Les écoles de théâtre en Bourgogne-Franche-Comté : où et comment se former ?
La région Bourgogne-France-Comté dispose d’un important réseau labellisé, mais pas d’école nationale pour former les comédiens. Quels sont les dispositifs en place localement pour apprendre le métier ? Enquête.
Avec sept Scènes nationales, un Centre national des arts de la rue et de l’espace public à Chalon-sur-Saône (CNAREP) et deux Centres dramatiques nationaux, dont le CDN de Besançon et le théâtre Dijon Bourgogne (TDB), la région Bourgogne-Franche-Comté garantit un large accès au spectacle vivant. De cet important réseau labellisé n’a pourtant pas émergé une structure dédiée à l’enseignement théâtral comparable aux douze écoles supérieures de théâtre qui existent en France. Dans ce contexte culturel, quels sont les dispositifs mis en place localement pour se former à la pratique théâtrale et comment se prépare-t-on au métier de comédien ?
Un réseau de conservatoires accessible…
Comme l’explique Jean-Jacques Parquier, responsable du département théâtre au conservatoire du Grand Chalon, le réseau des conservatoires qui maille le territoire offre deux possibilités aux lycéens et étudiants : « Un cursus scolaire en trois cycles qui débute dès 15 ans, à partir duquel on peut ensuite intégrer une école supérieure de théâtre, et la possibilité d’intégrer une classe préparatoire d’orientation professionnelle appelée C.O.P, préparant aux concours d’entrée des écoles. »
Ce réseau se veut ouvert à la pluridisciplinarité et non élitiste. En effet Jean-Jacques Parquier précise que le conservatoire de Chalon-sur-Saône est le moins cher de France en termes de coût d’inscription.
… entre pratique amateur et pré-professionnalisation
Si les C.O.P furent créées il y a une quinzaine d’années dans d’autres régions, parallèlement à la mise en réseau des écoles supérieures de théâtre en 2008, la classe préparatoire d’orientation professionnelle mise en place communément par les conservatoires de Dijon et de Chalon ne fut créée que tardivement, en septembre 2017.
Ce cycle, qui se déroule sur deux ans, comprend seize heures de théâtre et deux heures de danse hebdomadaires. Les onze élèves de la première promotion ont eu l’opportunité de jouer dans Le Rêve de Lopakhine, une création mise en scène par Benoît Lambert, actuel directeur du théâtre Dijon Bourgogne.
« Benoît Lambert s’est dès le début fortement engagé pour créer des liens avec la C.O.P, une occasion formidable pour les élèves de rencontrer les artistes associés du TDB, remarque Alain Meneust, responsable du département théâtre du conservatoire de Dijon. Avec le cycle d’orientation professionnelle, nous nous trouvons à un point d’articulation entre la pratique amateur et la professionnalisation. »
Si cet homme de théâtre breton devenu enseignant rappelle, en se référant au Schéma d’orientation pédagogique de l’enseignement initial d’art dramatique, qu’il ne faut pas « préjuger du devenir des élèves », faire du théâtre au conservatoire permet toutefois d’acquérir les bases d’une pratique classique et contemporaine, offrant une ouverture aux élèves durant leur parcours éducatif.
Profiter du réseau labellisé et s’informer
Fabien Spillmann, actuel conseiller théâtre à la DRAC Bourgogne-Franche-Comté et anciennement responsable des études à l’école de la Comédie de Saint-Étienne, donne deux conseils aux potentiels futurs comédiens : fréquenter les théâtres du réseau labellisé pour connaître les tendances d’une part et se renseigner d’autre part auprès des écoles qui communiquent beaucoup via leurs sites internet, afin d’adapter leurs projets.
« Les écoles sont souvent dirigées par des artistes qui impriment une identité à leurs structures ; il faut le prendre en compte pour bien s’orienter, explique-t-il. Certaines écoles et centres dramatiques proposent par ailleurs des cycles préparatoires aux concours comme au CDN de Béthune par exemple. »
En mars dernier, le théâtre Dijon Bourgogne accueillait le premier tour des auditions du concours d’entrée à l’académie de l’Union de Limoges. Ces auditions décentralisées permettent de rencontrer plus facilement les candidats originaires d’autres régions.
Un dynamisme théâtral inégal
Pour Benoît Lambert, originaire de Mâcon et ancien élève de l’École normale supérieure en sociologie, Dijon connaissait il y a une trentaine d’années une activité théâtrale singulière et intense : « Dès mes débuts, la vie artistique dijonnaise m’a fasciné. J’ai constaté qu’il pouvait y avoir un foyer artistique hors de Paris et, si à l’époque on parlait de la scène rock nantaise, avec les débuts de Dominique A notamment, on pouvait presque en dire autant de la scène théâtrale à Dijon. »
Concernant la formation au métier de comédien, d’autre pôles semblent pourtant plus dynamiques, comme à Besançon où il existe un DEUST théâtre à l’université. Pour Thibault Pasquier, comédien, ancien élève de l’ERACM à Cannes et, avant cela encore, élève de Jean-Jacques Parquier au conservatoire du Grand Chalon, « c’est une honte que le DEUST Théâtre n’existe pas à Dijon ! Si tu es Dijonnais et que tu veux faire du théâtre, il y a les options des lycées Charles-de-Gaulle et Montchapet à Dijon, les ateliers du TDB ou encore du Collectif 7’ fondé par Elizabeth Barbazin pour mettre un premier pied à l’étrier, mais pour aller plus loin, mieux vaut intégrer les conservatoires de Paris ou encore d’Avignon qui sont comparables aux Écoles supérieures. »
Des parcours atypiques
Saluant la qualité de l’enseignement qu’il a reçu de Jean-Jacques Parquier au conservatoire de Chalon-sur-Saône, lequel l’avait à l’époque pris dans sa compagnie Théâtre à Cran, Thibault Pasquier explique que tout peut aller très vite.
« Au départ, j’étais venu à Chalon pour faire un DUT de logistique, se souvient-il. Un soir de grand ennui, j’ai frappé à la porte du théâtre du Grain de Sel où Jean-Jacques faisait passer des auditions. J’ai ensuite intégré les premier et deuxième cycles du conservatoire, et c’est en voyant les autres préparer les concours que j’ai décidé de les tenter aussi. C’était l’enfer à préparer car, chaque année, il y a des rumeurs sur les écoles qui ont le vent en poupe ou non. C’est très difficile de trouver celle qui nous correspond vraiment. »
Il est donc nécessaire d’aller à la rencontre des comédiens et des enseignants afin de bien s’orienter. Des lieux comme la Maison Jacques-Copeau à Pernand-Vergelesses facilitent ces échanges. En effet, l’association labellisée “Maison des Illustres” en 2014 par le ministère de la Culture travaille en liaison avec les conservatoires de différentes régions et certaines écoles supérieures de théâtre.
Si la région Bourgogne-Franche-Comté ne bénéficie donc pas d’une école supérieure de théâtre, le tissu associatif, le réseau des conservatoires, ainsi que l’ensemble des structures labellisées qui sont présentes sur le territoire rendent néanmoins accessible la pratique de l’art dramatique, permettant aux comédiens en devenir d’élargir leur culture théâtrale.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
Photographie de Une – Conservatoire Dijon (crédits : Morgane Macé / Profession Spectacle)