drôlerie de ses réparties. On n’oubliera pas de sitôt l’audience d’une maîtresse SM qui enseigne par le menu à la juge fascinée – et à son greffier vaguement gêné – les secrets d’un massage prostatique réussi ou celle d’une famille consanguine abrutie.
Bien sûr l’équipe de « Strip-tease » résume en cent minutes des heures de rush et des années d’audition qui n’étaient forcément pas toutes si hilarants. Mais le best of qu’ils ont amassé est franchement poilant.
La salle ne s’y trompe pas qui, quasi-pleine et étonnamment âgée, s’esclaffe bruyamment – j’ai bien cru que mon voisin allait s’étouffer de rire.
Incrédulité, gêne et impudeur
Mais derrière cette réaction primaire s’en cache une seconde, plus gênante. C’est d’ailleurs celle qu’inspirent les enquêtes de « Strip-tease ». Un sentiment d’incrédulité, de gêne, d’impudeur.
Incrédulité devant les énormités que prononce cette magistrate, qui lui vaudrait, en France, une convocation immédiate devant le CSM, par exemple lorsqu’elle tient des propos racistes sur un Albanais accusé de violence conjugale ou devant cette avocate qui, bafouant les droits de la défense, enfonce son client, abruti d’alcool et de médicaments.
Gêne devant des accusés qui, quels que soient leurs torts, ont dû signer une décharge autorisant « Strip-tease » à les filmer sans réaliser le ridicule dans lequel ils sont tournés.
Impudeur d’un cadavre qu’on déterre par un beau jour d’été pour lui prélever de l’ADN sans que soit observée, à l’égard de sa dépouille, l’élémentaire décence que le respect des morts exige.
Bien sûr, en écrivant ce qui précède, j’ai conscience d’être un cul-serré, un Français scrogneugneu que ne font pas rire quelques bonnes blagues belges, un conseiller d’État péremptoire qui sacralise les principes déontologiques pour critiquer la réalité quotidienne de la vie d’un juge d’instruction qui se coltine avec la réalité. Peut-être… mais quand même…
Jean LIBON et Yves HINANT, Ni juge, ni soumise, France – Belgique, 2017, 99mn
- Sortie française : 7 février 2017
- Genre : documentaire
- Avec Anne Gruwez
- Distributeur : ARP Sélection
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