“L’enjeu est maintenant d’inventer de nouvelles solidarités entre artistes, opérateurs et collectivités”

“L’enjeu est maintenant d’inventer de nouvelles solidarités entre artistes, opérateurs et collectivités”
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Dix-huit personnalités du monde des arts en Loire-Atlantique signent une tribune faisant le bilan des dernières semaines et appelant à « transformer la crise en une opportunité », dans un esprit de solidarité, afin de « ne pas avoir vécu cette immobilité pour rien ».

Profession Spectacle reproduit leur lettre ci-dessous dans son intégralité.

Communiqué

Nous, directrices et directeurs de salles de spectacle, festivals et agences culturelles de la métropole nantaise et nos salariés, sommes restés en contact depuis le début de la crise sanitaire, partageant nos inquiétudes, nos interrogations, nos propositions et nos décisions. Aujourd’hui, nous réfléchissons ensemble à la meilleure manière de procéder par étapes au déconfinement. Mise en place des mesures sanitaires, retour progressif des équipes permanentes dans les locaux, réouverture des ateliers de fabrication de décor et accueil au plateau d’équipes artistiques en création, solidarité avec les artistes et techniciens intermittents du territoire, relation avec le public : sur tous ces sujets, des réflexions se mènent et des décisions se prennent, en concertation.

Une crise grave

La crise sanitaire mondiale que nous traversons et le confinement décrété pour y faire face ont plongé la filière du spectacle vivant, comme la plupart des autres activités du pays, dans une situation grave et inédite. La fermeture des théâtres et l’annulation des festivals ont mis à l’arrêt non seulement les artistes et les techniciens qui font le cœur vivant de notre activité, mais aussi tout un écosystème d’auto-entrepreneurs, de petites et moyennes entreprises qui gravitent autour de nous (agents et producteurs, communication, presse, prestation technique, location de matériel, nettoyage, restauration, etc.). Ces deux mois d’arrêt et leur cortège d’annulations et reports pourraient entraîner en cascade un fort ralentissement de l’activité sur les deux saisons à venir, voire la disparition de compétences nécessaires à la bonne santé de notre filière, si nous ne prenons pas soin de ceux qui en sont dépositaires. Le confinement a aussi privé le public de puissants moments de partage du sensible – moments dont l’intensité en présence offerte par le vivant du spectacle ne saurait trouver d’équivalent dans un succédané numérique. Il a privé des milliers d’élèves de la rencontre avec des œuvres et des artistes. Aux quatre coins du territoire, il a empêché des centaines d’ateliers animés par des artistes qui défendent avec nous une vision citoyenne de l’art.

Confinement, déconfinement et solidarité

Chaque fois que c’était possible, nous avons reporté les spectacles qui n’avaient pas pu avoir lieu, indemnisé les artistes et les techniciens quand l’annulation s’est avérée la seule solution, et honoré, autant que faire se pouvait, nos engagements en direction des producteurs, attachés de presse, et agences de communication, mettant en œuvre une solidarité de filière.

Nous avons également, pour certains d’entre nous, proposé des contenus en ligne pour maintenir le lien entre les artistes et le public pendant le confinement. De son côté, le public a fait preuve de solidarité en renonçant souvent à se faire rembourser les billets déjà achetés pour les spectacles annulés. Les villes de Nantes, Rezé, Saint-Herblain et Carquefou, le département de Loire-Atlantique, la région des Pays de la Loire et l’État ont annoncé des mesures exceptionnelles d’accompagnement social et financier qui permettront de soutenir les acteurs les plus fragiles de notre filière. Le Pôle régional de coopération pour les musiques actuelles étudie les effets de la crise sur l’écosystème musical (salles, festivals, cafés-concerts, écoles de musique, commerces, développeurs d’artistes et prestataires) pour définir des leviers de relance d’activité. Il mobilise également le fonds de dotation « Mécènes pour la musique » pour contribuer à soutenir différentes structures.

À l’heure du déconfinement, nous travaillons maintenant, avec les représentants du personnel et la médecine du travail, à la mise en place des conditions sanitaires nécessaires à la réouverture de nos locaux. Sur ce sujet, la coopération et l’échange de bonnes pratiques sont de mise.

Musique et Danse en Loire-Atlantique et la ville de Nantes préparent ensemble une plateforme qui rassemble toutes les ressources nécessaires aux acteurs du spectacle vivant en période de déconfinement.

L’enjeu est maintenant d’inventer de nouvelles solidarités entre artistes, opérateurs et collectivités, afin que les équipements et les compétences soient mis au service de ceux qui en ont le plus besoin, le plus rapidement et le plus efficacement possible.

Artistes en résidence

À partir du 11 mai, les plateaux pourront à nouveau accueillir des équipes artistiques en résidence, sous couvert du respect des gestes barrières. Un recensement des plateaux disponibles est en cours à l’échelle métropolitaine, afin de pouvoir proposer des temps de travail en priorité aux artistes dont les périodes de répétition ont dû être annulées pendant le confinement. Ils seront accueillis sur les plateaux les mieux adaptés à leurs projets, et encadrés par les techniciens volontaires des équipes permanentes des théâtres ou par des techniciens intermittents.

