“Les oiseaux de passage” : un film original et beau, entre Scarface et onirisme
Les Oiseaux de passage raconte l’histoire d’une lutte entre deux familles, mais aussi d’un mode de vie ancestral et traditionnel face au monde moderne qui ne jure que par l’argent et les armes. Une œuvre originale et belle par sa fusion des styles, du film de gangsters à la tragédie grecque en passant par des échappées oniriques et inattendues. Le film sort demain sur les écrans, distribué par Diaphana.
« Tu seras ma femme », annonce Rapayet (José Acosta) à la jeune Zaïda au cours d’une frénétique danse prénuptiale. Nous sommes en Colombie au début des années soixante-dix ; Rapayet et Zaïda appartiennent au peuple Wayuu, le plus présent sur le territoire, qui dispose d’une langue propre et de nombreuses traditions. Pour obtenir la main de sa belle, Rapayet doit fournir une dot bien au-dessus de ses moyens. C’est ainsi qu’avec l’aide de son ami Moises, il intègre le trafic florissant de la marijuana, très recherchée par les gringos, de riches touristes américains. Avec l’argent arrivent les ennuis, et Rapayet se retrouve au milieu d’un désastreux règlement de comptes, entraînant avec lui sa nouvelle belle famille.
Après le très remarqué L’Étreinte du serpent (2015) tourné en noir et blanc dans la dense forêt amazonienne, le cinéaste colombien Ciro Guerra, cette fois accompagné de son épouse et productrice Cristina Gallego, change radicalement de décor, en investissant l’aride désert de la Guajira pour un film très coloré, notamment grâce à l’ornement de l’artisanat Wayuu.
Ces traditions sont au cœur des Oiseaux de passage, l’histoire d’une lutte entre deux familles, mais aussi d’un mode de vie ancestral et traditionnel face au monde moderne qui ne jure que par l’argent et les armes. Rapayet en est une figure centrale, sans cesse tiraillé entre les valeurs Wayuu de sa puissante belle-mère Ursula, et la violence d’Anibal, le chef du cartel pour qui il travaille. Suite à une maladresse du jeune frère de Zaïda envers la fille d’Anibal, la guerre semble inévitable.
Divisé en cinq actes elliptiques, cinq “chants”, le film peut s’apparenter à de multiples genres : à une fresque historique sur la naissance des premiers cartels colombiens, à un pur film de gangsters façon Scarface version latino, à un documentaire ethnographique à la rencontre de la culture Wayuu, et enfin à la tragédie grecque, par le caractère inévitable du conflit, qui semble parfois être régi par des forces divines, si l’on s’attarde sur le mysticisme de certaines scènes.
Ces dernières occupent une place importante dans le film, les visions d’Ursula, les pas d’un héron dans la nuit, l’orage qui éclate sans préavis… Ces échappées oniriques et inattendues au milieu d’une vulgaire guerre de gangs contribuent à la beauté et l’originalité du film, faisant de Rapayet et de ses croyances un anti-Escobar, un personnage mythique au cœur du narcotrafic sud-américain désormais connu de tous mais inédit sous cet angle.
Ciro Guerra et Cristina Gallego, Les oiseaux de passage, Colombie, 2019, 125mn
Sortie : 10 avril 2019
Genre : drame
Classification : tous publics
Titre original : Pájaros de verano
Avec Carmiña Martínez, José Acosta, Jhon Narvaez, Natalia Reyes
Image : David Gallego
Musique : Leonardo Heiblum
Montage : Miguel Schverdfinger
Distribution : Diaphana Distribution
En savoir plus sur le film avec CCSF : Les oiseaux de passage
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