Marion Guilloux : « Le théâtre sert à exprimer le traumatisme ! »
Comédienne de formation, Marion Guilloux se consacre plus spécifiquement à l’écriture depuis 2015 et travaille en tant que dramaturge pour différentes compagnies de théâtre. Elle est lauréate du Prix du Jeune Ecrivain 2017 avec sa nouvelle Mister Lonely et a reçu le 1er prix 2018 de la Maison des écritures et des écritures transmédias (M.E.E.T) – Hypolipo pour sa pièce Les Poussières de C.
Avec sa pièce Aire de repos : la forêt, Marion Guilloux est l’invitée du mois de décembre pour les rencontres ALT.
La soirée Emulsion Culturelle, ouverte à toutes et tous, aura lieu à Paris au Pitch Me le 7 décembre. Cette soirée proposera des lectures d’extraits d’Aire de repos : La Forêt ainsi que de multiples propositions artistiques inspirées par la pièce.
La soirée Infiltration, sur inscription, aura lieu au théâtre de la Cité internationale le 19 décembre.
Entretien avec Marion Guilloux.
Comment décrirais-tu ta pièce Aire de repos : la forêt en quelques mots ?
Elle traite de l’héritage, du secret familial et de l’abandon. Qu’est-ce qu’on retient ou perd, lorsque quelqu’un disparaît ? Ce texte a été écrit sur plusieurs années ; sa forme d’origine était plus poétique, plus abstraite, et il portait un autre nom : La forêt immobile. À force de le travailler au plateau, il s’est modifié pour arriver à ce qu’il est aujourd’hui : Aire de repos : la forêt.
Où puise-t-il son origine ?
D’une impression : une journée d’été, j’étais au jardin des plantes de Nantes, où il y a un étang. La lumière tombait exactement sur la surface de l’eau et laissait voir le fond par transparence. Je me suis demandé quelle histoire je pouvais raconter en partant de ce monde inversé…
Quelle couleur donnerais-tu à ta pièce ?
Bleu foncé, vert lumineux et gris béton.
Quelle odeur ?
Dans la première scène, le père parle de l’odeur des fleurs dans la nuit…
Quel bruit ?
Celui des voitures au loin, depuis l’aire de repos !
Tu mentionnes l’impact du travail au plateau sur ton écriture, est-il important ?
Pour monter cette pièce, j’ai travaillé avec des acteurs que je connais bien, avec lesquels il y a une vraie symbiose dans le travail. Les rencontres avec le texte ont été assez percutantes : ils ont développé une familiarité avec lui, et mon écriture a été perméable à leurs doutes et leurs recherches. Par exemple, une des actrices est un jour arrivée avec un rap qu’elle avait écrit pour son monologue : le rap a disparu dans le texte d’aujourd’hui mais il a constitué une étape d’écriture. Il n’y a jamais rien d’acquis dans l’écriture ; la période de maturation de mes textes peut être assez longue et je l’assume tout à fait.
Quelles sont tes influences artistiques ?
Je les trouve principalement dans le cinéma, la peinture et la photographie. Quand je cherche, je me laisse saisir par les images. La littérature aussi, comme l’univers onirique au sein de la réalité dans Kafka sur le rivage de Haruki Murakami. J’aime beaucoup l’univers poétique de Michel Gondry dans Eternal Sunshine of the Spotless Mind, ou encore l’ambiance de Martin Scorsese dans Shutter Island, quand l’énigme est la clef de l’histoire. J’aime le polar, c’est un genre transgressif. Sous prétexte qu’il est un « sous-genre », on peut se permettre de dire beaucoup de choses… cela passe comme si de rien n’était !
Que cherches-tu dans l’écriture ?
Une excuse pour m’extraire du réel ! Au cœur du travail littéraire, je suis passionnée, presque obsédée, par la musique des mots et l’importance de leur choix. J’adore le travail de l’intrigue : comment créer des problèmes pour les résoudre ?!
Ton premier souvenir de théâtre ?
Ma mère nous avait emmenées, ma sœur et moi, voir Hamlet au théâtre de Montreuil ; j’avais six ou sept ans. Le père de Hamlet était présenté sous la forme d’un hologramme. Peu après son apparition, ma mère s’est levée et nous sommes sorties. Elle m’a dit : « C’est trop compliqué pour vous… ». Une grande frustration m’est restée !
À tes yeux, à quoi sert le théâtre ?
Je pense qu’il sert à exprimer le traumatisme. Nous passons par la puissance d’un texte pour parler de l’être humain. Les grands textes qui jalonnent l’histoire du théâtre sont faits de personnages qui se lèvent et projettent au plateau des choses qu’on ne peut pas dire au quotidien. Nous pouvons aller au théâtre en nous disant : « J’y vais car, ce soir, il y aura peut-être des gens qui diront des choses que je n’ai pas le courage de dire et que je n’aurai jamais ». C’est sa force spirituelle, qui fait que le théâtre perdure depuis si longtemps.
En ce moment, que travailles-tu ?
Ma pièce Les poussières de C sera éditée chez Espaces 34 au printemps. D’ici là, des lectures sont prévues, notamment en février à Morlaix. Le label “Jeunes textes en liberté” prévoit aussi des lectures de ma pièce Une légère suffocation, qui fait partie de sa sélection pour la saison à venir. Par ailleurs, je travaille sur un roman, qui s’appelle Le songe en cavale.
As-tu un mot à partager avec les lecteurs avant qu’ils ne découvrent ta pièce ?
Même si c’est difficile, celui de lire la pièce sans préjugé. Accepter que la pièce advienne.
Propos recueillis par Annabelle VAILLANT
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Soirées autour de Aire de repos : la forêt de Marion Guilloux :
– Infiltration (inscription obligatoire)
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Photographie de Une – Marion Guilloux (crédit : Olivier Allard)