Les Fauvettes : lieu symbolique pour cinéma d’exception (Paris)
Aujourd’hui, vendredi 6 novembre, s’ouvre le cinéma des Fauvettes, en lieu et place du multiplexe Gaumont Gobelins. Alors… quoi de neuf docteur ? Le lieu, à l’architecture étonnante avec son patio végétal accueillant un bar sous une belle verrière, est entièrement consacré à des films anciens restaurés, selon la nouvelle devise que le lieu s’est choisie : « Versions restaurées, émotions intactes. »
Ce nouveau lieu, consacré à l’histoire vivante du 7e art, est le fruit de la volonté tenace du patron de Pathé, l’homme d’affaires et producteur Jérôme Seydoux (grand-père de Léa, jeune actrice au talent indéniable, mais qui ne doit pas sa carrière au seul hasard).
Pourquoi choisir ce lieu entre tous ? Parce qu’il revêt une haute valeur symbolique : au début du XXe siècle, il y avait à cet emplacement une salle de bal, puis un café-concert dirigé par Ernest Pacra, dont le nom figure sur l’enseigne. Plusieurs projections de grands films eurent alors lieu, dont Ali Baba et les 40 voleurs ou encore Le voyage dans la lune de Méliès. La Fondation Jérôme Seydoux-Pathé a donc tout naturellement choisi d’inscrire son grand projet dans un lieu chargé d’une belle et longue histoire.
Une programmation séduisante
Les cinq salles du cinéma des Fauvettes affiche d’ores et déjà une programmation alléchante, avec cinq films du puissant réalisateur hongkongais Won Kar-Wai. Les Parisiens qui ne connaissent pas encore ce cinéaste, souvent boudé par les grands festivals, ont une belle chance de découvrir son œuvre expérimentale, poétique, à l’ivresse mélancolique. Si le très accessible In the Mood for Love l’a largement fait connaître au public français, la plupart de ses œuvres les plus originales restent encore inconnues du grand public : Chungking Express, Happy Together, Nos années sauvages, Les anges déchus et Les cendres du temps – Redux.
Au lendemain du 21 octobre 2015, il était presque inévitable que ce nouveau lieu du 7e art nous offre également à (re)voir l’incontournable trilogie de Retour vers le futur. Les Fauvettes annoncent par ailleurs une rétrospective Belmondo, avec dix films programmés, ainsi que la projection d’œuvres diverses telles que Casino, film de Martin Scorsese, récemment mis à l’honneur à Lyon, avec Robert De Niro et Sharon Stone, ou encore Le conformiste de Bernardo Bertolucci (1970) et Blade Runner de Ridley Scott (1982).
Des rencontres exceptionnelles
Les trois premières rencontres auront lieu dès la semaine prochaine.
- Mardi 10 novembre à 20h – Projection du Corniaud en présence de Danièle Thompson.
Si la fille et active collaboratrice de Gérard Oury n’a pas participé au scénario du Corniaud (1965), puisqu’elle n’a commencé à aider son père que l’année suivante, lors du tournage de La Grande Vadrouille, elle reste néanmoins un témoin privilégié de la conception de ce film.
- Mercredi 11 novembre à 16h – Rencontre avec Wim Wenders.
Palme d’or à Cannes pour Paris, Texas en 1984, honoré par un Ours d’honneur au dernier festival de Berlin, le réalisateur allemand présentera son film Jusqu’au bout du monde (1991), qu’il décrit ainsi : « Jusqu’au bout du monde est un film d’amour aventureux futuriste sous forme d’enquête sur les routes du monde, ou inversement. » La projection s’ensuivra évidemment.
- Jeudi 12 novembre à 20h – Rencontre avec l’Américain John Landis.
Le réalisateur de The Blues Brothers (1980) présentera son fameux film, avant sa projection.
Une nouveauté spectaculaire, à un bémol près
Ce que propose le cinéma des Fauvettes est une nouveauté spectaculaire, dans tous les sens du terme : la restauration demandée pour chaque film exige un travail minutieux de plusieurs mois. C’est tout un patrimoine qui est non seulement remis à l’honneur, mais proposé au public, comme le montre la vidéo pédagogique ci-dessus (on passera sur la voix off un peu niaise).
L’annonce est belle, le lieu attrayant, l’offre intéressante… reste le coût des places. Parce que le cinéma demeure un Gaumont Pathé, les places sont au même tarif que les autres salles de la chaîne. Dès lors qu’une personnalité n’est pas prévue au programme, les jeunes cinéphiles préfèreront probablement la cinémathèque. Il ne restera alors que les plus âgés qui, avec un peu de moyens, en profiteront allègrement.
Vanessa LUDIER