Les DJ enfin reconnus comme des acteurs du spectacle vivant
L’Assemblée nationale a annoncé, le vendredi 4 décembre dernier, un amendement donnant aux clubs le statut de lieux de spectacles vivants. Deux conséquences majeures découlent de cet amendement : d’une part, les DJ sont reconnus comme pourvoyeurs de spectacles vivants, pouvant prétendre au régime d’intermittence, à condition que les organisateurs cotisent au CNV ; d’autre part, les clubs voient leur TVA réduite de 20% à 5,5%. Explications.
Jusqu’à présent, il y avait quatre taux de TVA différents applicables à la billetterie de spectacle en France. Au début des années 1980, lorsque la majorité de l’époque décida d’aider le spectacle vivant en lui appliquant une TVA à taux réduit de 5,5 %, elle laissa de côté les établissements de nuit, considérés comme de simples diffuseurs de musique.
Une reconnaissance artistique
35 ans plus tard, la réalité est tout autre, ainsi que l’explique le député socialiste Razzy Hammadi, fervent soutien de l’amendement en faveur des clubs : « La France, Paris et nos grandes villes sont devenues des références, notamment dans le domaine de la musique électronique et de la représentation scénique de ces nouveaux acteurs au statut particulier. On se retrouve dans une situation où nos DJ – disc jockeys –, reconnus mondialement, sont considérés comme des artistes lorsqu’ils jouent dans les capitales européennes mais comme des prestataires de services lorsqu’ils jouent en France. En effet, la billetterie qui leur est appliquée n’est pas une billetterie de spectacle mais une billetterie d’entrée dans un établissement. »
Si Razzy Hammadi est le politicien qui a permis à l’amendement n°158 d’être adopté, il n’est pas le seul à avoir œuvré pour cette avancée. Il fut lui-même conseillé par deux autres acteurs majeurs de la scène électro, Aurélien Dubois, patron de l’agence Surpr!ze (Weather, Concrete), également « porte-parole en charge des grands événements » auprès de l’Assemblée nationale, et Tommy Vaudecrane, président de Technopol.
La situation était jusqu’alors délicate pour les DJ, souvent contraints de passer par un employeur associatif pour bénéficier de contrats en France et à l’étranger. Il était dès lors absurde d’ignorer la croissance de l’électro en France et le statut instable des artistes du milieu de la nuit.
Le débat autour de l’amendement
L’amendement a aussitôt été accueilli favorablement par la commission des finances, en la personne de Valérie Rabault, moyennant une précision : elle a naturellement exigé que cette réduction de la TVA ne soit accordée qu’aux établissements affiliés au Centre national de la chanson, des variétés et du jazz (CNV), afin d’éviter les abus. Cela signifie qu’une discothèque n’est pas éligible si elle ne fait pas de programmation scénique ou de production musicale ou artistique. Ce sont près de 1 800 établissements (tout de même) qui sont donc concernés.
Seul le gouvernement, représenté par son secrétaire d’État Christian Eckert, oppose un refus de principe à cet amendement, au motif que cette mesure ouvrira à des contentieux innombrables, d’autant plus inutiles qu’un crédit d’impôt pour le spectacle vivant vient juste d’être développé. L’argument ne tient pas, selon Razzy Hammadi : « L’objectif, ici, est bien moins de changer le taux de TVA que d’intégrer un nouveau format correspondant à l’évolution de la production scénographique depuis vingt ans et de le rendre éligible aux dispositions relatives au spectacle vivant, alors qu’il n’est pas considéré comme tel aujourd’hui. »
Une victoire pour la musique électro
L’amendement a finalement été adopté et sera prochainement soumis au vote de l’Assemblée. Ce n’est pas tant l’avancée financière que la satisfaction d’être enfin reconnu qui réjouit le monde électro. “Avant, la TVA était de 20 %. Là, elle passe à 5,5 %. Ça ne veut pas dire que les orgas vont s’en mettre plein les poches, bien au contraire, s’exclame le patron de Surpr!ze. Cet amendement n’a pas grand intérêt financier pour nous. C’est une victoire des artistes et des musiques ! »
Cette bataille de plusieurs années a enfin un horizon juridique. Comme le résume lui-même Razzy Hammadi : « C’est une mesure de simplification, une mesure de justice sociale et un signal fort du Parlement dans la période difficile que traversent ces établissements ; bref, une mesure saine, juste et efficace dont nous avons besoin. […] Le vote de cet amendement serait un signal envoyé par le Parlement au monde de la culture, un monde qui ne demande qu’à vivre et qui traverse de grandes difficultés. »
Reste désormais au Parlement de transformer l’essai et de soutenir concrètement un secteur artistique injustement dénigré.
Michel LE GRETHANC