Le Regard du Cygne : festival au cabinet des curiosités
Blotti au fond de l’une de ces jolies cours fleuries propres au XXe arrondissement parisien, le studio Le Regard du Cygne est probablement l’un des plus créatifs centres de danse de la scène française. Depuis plus de trente ans, ce lieu emblématique régale un public fidèle, avec des spectacles d’une belle et rare diversité : le festival « Signes d’automne », qui commence demain, en est un nouveau témoignage.
Au début des années 1980, les salles de danse étaient rares dans la capitale : le CND, Micadanses et tant d’autres lieux aujourd’hui incontournables n’existaient pas. Deux couples font alors le pari d’investir un ancien relais de poste de la fin du XVIIe siècle : « C’était tellement une ruine que je pensais qu’ils n’y parviendraient pas, se souvient Fabrice Dugied avec amusement. J’habitais New York quand ils ont ouvert le lieu, en 1983… Deux ans plus tard, à 22 ans, je suis devenu programmateur du lieu, jusqu’à aujourd’hui. » Les murs et les poutres d’époque sont préservés, de telle sorte que la salle devient un magnifique écrin pour accueillir les danseurs.
Un pont entre créativité passée et création moderne
Le désir de créer, d’avoir un lieu pour la création, est comblé : Le Regard du Cygne accueille largement des artistes de tous horizons, sans couleur artistique spécifique, avec un souci particulier d’un enracinement dans l’histoire. Amy Swanson, actuelle directrice du studio, reconnaît sa filiation artistique avec Isadora Duncan ; Fabrice Dugied est par ailleurs le fils (biologique) de la critique Lise Brunel. Il ne saurait dès lors y avoir table rase du passé : « Nous sommes attentifs à ne pas perdre nos racines, poursuit le programmateur, attablé au comptoir du petit bar qui accueille les visiteurs. Notre vision intègre l’histoire, afin de tisser un fil artistique entre hier et demain, entre la créativité passée et la création moderne. » Ce qui anime ses choix lors des festivals organisés deux fois par an.
Le festival « Signes d’automne », qui a lieu depuis trois ans durant le mois de novembre, porte la marque de cette tradition constamment actualisée : la compagnie Free Dance Song, fondée par Christiane de Rougemont, dansera dans les pas de la célèbre danseuse afro-américaine Katherine Dunham, morte il y a près de dix ans. Ce spectacle côtoie l’atmosphère berlinoise des Numéros macabres d’Aurélien Richard, tandis qu’Ashley Chen se voit confier une carte blanche.
Les choix de Fabrice Dugied sont motivés par l’envie de découvrir et de fidéliser, par une soif d’enracinement et de renouvellement : « La curiosité est mon principal moteur. Je suis un curieux insatiable : curieux de nouvelles formes, curieux de spectacles que je ne comprends pas toujours, curieux jusqu’à apprécier d’être déplacé. Dès lors qu’il y a une prise de position, de risque, voire une fragilité, je suis intéressé, quel que soit le type de danse, qui que soit le danseur. » C’est pourquoi le studio a mis en place des « répétitions publiques », performances qui trouvent leur achèvement devant le public, avec le public, qui accède ainsi à une construction qui lui reste souvent étrangère : la fabrique de la danse. Les compagnies Dernier Soupir, dirigée par la Normande Sophie Quénon, et Le principe d’incertitude, emmenée par Liz Santoro et Pierre Godard, proposeront ainsi aux spectateurs devenus complices de participer à leur recherche créative durant le festival.
Dialogue artistique et programmation de qualité
Subventionné par la DRAC, la ville de Paris et la région, Le Regard du Cygne complète son budget par la location de sa salle pour des cours, des stages et des répétitions. C’est ainsi qu’il peut payer une équipe et s’offrir une programmation de qualité, en lien avec le Paris Réseau Danse, créé en janvier 2015, qui réunit, outre le studio, le CDC Atelier de Paris-Carolyn Carlson, L’étoile du nord et micadanses. Ces quatre lieux proposent ainsi une succession de festivals qui couvrent, de septembre à juin, la saison complète.
La force du Regard du Cygne tient à sa dimension conviviale, à sa capacité de tisser des relations dans l’histoire, dans le présent, en respectant la diversité des danses et le caractère propre à chaque artiste, comme les pièces d’une seule et même maison : « Nous mangeons souvent ensemble, avec les artistes. Plus encore, l’une des grandes particularités du studio est l’accueil très large fait aux artistes : Le Regard du Cygne est une maison gérée par des artistes, pour les artistes, conclut Fabrice Dugied. Amy Swanson et moi ne sommes pas d’abord directrice et programmateur, mais danseurs et chorégraphes. C’est pourquoi il y a un véritable et incessant dialogue entre les artistes et nous. » Dialogue qui sera de nouveau mis à l’honneur pendant la quinzaine de jours que durera le festival.
Tradition avec Katherine Dunham…
… et actualisation avec la Cie Free Dance Song
Fabulous! Thank you so very much ! Quel regard pertinent & juste ! quel écoute fine. Merci beaucoup de faire l’appel.