Les lanceurs d’alerte ont désormais leur place au ministère de la Culture !

Les lanceurs d’alerte ont désormais leur place au ministère de la Culture !
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Le ministère de la culture vient de prendre un arrêté sur les lanceurs d’alerte au sein même du ministère, c’est-à-dire exclusivement réservé aux salariés internes, dans le prolongement d’une directive européenne. Explications avec la sénatrice Marie Blandin.

Un arrêté, relatif à la procédure de recueil des signalements émis par les lanceurs d’alerte, vient d’être introduit au sein du ministère de la Culture, le 12 mars dernier. S’il est une conséquence de la loi Sapin, notamment la loi anti-corruption du 9 décembre 2016, sa spécificité est aussi de prendre en compte une loi européenne récente sur la protection des lanceurs d’alerte.

La sénatrice Marie Blandin nous explique ce que l’on peut attendre ou craindre de ce nouveau texte. La pertinence de son éclairage tient notamment au fait que la loi Sapin (2016) se soit inspirée de la sienne, relative à la protection des lanceurs d’alerte et à la déontologie en matière environnementale et de santé (2013).

Le ministère de la Culture n’est pas le premier à avoir rédigé cet arrêté, ceux des Armées, de l’Éducation nationale ou encore des Affaires étrangères s’en sont également emparés. Cependant, ni ceux de l’Agriculture, de la Santé et de l’Environnement n’ont encore rédigé de procédure propre au recueil des signalement d’alerte.

Celui-ci sera opérationnel dans « les services placés sous l’autorité du ministère de la Culture, ainsi que dans les établissements placés sous sa tutelle après délibération des organes compétents ». Il sera applicable « à l’ensemble des agents, quel que soit leur statut ».

Un arrêté sous la houlette de l’Europe

Marie Blandin souligne l’aspect particulièrement intéressant de l’arrêté dans sa définition du lanceur d’alerte, au regard de la mention à l’alignement aux lois internationales. En effet, l’arrêté précise que le lanceur d’alerte est « une personne physique qui révèle ou signale, de manière désintéressée et de bonne foi, un crime ou un délit, une violation grave et manifeste d’un engagement international régulièrement ratifié ou approuvé par la France ». Il va même plus loin en ajoutant que le délit peut-être à l’encontre « d’un acte unilatéral d’une organisation internationale pris sur le fondement d’un tel engagement, de la loi ou du règlement, ou une menace ou un préjudice graves pour l’intérêt générale, dont elle a eu personnellement connaissance ».

« Cela devient intéressant pour ce ministère puisqu’il est à l’origine de la signature de la convention sur les droits culturels notamment, qui est très loin d’être appliquée dans ses actions au quotidien, commente Marie Blandin. Puisqu’ils ont écrit cela, nous pouvons les interpeller sur leurs actions. »

Mais elle attire surtout l’attention sur un événement positif. « L’Union européenne a sorti cette année une directive qui consiste à ce que tous les pays d’Europe doivent protéger les lanceurs d’alerte. Pour les pays qui ne protègent pas les lanceurs d’alerte, cela va être une avancée. Pour des pays comme la France qui les protègent, il va juste falloir mettre en ordre les lois. Cela nécessitera de ne plus être obligé de passer par la voie hiérarchique, puisque l’Union européenne fait ce choix-là. »

Un fonctionnement interne à risque

Un premier aspect est sans doute à déplorer dans la rédaction de l’arrêté, quand il mentionne clairement la dépendance à la hiérarchie. L’article 2 stipule que « le signalement d’une alerte est porté à la connaissance soit du collège de déontologie du ministère de la culture (le référent alerte), soit du supérieur hiérarchique ». Ce dernier « transmet la saisine, sous réserve de l’accord de son auteur, au collège de déontologie qui devient alors le destinataire ». L’article 6 mentionne que « le destinataire du signalement procède à l’examen de sa recevabilité » et « qu’il a eu personnellement connaissance des faits ou actes en cause ». Ce signalement peut donc tout à fait être rejeté, ce qui renforce le danger d’un tel article. Car si un salarié veut alerter sur un patron qui détourne des fonds, et doit passer par lui, cela pose problème.

Le fait que cela ne concerne que les employés du ministère en est un autre. La sénatrice constate que « l’on retombe sur les torts de la loi Sapin qui oblige de passer par la voie hiérarchique et s’applique aux salariés internes ». Elle nous donne l’exemple d’un directeur de théâtre dont on entraverait la liberté de programmation. « Celui-ci peut porter plainte auprès de la justice, qui se réfèrera à loi liée à l’interdiction d’attenter à la liberté de programmation et ainsi gagner en justice. Cela ne sera donc pas par le processus de l’alerte, parce que le directeur de théâtre n’est pas salarié du ministère de la culture ». La procédure inventée par le ministère offre une autre voie que celle hiérarchique, le collège de déontologie, et garantit la confidentialité. Cependant, son devenir dépend de la composition de ce collège. D’autre part, « les adjectifs “grave” et “manifeste” sont sujets à interprétation », souligne Marie Blandin.

Et de nous appeler à ne pas nous faire d’illusion sur cet arrêté « qui ne s’inscrivait sans doute pas dans l’esprit de l’interprétation “intérêt public” que j’en fais, mais dans l’esprit de la loi Sapin, pour le signalement de détournements de fonds ». En revanche, poursuit-elle, « l’un des salariés du ministère à qui l’on demanderait d’organiser un événement excluant un public spécifique pourrait appeler au respect des droits culturels et effectuer une alerte interne ».

Conclusion

Le bénéfice d’un tel arrêté serait d’appeler les employés du ministère de la Culture à leur citoyenneté et à faire usage d’une certaine responsabilité éthique à travers ce nouvel outil démocratique. La sénatrice émet à cet effet le vœu pieux « que tous les employés soient informés de la publication de cet arrêté », car ils ne les lisent pas forcément. Ensuite, « qu’il y ait des militants motivés pour s’en emparer », d’autant plus que les lanceurs d’alerte peuvent être protégés des éventuelles sanctions qu’ils craindraient (licenciement, humiliation, etc.). La bonne application des lois pourrait ainsi retrouver un cercle vertueux et se mettre réellement au service de l’État et des citoyens qu’il représente.

Louise ALMÉRAS

 

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