Les droits culturels, ritournelle banale ou cadre juridique pour une humanité en péril ?
Dans un article qui semble tout droit inspiré des forces politiques les plus réactionnaires, Libération qualifie les droits culturels de « ritournelle », sans voir qu’ils sont un cadre précieux pour la démocratie de demain, pour une humanité toujours au bord du péril.
Notre chroniqueur Jean-Michel Lucas s’insurge et renvoie à sa récente intervention donnée sur l’île de La Réunion, à l’invitation du Conseil de la Culture, de l’Éducation et de l’Environnement.
.
.
Si j’en crois Libération du 18 octobre 2022, les droits culturels seraient surtout « une ritournelle », une sorte de chanson banale qu’on oublierait dès que l’on est sorti de sa salle de bain.
Je croyais que Libération était un journal sérieux qui vérifiait ses sources auprès des meilleurs connaisseurs, mais non ! Libé s’est laissé aller à porter sur les droits culturels un jugement étrange, empreint d’une telle méchanceté qu’il en est suspect.
Car, ne l’oublions pas, cette « ritournelle » a force de loi ! Les droits culturels sont ancrés dans quatre lois républicaines qui exigent, en matière culturelle, le respect des valeurs de la Déclaration universelle des droits de l’Homme de 1948. Qui peut s’en moquer, sinon des forces politiques réactionnaires ?
J’ai traité de ces jugements étranges sur les droits culturels dans une conférence que j’ai faite à La Réunion, à l’invitation du Conseil de la Culture, de l’Éducation et de l’Environnement. J’y détaille cette étrangeté pour montrer la faiblesse des arguments des opposants aux droits culturels.
Vous trouverez cette critique des critiques ici, en téléchargement !
J’ai profité de ces rencontres passionnantes dans l’île de La Réunion pour expliciter les points d’appui d’une politique effective de droits culturels, à partir des premiers travaux du Laboratoire de transition vers les droits culturels à Bordeaux.
On y trouve la nécessité de financer les temps précieux de mise en relation entre les « cultures » des personnes qui ne rencontreraient pas sans des efforts publics spécifiques. On y trouve aussi la priorité à accorder aux relations de progrès qui permettent le développement de libertés émancipatrices, notamment (mais pas uniquement), dans les relations aux artistes.
J’ai aussi insisté sur l’absence actuelle des temps des palabres pour concilier les inconciliables et faire culture ensemble, lorsque les intérêts objectifs autant que les imaginaires des personnes s’affrontent. D’ailleurs, pour être très pragmatique, j’ai clos mon intervention en donnant l’exemple de la conciliation entre quatre droits humains fondamentaux pourtant rivaux qui a conduit à la création du GIP « cafés-cultures » !
Finalement, ce que le président du Syndeac présente comme un « fourre-tout » est d’abord un cadre de travail pour notre démocratie de liberté et de dignité, qui sait que l’humanité à venir est toujours au bord du péril, tant vis à vis d’elle même que des autres vivants comme des morts.
J’ai proposé à Libération et au Syndeac de discuter posément du regard des droits culturels sur le « monde vécu » des arts. Sans retour ! Mais, j’ai encore la naïveté de croire que la réponse sera positive et de bonne foi.
.