Le Festival d’Avignon met à l’honneur l’Afrique et les femmes, d’Antigone à… Christiane Taubira !

Le Festival d’Avignon met à l’honneur l’Afrique et les femmes, d’Antigone à… Christiane Taubira !
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« Il y a l’idée d’une résistance qui passe par les femmes, des femmes en lutte contre le patriarcat, contre une loi qui n’a pas de sens, pour revendiquer plus d’humanité, particulièrement chez les femmes africaines, qui est la région du monde invitée au festival », explique Olivier Py, avec un sens de la formule qui n’est pas sans pertinence ni lieu commun. Au menu du prochain festival d’Avignon : Antigone, Christiane Taubira et l’Afrique.

Chronique : « Humeurs actuelles »

Le programme affiche 34 créations sur 41 spectacles au total. Le festival d’Avignon a décidé de faire (enfin) la part belle aux femmes : 37 % des projets du festival sont portés par la gent féminine – un record dans l’histoire du festival.

De l’immémoriale Antigone…

Deux femmes forment l’immense arc féminin du 71e festival d’Avignon : Antigone dans la Cour d’honneur et … Christiane Taubira, auteur d’un feuilleton quotidien sur les grands textes de la démocratie. Le rapprochement entre ces deux femmes n’est pas sans surprendre, l’héroïne mythique prônant la légitimité contre la légalité, l’ancienne ministre ne jurant que par la loi positive. Ce qui les réunit ? Une conception profonde et personnelle de la justice – différente, néanmoins, de l’une à l’autre, ne serait-ce que dans les fondements métaphysiques.

La pièce Antigone, de Sophocle, sera mise en scène dans la Cour d’honneur du Palais des papes par Satoshi Miyagi ; l’artiste japonais n’en est pas à ses débuts dans la cité provençale, puisqu’il avait également mis en scène un Mahabharata en 2014. Cette ouverture mythologique, le 6 juillet, devrait être spectaculaire, avec un plan d’eau inondant la cour : « Satoshi Miyagi s’inspire d’un théâtre de marionnettes indonésien sur l’eau », justifie Olivier Py.

… à la contemporaine Christiane Taubira : un manque de prudence ?

Quant à Christiane Taubira, elle animera gratuitement un feuilleton quotidien, chaque midi, dans un jardin d’Avignon. Le directeur du festival lui a commandé l’écriture d' »une sorte de grande leçon de démocratie », à partir de textes fondateurs de la conquête des droits. Rien que l’expression employée par Olivier Py a de quoi faire frémir : « grande leçon de démocratie ». Car il est bien entendu que les citoyens sont abrutis ; il leur faut un enseignant : l’artiste devient le garant de ce moralisme civique qui fait appel au bras politicien pour porter sa voix. Qui viendra écouter ? Les artistes, les journalistes, les convaincus. A la fin, on se congratulera de cette « bien-pensance-faisance » à la petite semaine.

Soutien officiel de Benoît Hamon, dont Profession Spectacle a par ailleurs salué la prise de parole en faveur des artistes, Christiane Taubira apparaît comme un choix à grande résonance politique, à quelques semaines de la présidentielle. Olivier Py n’est pas sans créer une regrettable confusion des domaines.

Je n’ai personnellement rien contre l’ancienne Garde des Sceaux, mais force est de reconnaître qu’elle est loin de faire l’unanimité en France ; elle fut au contraire l’instrument d’une fracture profonde qui a opposé deux France entre elles.

Plus encore, ce choix pourrait donner raison à ceux qui accusent systématiquement les milieux culturels, sinon d’être dans une continuelle compromission avec les lieux de pouvoir, du moins de confondre engagement artistique et investissement politique en faveur de la gauche. Accusation que d’autres pourront trouver regrettable, certes, mais qui aurait du moins nécessité une prudence supplémentaire, en ces temps politiques plus que troublés par de perpétuelles divisions.

L’Afrique à l’honneur avec Senghor dans la célèbre Cour

Parmi les spectacles mettant l’Afrique en exergue, citons :

  • Kalakuta Republik de Serge Aimé Coulibaly, récemment à l’affiche de La Colline à Paris. Le chorégraphe burkinabé met en scène l’étonnante « République de Kalakuta », fondée au Nigeria par le chanteur, musicien et politicien Fela Kuti.
  • The last King of Kakfontein (« Le dernier roi de la fontaine de caca »), du Sud-africain Boyzie Cekwana, qui raconte la désillusion au lendemain de l’Apartheid.
  • Unwanted de Dorothée Munyaneza. La chanteuse et danseuse d’origine rwandaise mais naturalisée britannique et vivant à Marseille veut exprimer la souffrance des nombreux enfants nés de viols durant le génocide au Rwanda.

And last but not least : Léopold Sédar Senghor clôturera le festival, le 26 juillet, par la mise en scène de sa Femme noire, avec Angélique Kidjo, Isaach de Bankolé et le musicien Manu Dibango.

Et à part ça, Mme la Marquise…

Tout d’abord, le marathon « obligé » de l’année : l’artiste italien Antonio Latella mettra en scène Les Atrides : huit portraits de famille. Les huit portraits ont tous été écrits par des auteurs différents ; chaque jour, quatre portraits seront joués.

Olivier Py a décidé de créer Les Parisiens, pièce fondée sur son dernier roman, qui raconte « Paris sous son plus mauvais jour » : « J’ai voulu raconter une sorte d’effondrement du politique et comment des réseaux obscurs arrivent à remplacer l’intérêt général ».

Quelques grands noms de la scène théâtrale reviennent à nouveau dans la Cité des papes :

  • Frank Castorf proposera un Roman de Monsieur Molière tout en démesure, d’après Boulgakov ;
  • Kate Mitchell interprétera Les Bonnes, de Jean Genet, avec beaucoup de féminisme en vue, mais sans usage de cette vidéo dont elle raffole ;
  • le Birgit Ensemble présentera deux pièces : Memories of Sarajevo et Dans les ruines d’Athènes ;
  • Emma Dante donnera des Bêtes de scène, avec une attention portée à la nudité de l’Homme ;
  • Guy Cassiers offrira Le Sec et l’Humide. Après sa version des Bienveillantes de Jonathan Littell, l’an dernier, le Belge continue dans ce qui semble devenir un registre de prédilection, avec cette pièce du même auteur sur le fasciste Léon Degrelle.

Enfin, une immense « fiesta » sera donnée dans la cour d’honneur, sous la houlette d’Israel Galvan, célèbre danseur et chorégraphe espagnol de flamenco. Son spectacle mêlera rythmes espagnols, théâtralisation chorégraphiée et… danse buto ! Un mélange qui n’est pas sans surprendre…

Effondrement du politique, leçon de démocratie, féminisme, anti-fascisme… autant de thèmes qui donnent l’impression que le festival d’Avignon risque d’enfoncer quelques portes déjà ouvertes. Restent tout de même Antigone, l’Afrique et le talent de ces nombreux artistes pour espérer porter artistiquement ce que la propagande idéologique a souvent tôt fait d’anéantir. Rendez-vous en juillet.

Maussano CABRODOR


Crédits photo de Une : Mathieu Delmestre

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