« Le Grand jeu » d’Aaron Sorkin : un film froid, cérébral, intelligent
Molly Bloom (Jessica Chastain) est une fille du Colorado élevée par un père tyrannique (Kevin Costner) qui rêve d’en faire une championne olympique de ski. Ses rêves de médaille évaporés suite à une mauvaise chute, elle débarque à Los Angeles et devient l’assistante d’un joueur de poker qui organise des parties homériques avec quelques stars de Hollywood.
★★★☆
Elle apprend tant et si bien de son mentor qu’elle se met à son compte. À Los Angeles d’abord puis à New York. Molly Bloom a beau tout faire pour rester honnête, son succès insolent causera bientôt sa chute et son arrestation par le FBI. Défendue par un ténor du barreau (Idris Elba), sera-t-elle blanchie par la justice ?
Ascension, chute et rédemption : un air de déjà vu
L’ascension, la chute et la rédemption d’une idole déchue racontée avec une voix off et des flashbacks. Un air de déjà vu ? Sans doute. Le Loup de Wall Street, Lord of War, Boogie Nights étaient écrits sur le même schéma et constituent des modèles difficilement dépassables.
D’autant que Molly Bloom n’a pas le charisme du trader Jordan Belfort ou du trafiquant d’armes Yuri Orlov. Le Grand jeu, inspiré de son autobiographie, tente de façon trop voyante de la réhabiliter pour être tout à fait honnête.
Une Jessica Chastain dominatrice, séduisante, impériale
Sauf que Le Grand Jeu a pour héroïne Jessica Chastain et pour réalisateur et scénariste Aaron Sorkin.
Jessica Chastain is back. Moins de deux ans après Miss Sloane, la Wonder Woman de Hollywood est à nouveau seule à l’affiche. Juchée sur de vertigineux stilettos, maquillée comme une star du X, coiffée à la Veronica Lake, habillée dans les tenues les plus provocatrices, les seins moulés dans de vertigineux décolletés, elle est de tous les plans. Froidement dominatrice. Magistralement impériale. Follement séduisante. Comme dans Zero Dark Thirty où, dans une tenue moins élégante, elle endossait déjà un rôle similaire de maîtresse femme.
Qu’elle fasse ainsi la nique à tous les seconds rôles masculins réduits au rôle de faire-valoir n’est pas anodin à l’époque du scandale Weinstein qu’elle n’a pas hésité à dénoncer. Ce film, cette actrice participent d’une évolution de Hollywood qui n’hésite plus à donner le premier rôle à une femme qui n’est ni mère ni putain. Julia Roberts avait ouvert la voix avec Erin Brockovitch en 2000 ; les Jessica Chastain movies sont en train d’en faire une autoroute.
Aaron Sorkin : l’intelligence plus que le cœur
Après avoir scénarisé l’une des meilleurs séries (West Wing) et l’un des meilleurs films (The Social Network) de la décennie précédente, Aaron Sorkin passe (enfin) derrière la caméra. Sa marque de fabrique : des conversations à bâtons rompus, des joutes verbales d’une folle intensité, d’incessants allers-retours temporels. Accrochez vous à votre fauteuil. Ne perdez pas un détail. Et révisez vos règles de poker si vous ne voulez pas être complètement largués
Dextérité vaine ? Brio inutile ? Le reproche serait excessif. Car Aaron Sorkin a une vertu rare. Il parie sur l’intelligence du spectateur. Pas sur son cœur. Le Grand jeu est un film froid, cérébral – qui aurait pu s’éviter une séquence inutile entre le père et sa fille au bord de la patinoire de Central Park. Laissons à d’autres réalisateur de RomCom le soin de nous attendrir. Remercions Sorkin de nous rendre moins bêtes.
Tony PARODI
Aaron SORKIN, Le Grand jeu, États-Unis, 2017, 140mn
- Sortie : 3 janvier 2018
- Titre original : Molly’s Game
- Genre : drame
- Avec Jessica Chastain, Idris Elba, Kevin Costner, Michael Cera, Jeremy Strong, Chris O’Dowd, Joe Keery, Samantha Isler, Brian D’Arcy James.
- Distribution : SND
En savoir plus sur le film : Le Grand jeu (CCSF)
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