Minimixes : Villeurbanne au rythme des créations artistiques
L’égalité d’accès à la culture est l’un des axes majeurs de la politique culturelle de Villeurbanne, avec des parcours d’éducation artistique menés au sein des écoles, au travers des minimixes. Ces centres culturels, comme leur nom l’indique à taille réduite, seront articulés autour des bibliothèques de 26 groupes scolaires.
Villeurbanne compte 160 000 habitants, 4 quartiers prioritaires et 6 lieux labellisés ; depuis l’automne 2021, enseignants, artistes, structures associatives et institutions sont impliqués dans le dispositif des minimixes. Un minimix est un espace éducatif au sein de l’école, dans lequel différents projets en lien avec les arts et la culture sont proposés aux élèves et aux enseignants.
Comment les résidences d’artistes y interviennent-elles et en quoi est-ce un projet novateur ?
« Pour voir grand auprès des enfants »
Une dotation de l’État pour le label “Capitale française de la culture”, un million d’euros, soutient cet investissement. C’est ainsi que sont nés les minimixes. « Le nom a été choisi par Bernard Sevaux, directeur général adjoint culture, jeunesse et prospective pour la ville, explique Rosanna Nardiello, en charge de la coordination du dispositif. “Mix”, pour mélanger les esthétiques, et “mini”, pour voir grand auprès des enfants. » Dix-huit minimixes seront installés au cours de l’année 2022 et huit autres sont prévus d’ici 2026.
Ils sont aménagés en lieu et place des BCD, bibliothèques et centres documentaires des écoles primaires. « Actuellement, il y en a quatorze, et sept coordinatrices culturelles ont été recrutées de façon pérenne », précise la coordinatrice des minimixes. Issues des médiathèques, elles travaillent en lien avec les enseignants et les intervenants pour faciliter chaque processus éducatif et créatif. Les écoles Château-Gaillard, Jean-Zay et Léon-Jouhaux accueillent par exemple l’équipe du cinéma Le Zola pour des pratiques plastiques sur des bandes de pellicule.
Va-et-vient entre école et lieux culturels
« L’enfant n’est pas seulement un élève ; il reste dans l’établissement pour du périscolaire et mène des activités extrascolaires, explique Rosanna Nardiello. Il y a donc une ambition secondaire des minimixes d’innerver le quartier, mais le dispositif va aussi en dehors de l’école, avec des visites des lieux culturels. »
Au sein des établissements scolaires, différents espaces peuvent être investis ; les minimixes sont aménagés pour prendre en compte le bien-être des enfants. « L’Institut d’art contemporain va par exemple prêter des œuvres qui seront exposées dans les couloirs de l’établissement, avec des temps de médiation prévus autour, développe-t-elle. Il y a aussi le projet des BCD design, qui permet à des designers de repenser les espaces pour en faire des lieux plus agréables, en construisant des sortes d’alvéoles dans lesquelles les enfants peuvent se nicher pour lire ou écouter de la musique. »
Équité territoriale
À l’avenir, toutes les écoles villeurbannaises du premier degré devraient être dotées de minimixes, dans une ambition commune de garantir l’accès gratuit de tous les enfants à différentes formes d’art, sans dépendre du lieu de vie ou d’un choix pédagogique parental.
« Au moment où la ville a déposé sa candidature, l’argument était de dire que, même sans le label, il y aurait une mise en place des minimixes, conçus comme des lieux de culture au cœur des écoles, au même niveau que les autres disciplines », poursuit Rosanna Nardiello.
Pour Emmanuelle Magdalena, directrice de l’action et du développement culturel de la ville, l’éducation artistique et culturelle fait partie de l’ADN de Villeurbanne. « C’est un élément de la politique culturelle qui était déjà mis en place à travers la Convention d’éducation artistique et culturelle, que la ville a co-signée avec la DRAC, le ministère de l’Éducation nationale, la métropole de Lyon et la CAF du Rhône, explique-t-elle. Elle est triennale : on l’a signée une première fois en 2015 et elle a depuis été renouvelée deux fois. »
Défi double pour les artistes
« Les compagnies qui interviennent lors des résidences sont un peu les chevilles ouvrières de tout un quartier qui vit au rythme d’une création, de la découverte d’une esthétique et de sa pratique », explique Emmanuelle Magdalena.
La compagnie lyonnaise de théâtre Les Étourdies, menée par les comédiennes Virginie Rondeau et Julie Felgeirolle, intervient auprès des classes du groupe scolaire Renan. « Quand on a su que la ville cherchait des projets pour les écoles, on a postulé car on avait déjà travaillé avec des élèves. » Les deux comédiennes travaillent à partir de la pièce de théâtre jeune public Le Murmonde, de Serge Kribus. « Le texte parle de la place des enfants dans le monde. Avec leurs idées, ce qu’ils racontent et ressentent, on va créer leur spectacle. »
Certaines incertitudes, liées à cette phase encore expérimentale et au contexte sanitaire, subsistent, en plus de contraintes financières, malgré une subvention attribuée par la mairie pour rémunérer la compagnie. « On cherche d’autres financements et on se demande si notre spectacle sera finalisé en juin, car on va passer plus de temps sur la médiation consacrée à la création des enfants… Mais on espère que cette collaboration sera reconduite par la suite. »
Si le principe des résidences artistiques en milieu scolaire existait déjà auparavant, et qu’il n’est donc pas l’apanage des minimixes, ces derniers se veulent néanmoins novateurs dans la mesure où ils placent les arts au même niveau d’importance que les autres enseignements au sein de l’école. Sans équivalent dans d’autres collectivités, cette initiative souhaite concrétiser un élan démocratique et émancipateur pour la jeunesse.
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Crédits photographiques : Jeanne Menjoulet
(Source : Flickr / Licence : CC BY 2.0)