Solidarité envers les techniciens

Le plus possible d’activités susceptibles de fournir du travail aux techniciens intermittents seront mises en place : accueil d’artistes en résidence, maintenance du matériel de plateau, etc. En effet, si l’année blanche annoncée par l’État pour le décompte des droits des intermittents est une bonne nouvelle, elle nécessite que les intermittents puissent faire état d’heures travaillées pour maintenir un niveau acceptable de leur indemnité journalière. De même nous espérons rouvrir les théâtres au public dès que possible pour permettre aux salariés ne relevant pas des annexes 8 et 10 de pouvoir retravailler à nos côtés.

S’adapter aux incertitudes sur les conditions de réouverture au public

À ce jour, nous ne savons pas quand et à quelles conditions nous pourrons à nouveau accueillir du public dans les salles ou les festivals. Nous ne pouvons savoir si le public, privé de spectacle pendant longtemps, se précipitera dans les salles quand elles rouvriront ou si au contraire il sera réticent à venir s’y enfermer. Face à toutes ces incertitudes, la plupart d’entre nous avons décidé d’attendre avant d’imprimer nos brochures de saison, de retarder nos lancements de saison, voire de modifier complètement nos activités de rentrée, en dialogue avec les artistes initialement programmés. Nous nous préparons aussi à adapter nos manières d’accueillir le public et à réduire la jauge des salles, s’il le faut, pour garantir aux spectateurs que les règles de distanciation sociale seront respectées.

Les circonstances exceptionnelles que nous traversons nous conduisent à nous poser des questions sur nos façons de faire hyper-planifiées : et si nous laissions plus de place à l’imprévu ?

Nous apprenons l’agilité.

Inventer demain

Nous ne voulons pas rester inactifs ou attentistes. Il nous appartient de nous emparer des contraintes qui s’imposent à nous pour inventer de nouvelles situations de spectacle – aussi bien pour les artistes que pour le public. Nous n’y parviendrons qu’en dialoguant avec les artistes. Le CCNN a lancé une consultation des danseurs et chorégraphes pour un état des lieux – elle se poursuivra en concertation avec Musique et Danse en Loire-Atlantique, le théâtre Francine Vasse et le TU-Nantes. Plusieurs autres salles de spectacles, autour du Grand T, d’Onyx, du lieu unique, du TU-Nantes, vont faire de même en direction des artistes de théâtre et de cirque et ceux qui les produisent. La filière musiques actuelles s’organise autour du Pôle régional. Provoquer des temps de travail entre artistes et opérateurs permettra d’imaginer des formes spectaculaires compatibles avec les gestes barrières et les petites jauges qui pourraient être proposées durant l’été ici ou là sur le territoire, pour renouer progressivement la relation avec le public. Ces rencontres ont aussi pour but d’identifier les dysfonctionnements de notre filière mis au jour par la crise, de nous interroger ensemble, comme le préconise le philosophe Bruno Latour, sur ce que nous voulons garder et ce que nous voulons changer, et de chercher ensemble des solutions pour inventer un futur plus équitable. Transformer la crise en une opportunité.

Ne pas avoir vécu cette immobilité pour rien.

À chaque étape du déconfinement, et notamment quand viendra le moment de la réouverture des théâtres, nous continuerons de nous concerter. Celles et ceux qui ont la responsabilité de salles ou d’événements culturels à l’échelle de l’agglomération, de la Loire-Atlantique ou des Pays-de-la-Loire, et qui voudraient rejoindre notre groupe de réflexion sont les bienvenus. Coopération plutôt que chacun pour soi, complémentarité plutôt que compétition, attention plutôt que précipitation. Ces valeurs, partagées par tous sur ce territoire, sont le socle qui nous permettra de prendre les décisions les plus justes au fur et à mesure de l’évolution de la situation.

SIGNATAIRES
Alain Surrans, Angers Nantes Opéra
Ambra Senatore et Erika Hess, Centre Chorégraphique National de Nantes
André Hisse, La Bouche d’Air, scène et musiques actuelles
Caroline Thibault-Druelle, Musique et Danse en Loire-Atlantique
Catherine Blondeau, Le Grand T, théâtre de Loire-Atlantique
Cyril Jollard, La Soufflerie, Scène conventionnée de Rezé
Denis Caille et Marie Masson, La Cité des Congrès de Nantes
Eric Boistard, Stereolux, Musiques actuelles et arts numériques
Gaëlle Lecareux, Théâtre ONYX, Scène conventionnée de Saint-Herblain
Jérôme Ménard et Michel Nadal, Le Théâtre de La Fleuriaye Carquefou
Joëlle Kerivin, La Folle Journée de Nantes
Maël Hougron, Le Nouveau Pavillon
Nolwenn Bihan, TU-Nantes, Scène jeune création et émergence
Patrick Gyger, le lieu unique, Centre de culture contemporaine
Yvann Alexandre, Théâtre Francine Vasse Nantes, Les Laboratoires Vivants

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1 commentaire

  1. Le collectif a raison d’évoquer les valeurs à prendre en compte pour sortir le moins mal possible de cette crise, mais je n’ai pas bien compris quelles valeurs il s’agissait de respecter. Si c’est la « coopération » et « l’attention », ce sont des valeurs particulières incluses dans les valeurs publiques universelles qui sont consignées dans les lois relatives à la diversité culturelle. Pourquoi ne pas s’y référer pour faire humanité ensemble ? La crise impose plus que de réorganiser un ensemble d’activités artistiques, me semble-t-il.
    Voir : Covid-19 une leçon d’humanité dans un monde meurtri.
    Merci de votre attention
    Jean-Michel Lucas

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