Pourquoi les artistes ont notamment boudé Hillary Clinton…
Énorme surprise que la victoire de Donald Trump à la présidence américaine ! Hillary Clinton, donnée gagnante dans tous les sondages, a finalement échoué. Comment expliquer un tel revers ? Les Afro-Américains ne sont pas les seuls à avoir boudé Hillary Clinton ; un autre soutien fut également plus discret, celui des artistes. Il faut dire que la candidate démocrate n’a jamais su proposer une vraie vision pour la culture, autre qu’éducative. Décryptage.
Impliquée dans les questions culturelles en tant que First Lady, à la fin des années 1990, Hillary Clinton défend-elle une vision de la culture dans son programme présidentiel ? Si la candidate démocrate souligne l’importance générale des arts dans la société et de leur accessibilité, surtout auprès des jeunes, son engagement en faveur des artistes eux-mêmes n’est pas prioritaire. Retour sur une longue carrière politique, sans jamais la moindre mesure concrète proposée pour la création artistique.
Que défend le programme Clinton en matière culturelle ?
En 1999, Hillary Clinton gagne un prix « Americans for the Arts » pour son rôle dans la défense des arts, en tant que première Dame. À l’époque, elle est notamment récompensée pour son soutien au NEA (National Endowment for the Arts) et au NEH (National Endowment for the Humanities), deux agences qui promeuvent le développement des arts au sein de toutes les communautés du pays et des humanités. Seulement, c’était il y a 17 ans !
« Les arts et les humanités dépendent du partenariat entre les agences gouvernementales, les fondations privées, les corporations, les organisations non-gouvernementales et les bienfaiteurs individuels pour stimuler le talent et apporter les créations de nos meilleurs artistes et artisans à un public aussi large que possible », indique-t-elle dans sa présentation de Creative America, en 1997. Cet engagement est réaffirmé par la candidate lors de sa campagne malheureuse de 2008 pour se hisser à la tête des Démocrates. Aujourd’hui encore, le programme de son parti indique poursuivre le financement public du NEA et du NEH.
Comme il y a huit ans, ses propositions se concentrent en 2016 sur l’importance de l’éducation des jeunes au monde des arts. Hillary Clinton a, depuis longtemps, reconnu la formation culturelle des jeunes Américains comme une source d’épanouissement personnel, un investissement pour leur futur et celui du pays, un enjeu vital pour la nation comme pour les groupes humains qui la forment. « Nous devons encourager les communautés à conserver leur identité et à préserver leurs traditions locales, leur histoire et leurs créations », avance-t-elle lors de ce même rapport.
Au final, tout pour l’éducation…
Le principal engagement de la candidate démocrate consiste donc à poursuivre la promotion de l’éducation aux arts et leur enseignement dans les classes des écoles primaires et secondaires. C’est notamment le cas dans les écoles les plus pauvres qui ont mis fin aux activités extra-scolaires. « J’aimerais que nous revenions à la question des enfants, à la recherche d’expériences d’apprentissage adaptées à leur âge, à l’enrichissement de l’expérience en classe », indique-t-elle à ce sujet dans un article du Huffington Post de juin 2015.
Cela dit, la nouvelle présidente reconnaît également l’utilité publique de la culture au-delà de la seule question de la jeunesse. « Les arts sont une cause majeure de la revitalisation urbaine, affirme-t-elle en avril, sur le site The Buffalo News. Vous le voyez dans les villes où, souvent, les pionniers modernes sont les artistes ». Dès 1997 d’ailleurs, Hillary Clinton souligne l’importance de la démocratisation de l’art en général. « Les arts et les humanités appartiennent à nous tous et le meilleur de la culture de l’Amérique devrait être rendu accessible à tous nos citoyens », déclare-t-elle par exemple dans sa présentation de Creative America. De grands discours qui n’ont jamais été suivi de propositions politiques concrètes.
… rien pour la création !
Des actions concrètes en faveur du soutien des artistes et de la création ont-elles finalement été avancées ? Pas vraiment. Le programme démocrate s’engage simplement à maintenir les politiques et programmes qui ont été mis en place pour soutenir l’industrie et l’économie des arts créatifs, sans toutefois donner d’explication sur des mesures qui seraient éventuellement prises par la suite. Autant dire que le programme est vide.
Plus encore, Hillary Clinton a annoncé dans le New York Times (août 2015) un plan pour plafonner les déductions caritatives détaillées ; cette mesure risque fort d’être dommageable pour les organisations artistiques dont le financement repose sur les donations privées.
L’absence de mesures pour la création artistique, venant d’une candidate qui était déjà loin de faire l’unanimité, n’a pas favorisé le soutien des artistes. Si ces derniers ont soutenu avec force et enthousiasme Barack Obama, s’ils étaient majoritairement contre Donald Trump, rares sont ceux qui ont rejoint concrètement le camp d’Hillary Clinton durant la campagne. Les quelques tentatives fragiles de ces derniers jours n’ont ainsi rien changé à la tendance : une série de performances a effectivement été organisée début novembre à l’initiative de plusieurs personnalités, telles que Jay Z à Cleveland ou encore Katy Perry à Philadelphie. Des épiphénomènes tardifs et sans grande conséquence, signe que le milieu artistique est probablement aussi divisé que le reste de la population américaine sur ces élections.
Chloé GOUDENHOOFT