Les femmes artistes moins financées, représentées et consacrées que les hommes
La parité affiche quelques progrès dans les secteurs de la culture et de la communication, mais ces évolutions semblent liées au bâton de la loi, selon un rapport émis par l’Observatoire de l’égalité entre femmes et hommes du ministère de la culture. En matière de production et de création, les femmes ont moins de moyens mis à leur disposition. Conséquence directe ou non, elles sont moins consacrées par la profession que leurs homologues masculins.
L’affaire Harvey Weinstein a jeté comme un pavé dans la marre du sexisme ordinaire du show-business. Mais, outre la question du strict harcèlement, se pose aussi celle de la reconnaissance et de l’égalité de traitement des femmes dans le monde de la culture et de la communication.
Un mauvais élève : le spectacle vivant
Le rapport que vient de publier le ministère de la culture à ce sujet souligne l’ampleur du chemin qu’il reste encore à parcourir en France, malgré un volontarisme affiché.
Certes, des progrès ont été réalisés dans les nominations au sein des administrations par exemple, mais ils sont souvent liés à la contrainte des lois sur l’égalité réelle entre hommes et femmes. La situation s’est par exemple améliorée dans les établissements publics. Alors que les femmes ne représentaient qu’un quart des dirigeants en 2014, elles sont désormais 35 %. Cette avancée concerne tous les domaines culturels excepté celui du spectacle vivant, où seul un poste de direction sur dix est occupé par une femme.
En revanche, les cent plus grandes entreprises culturelles privées de France, non contraintes par la loi, sont dirigées une fois sur dix par des hommes, un état de fait qui n’a presque pas évolué depuis 2014.
Moins de moyens alloués aux femmes
L’effet de la loi sur les établissements publics se fait aussi sentir dans les conseils d’administration. La part des femmes est passée de 38 % à 52 % en trois ans, grâce à la loi sur la parité. Même amélioration observée concernant la composition de leurs commissions d’attributions d’aide ou de subventions. Cette féminisation des postes de direction et de décisions est cruciale pour espérer un changement au niveau de la production et de la création ; elle peut avoir une incidence sur les opportunités laissées aux femmes. Sans financement et sans soutien, elles ont forcément moins de chance de réaliser leurs projets.
Or, le constat est clair : quel que soit le secteur et quelle que soit la structure, les femmes disposent de moins de moyens de production que les hommes. Les directrices sont souvent cantonnées aux structures à petit budget et les femmes en général sont encore largement minoritaires dans les montants d’aides accordés, qui sont par ailleurs de 16 % inférieurs à ceux obtenus par les hommes. Les femmes sont aussi moins nombreuses à obtenir de l’avance sur recettes de la part du Centre national du cinéma et de l’image animée (28 %, un chiffre quasi stable depuis 2008). Enfin, le devis moyen des films d’initiative française varie très fortement selon que le réalisateur est un homme ou une femme. En 2016, l’écart était de 60 %…
Les femmes moins consacrées que les hommes
Ce manque de moyens et de soutien représente-t-il un frein pour les femmes en matière de production artistique et de création de projet ? Le rapport souligne en tout cas une disparité à la faveur des hommes. Pour la saison 2017-2018, 34 % des spectacles de théâtre, de cirque et de danse programmés sont mis en scène par des femmes. À souligner toutefois que ce taux atteint la parité dans les centres de développement chorégraphiques. Les spectacles écrits par des femmes ne représentent en revanche que le quart des programmations. Le taux de femmes responsables de mise en scène tombe à 20 % pour les spectacles présentés dans les opéras et seul 3 % des chef-orchestres sont de sexe féminin. En revanche, elles sont plus présentes dans la production de spectacles musicaux pour le jeune public. Dans le domaine de arts plastiques, les œuvres des femmes sont très peu achetées par les fonds d’art contemporains, nationaux et régionaux. Leurs auteures sont, de ce fait, nettement moins exposées dans ces fonds et dans les centres d’art.
Moins présentes aux manettes de la production artistique, et moins exposées que les hommes, les femmes sont, fatalement, exclues de la consécration. Alors que 20 % des films sortis en salle chaque année sont réalisés par des femmes, aucune n’a reçu le César du meilleur film ou du meilleur réalisateur depuis 2010, cette année étant la référence de l’étude, et non la date de la dernière consécration d’une femme sur l’un de ces prix. Le constat est similaire pour la Palme d’or à Cannes mais aussi concernant les secteurs de la musique et du théâtre. Le livre est l’un des rares domaines où les femmes reçoivent des prix, et ce malgré des jurys majoritairement masculins.
Chloé GOUDENHOOFT
Lire aussi
- La féminisation de la culture reste lente, très lente…
-
En 10 ans, le nombre de films réalisés par des femmes a augmenté de 80 %
-
Étude – La place des femmes dans l’industrie cinématographique et audiovisuelle