L’entraide dans la culture : la nécessité d’une logique éco-responsable (2/2)

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La transition écologique impose de « changer de voie », selon Edgar Morin. Pour le secteur culturel, cela revient à plus de solidarités, à une dynamique collective et un changement de modèle qui concerne aussi bien les financements que la forme du travail. Exemple avec la jeune association ikigai prod.

Seconde partie d’une étude menée par Laura-Lou Rey, de l’éveilleur SCOP, jeune société coopérative implantée à Avignon, qui souhaite faciliter la prise de conscience des enjeux sociétaux et écologiques de façon transversale, par et pour les arts, et à destination de tous les publics.

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Lire la première partie :
L’entraide dans la culture : une urgence d’agir pour le collectif (1/2)
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Un peu, beaucoup, passionnément… de solidarité dans le monde culturel

« L’impulsion réciprocitaire » et « l’agir démocratique » correspondent aux deux principes normatifs véritablement fondateurs et singuliers du projet des partisans de l’économie sociale et solidaire – ce que résume d’ailleurs assez justement Jean-Michel Servet : « L’économie solidaire doit être politiquement construite en associant réciprocité et démocratie. »

Nous sortons d’une période de confinement qui a prouvé, une nouvelle fois, la présence d’une grande solidarité, notamment au sein de ce secteur :
– lutter contre les inégalités sociales, générationnelles et territoriales ;
– favoriser la diversité, la créativité et l’émergence de la jeunesse ;
– agir face à l’urgence écologique ;
– développer des outils pour la transmission, l’éducation et des offres accessibles et plurielles.

Malgré tout, sur la question de la transition écologique et sociale, nous ne sommes qu’au début du chemin. Le travail de production et de diffusion est rythmé par des anciens fonctionnements. Par exemple, en matière de diffusion, la programmation se fait sur une année, ce qui encourage la production annuelle d’œuvres. Le spectacle vivant est aujourd’hui confronté à une obsolescence programmée : les créations doivent se renouveler toujours plus vite, les salles doivent afficher toujours plus de spectacles ; à cela s’ajoute d’autres anciens modèles : les tournées aux quatre coins de France (ou du monde !), les créations ‘‘one shot’’ et/ou trop énergivores, etc.

Nous connaissons tous le fameux proverbe africain : « Seul on va plus vite, ensemble on va plus loin. » Face à l’urgence écologique et sociale, il est nécessaire d’engager ensemble et rapidement une transformation globale du secteur culturel. C’est d’ailleurs le principe de l’intelligence collective qui désigne la capacité d’une communauté à faire converger intelligence et connaissances pour avancer vers un but commun. Faire le choix d’adopter un esprit collaboratif permettra une mise en route efficace et rapide des différents acteurs sur le chemin de la transition écologique.

Pour amorcer cela, il est primordial que chacun prenne conscience des responsabilités sociales et territoriales d’un secteur qui se doit de réfléchir à des solutions, notamment pour considérer un modèle autre que lucratif.

L’enjeu des financements publics et privés

Dans le secteur culturel professionnel, les artistes recherchent, dans un nombre conséquent de cas, des financements pour leurs projets artistiques, les retombées économiques étant en revanche aléatoires. Ils peuvent se tourner vers des financements publics, qui interviennent le plus souvent en amont du travail de l’artiste pendant la phase de création, et des fonds privés. Ces aides ne sont pas assurées ; elles varient selon l’intérêt et la volonté des partenaires publics et privés d’investir dans tel ou tel projet.

En parallèle, afin de sensibiliser les acteurs aux enjeux environnementaux, nous constatons que les partenaires publics et privés ont intégré, depuis un certain temps, des critères d’éco-responsabilité dans leurs appels à projet. Cette éco-conditionnalité des aides est le fruit des nouvelles politiques publiques en faveur de la transition écologique, portées par ministère de la Transition écologique ou par les collectivités territoriales.

Pour assurer la durabilité des activités culturelles, tout en gardant la main sur l’orientation des projets artistiques que nous souhaitons voir naître, il semble alors essentiel d’éviter à tout prix l’interdépendance aux partenaires publics et privés, et il nous faut savoir comment ! Faire ensemble, faire avec et faire corps ; cela ne pourrait pas être une alternative ?

Changer de voie : la transition écologique

En travaillant sur des propositions multisectorielles, nous pourrions trouver des réponses solides pour tenter de diffuser la dynamique du changement, et il serait bon de s’y mettre dès aujourd’hui ! Il s’agit, comme le dit Edgar Morin, de « changer de voie», de sortir des concepts, expérimenter et se lancer concrètement dans la transition écologique, avec courage et responsabilité.

