Les origines de l’impérialisme hollywoodien
Pas besoin d’être un professionnel du cinéma pour savoir que Hollywood domine l’industrie du film à l’échelle mondiale. Comment le cinéma américain a-t-il conquis le monde ? Sur quoi repose sa puissance industrielle et culturelle ?
Impérialisme hollywoodien et résistance française (1/3)
Aujourd’hui assistant de production pour diverses entreprises audiovisuelles, Thomas Parfundi a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Elena Borin (Burgundy School of Business), sur le thème : « L’impérialisme de Hollywood dans l’industrie cinématographique globale : le cinéma français contre-attaque ». Il propose une synthèse de ses recherches dans une série de trois articles publiés dans Profession Spectacle.
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Pas besoin d’être un professionnel du cinéma pour savoir que Hollywood domine l’industrie du film à l’échelle mondiale. Les États-Unis sont effet les premiers exportateurs de longs-métrages, ce qui se traduit par une omniprésence des films américains sur le marché international. Par ailleurs, nombre de ces films rencontrent un immense succès et se retrouvent presque à chaque fois en tête du box-office des marchés étrangers.
Quelles sont les origines de cet impérialisme culturel ?
Facteur historique
À la fin de la Première Guerre mondiale, le manque de main-d’œuvre et de capitaux affecte directement le cinéma français qui était jusqu’alors, depuis l’avènement même du septième art, le pionnier et le leader du marché. Les Américains saisissent l’opportunité pour instaurer leur conception industrielle en créant d’importantes compagnies de production et de distribution appelés « les majors ».
La fondation de the Motion Picture Producers and Distributors of America en 1922, dont la mission est de rechercher des opportunités sur les marchés étrangers, a également joué un rôle capital dans l’apparition des films américains sur les écrans européens. Le gouvernement donne en effet à cette organisation de lobbying la responsabilité de représenter les intérêts des majors à l’international.
Enfin, la domination hollywoodienne et le retard des autres pays sont accentués par la guerre des brevets lancée par les États-Unis avec notamment l’arrivée des films parlants.
Une puissante industrie
Tout d’abord, Hollywood n’est pas seulement une métaphore, ni un simple modèle économique ; c’est une agglomération productive avec des avantages compétitifs. Son fonctionnement en cluster lui permet notamment de raccourcir les circuits de communication mais aussi de créer des entreprises spécialisées qui peuvent évoluer dans un cadre créatif et innovant.
En plus de cette structure organisationnelle qui allie entreprises de production, personnel qualifié et institutions associées, l’industrie américaine du film peut se reposer sur son marché national qui assure à lui seul la rentabilité de ses films. Les marchés étrangers sont donc d’autant plus cruciaux pour les États-Unis que tous les revenus qui y sont générés représentent des bénéfices supplémentaires. Étant donné l’importance des exportations, les majors ont donc implanté depuis les années 1920 des filiales de distribution à l’étranger, qui leur permettent un meilleur accès aux marchés extérieurs. Ils peuvent également compter sur le support du gouvernement américain qui use de moyens diplomatiques tels que le Foreign Trade Agreements pour s’assurer que les portes des gouvernements étrangers soient bien ouvertes aux films hollywoodiens.
Le langage cinématique universel de Hollywood
Pour être compris et vu par le plus grand nombre, un film doit transcender les divisions sociales, les frontières et plus généralement les distinctions culturelles. Les producteurs américains sont bien au fait de l’importance de ce principe d’universalité ; c’est pourquoi la plupart des films produits par Hollywood sont des films dits « populaires ». Certaines productions engagent même des « script doctors », qui écrivent des structures narratives adaptées à tout type de spectateurs en enlevant tous les éléments qui pourraient être rejetés par une catégorie de personnes.
Le cosmopolitisme de la société américaine faciliterait d’ailleurs cette recherche de l’universel : Mel van Elteren explique ainsi, dans un article publié de 2003, que le mélange et la rencontre entre plusieurs cultures étrangères donnent naissance à des éléments universels reconnaissables par n’importe quelles ethnies. On retrouve cette idée dans les propos des auteurs Noam et Millonzo quand ils écrivent : « Un programme qui connaît un succès au sein de sa population tend à présenter des aspects universels qui seront aussi appréciés dans d’autres pays. »
Les films américains ayant également l’avantage d’être dans la principale langue internationale, ils dépassent plus facilement les barrières linguistiques. Ainsi la diversité culturelle de la population américaine ainsi que son utilisation de l’anglais apportent-elles un aspect universel aux films hollywoodiens.
Star-system
Depuis plusieurs années maintenant, le cinéma hollywoodien repose sur un « star-system », autrement dit sur la réputation internationale de certains acteurs. Les studios américains se fondent en effet sur l’idée que les artistes à grande notoriété ont tendance à attirer un large public.
Dans l’un de ses articles, le chercheur Hadida soulève ainsi l’importance du casting : « Les acteurs constituent la principale incitation pour les financiers d’investir dans un film et pour les spectateurs d’aller le voir. » Plusieurs études ont d’ailleurs démontré qu’un casting composé d’acteurs de renommée internationale a un impact positif très important sur les revenus d’un film. Le star-system constitue donc sans conteste un facteur explicatif majeur du succès des films hollywoodiens.
À suivre :
2/3. La riposte du cinéma français contre l’impérialisme hollywoodien
3/3. Le cinéma transnational : une stratégie efficace face à l’impérialisme hollywoodien ?
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