“Luce” par la Cie Marizibill : la renaissance à la vie d’une enfant dite inadaptée

“Luce” par la Cie Marizibill : la renaissance à la vie d’une enfant dite inadaptée
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Luce est un spectacle plein de silences, qui prend le temps de la poésie, de la magie et du merveilleux pour raconter tout en délicatesse la difficulté de construction d’un être dit « différent ». Une très originale proposition artistique, forte et assumée.

Comment parler des enfants inadaptés ? Cyrille Louge (avec la compagnie Marizibill), en adaptant le roman de Jeanne Benameur Les Demeurées, a choisi d’utiliser plusieurs formes d’expression : la marionnette, le mimodrame, la vidéo, les objets et la matière… Pour faire un portrait kaléidoscopique d’un personnage singulier et fascinant.

Il y a cette petite fille, Luce, qui ne va plus en classe, que sa mère « couve » quasiment au sens propre, comme la première image interpellante de ce spectacle où les deux corps ne font qu’un, avant qu’on ne puisse enfin les distinguer l’une et l’autre et que la fille ne s’extirpe de cette masse informe.

Volontairement retirée du monde par la volonté de la mère, Luce pose la question de la façon dont on vit le handicap, l’enfermement dans la solitude et des victoires contre ses peurs à gagner pour en sortir.

Récit d’apprentissage plein de sobriété

Un plateau tournant permet le glissement rapide d’un décor ou d’un personnage à un autre avec subtilité. La scénographie de Cyrille Louge et Sandine Lamblin, aussi sobre qu’ingénieuse, permet de créer un univers singulier de conte onirique que les projections vidéo de Mathias Delfau accentuent.

Il s’agit avant tout du récit d’un apprentissage pour cet enfant « différente » qui devra chercher en elle la force d’affronter le réel, ressentant au fil du chemin la dureté du monde pareil à des épines, mais qui, au fil de sa connaissance, trouvera des armes dans l’instruction pour se structurer et prendre confiance.

Luce est un spectacle plein de silences, qui prend le temps de la poésie, de la magie et du merveilleux pour raconter tout en délicatesse la difficulté de construction d’un être dit « différent » et celle de trouver sa place dans un monde brutal et effrayant, surprotégé par sa mère, mais accompagné par le regard bienveillant de la maîtresse.

On passe d’un tableau noir, où soudain les mots et les chiffres (effrayants quand on ne les maîtrise pas) apparaissent, à une forêt qui représente toute la peur du monde du dehors, accompagné par une musique envoûtante aux nombreux thèmes qui expriment bien les états successifs de Luce. Sans texte superflu, l’impression n’en est que plus forte.

Un traitement à contre-courant, subtil et maîtrisé

Essentiellement visuel, le travail de la compagnie Marizibill laisse une grande part au travail gestuel et dansé. Mêlant adroitement toutes les formes (marionnettes, mime, danse, vidéo) et variant les points de vue, la dimension des personnages et des objets, la mise en scène de Cyrille Louge se révèle être une très originale proposition artistique, forte et assumée.

À contre-courant des spectacles sur de telles thématiques souvent trop bavards, l’émotion prend ici complétement sa place et parle avec subtilité d’un monde méconnu. Le positionnement brusque de la mère, malhabile, qui ne sait comment faire pour le bien de son enfant et entretient avec elle une relation fusionnelle qui l’empêche de se développer, est déchirant de vérité. Solange l’institutrice fera découvrir à Luce un univers de liberté infinie fait de lumière, de couleurs et de mots, et lui ouvrira une fenêtre vers un ailleurs possible.

Pour raconter cette relation complexe, ce sont les rapports du trio (remarquablement interprété par Sophie Bezard, Mathilde Chabot et Sonia Enquin) qui servent avant tout de dramaturgie. Chaque personnage évolue par rapport aux deux autres. Dans le jeu, chaque comédienne fait corps avec sa marionnette (une comédienne et une marionnette qui se dédoublent pour Luce, une tête énorme pour la mère) et la fait se mouvoir avec une maîtrise indéniable et un supplément d’âme qui donne à ce spectacle le sceau de l’excellence.

Luce parviendra-t-elle à raccommoder ses blessures invisibles et à prendre sa place ? C’est la question que pose le spectacle, qui laisse entrevoir un début de réponse avec ce sublime ouvrage où le personnage de Luce provoque l’empathie et dont on suit la rédemption pleine de grâce et la salutaire ouverture au monde.

Un travail humble et exigeant pour faire le récit bouleversant d’une deuxième naissance. Un très beau spectacle dont les images marquent de leur émotion, avec pudeur et une grande expressivité.

Nicolas ARNSTAM

“Luce” par la Cie Marizibill © Alejandro Guerrero



Spectacle : Luce

Création : 2018
Durée : 50mn
Public : à partir de 7 ans

Texte : adaptation libre par Cyrille Louge du roman Les Demeurée de Jeanne Benameur (Éd. Denoël)
Mise en scène : Cyrille Louge
Collaboration artistique : Francesca Testi
Interprétation : Sophie Bezard, Mathilde Chabot, Sonia Enquin
Conception des marionnettes : Francesca Testi
Scénographie : Cyrille Louge, Sandrine Lamblin
Lumières : Angélique Bourcet
Vidéo : Mathias Delfau
Machinerie et régie plateau : Paul-Édouard Blanchard
Costumes : Alice Touvet

Contact compagnie : Compagnie Marizibill / contact -@- compagniemarizibill.fr
Contact production / diffusion : Caroline Namer au +33 6 10 07 03 70 / namercaroline -@- gmail.com 
Contact production / administration : Cécile Mathieu au +33 6 61 73 31 65 / admin -@- compagniemarizibill.fr

Crédits photographiques : Alejandro Guerrero



Où VOIR LE SPECTACLE ?

Spectacle vu au théâtre Paris-Villette le 14 avril 2019.

– 8-11 octobre 2019 : Comédie de l’Est, CDN de Colmar (68)
– 9-10 novembre : Centre culturel La Norville (91)
– 4-5 décembre : Saison culturelle de Melun (77)
– 10 décembre : Le Sablier, Ifs (14)
– 12 décembre : Le Rive Gauche, Saint-Étienne-du-Rouvray (76)

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“Luce” par la Cie Marizibill © Alejandro Guerrero



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