Par exemple, pourquoi ne pas impliquer les artistes dans certains travaux scientifiques produits sur des thématiques environnementales ? Des initiatives de travail partagé entre scientifiques et artistes pourraient permettre la création d’œuvres utiles à la cause. L’information scientifique devrait circuler davantage, tout comme les nouvelles pratiques, afin qu’elles soient connues par un grand nombre d’acteurs. Pour cela, nous devrions encourager les échanges, les conférences pour renforcer les réseaux entre scientifiques, artistes, ingénieurs, politiques et communautés, via l’organisation de rencontres, colloques, séminaires et groupes de travail réguliers.

La mise en commun d’expériences, dans une logique de mutualisation et de coopération, a déjà permis la création d’outils collectifs, pour motiver les actions des acteurs du spectacle vivant et ainsi faire entrer la logique éco-responsable dans les mœurs. Ce fonctionnement a démontré la possibilité de faire des économies non négligeables, notamment en basculant dans une logique d’investissement. Certains coûts sont diminués grâce à la gestion des ressources utilisées. Une véritable révolution de nos modes de pensées, de travail et de consommation est en cours.

Mais face à l’urgence environnementale, une peur persiste : que le monde culturel se réveille trop tard ! Combien de temps nous faudra-t-il pour faire évoluer les modes de production et de diffusion ?

Une dynamique collective

Dans un premier temps, une approche à l’échelle de la structure est nécessaire afin de réaliser un diagnostic de ses impacts et mettre en place des actions correctives.

À terme, il faudrait encourager une approche collective et sectorielle pour discuter de ces enjeux et faire évoluer les pratiques de toutes les parties prenantes : pouvoirs publics, lieux de diffusion, producteurs, compagnies, prestataires, partenaires, sans oublier les publics.

Il est temps que nous lancions une dynamique collective en faveur de l’écologie et du social au travers des arts de la scène. Nous sommes tous, être vivants, interconnectés ; nous devons nous entraider pour assurer le bon fonctionnement de notre écosystème et permettre à ce secteur de réduire son impact environnemental, de le rendre durable et accessible à toutes et tous. Contribuons à la transmission et à l’acculturation de ces valeurs et aux partages de bonnes pratiques !

Un exemple récent : ikigai prod

La toute jeune association avignonnaise ikigai prod a pour objectif de participer à la transition écologique et sociale par ou pour les arts en constituant un réseau professionnel. Ce réseau veut réfléchir en groupes de travail sur différentes thématiques, partager, expérimenter et faire des retours qualitatifs afin d’identifier les pratiques les plus efficientes et mettre en exergue les « fausses bonnes idées ».

ikigai prod s’adresse aussi aux structures et individus moins convaincus, celles et ceux pour qui la voie de la transition semble trop difficile, trop fastidieuse et/ou trop coûteuse.

Bien évidemment, ce réseau est ouvert à tous ceux et celles qui souhaitent agir en faveur de la transition écologique ; tous les acteurs des industries culturelles et créatives sont les bienvenus, ainsi que d’autres secteurs techniques ou scientifiques qui peuvent apporter leurs connaissances et échanger leurs pratiques. Il est possible d’adhérer à l’association en tant que personne morale ou personne physique, ou encore de devenir mécène.

La transdisciplinarité est un avantage pour l’expérimentation et le partage en vue de créations écoresponsables (exemple : la découverte d’un procédé écoresponsable peut intéresser un artiste plasticien comme un scénographe).

Une plate-forme dédiée aux adhérents est en cours de création afin de disposer d’un premier outil efficace pour évoluer dans des groupes de travail, partager, expérimenter et faire des retours sur les différentes pratiques.

Laura-Lou REY

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En savoir plus ikigai prod : site internet / Facebook / LinkedIn / helloasso

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Porteuse d’un projet intermédiaire, la coopérative avignonnaise l’éveilleur se définit comme un trait d’union entre les arts, l’écologie et le numérique. À la recherche d’un équilibre du vivant, les membres de la SCOP s’inscrivent dans une dynamique de changement écologique et social au cœur d’un écosystème créatif par l’expérimentation et l’innovation. L’éveilleur souhaite faire rayonner la participation citoyenne sur son territoire pour favoriser l’expression de chaque singularité et l’émancipation individuelle et collective.


 

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