« L’Apparition » : un thriller magnifié par son étonnant dénouement
Reporter de guerre, traumatisé par la mort de son photographe en Syrie, Jacques Mayano (Vincent Lindon) est mystérieusement convoqué au Vatican. On lui propose d’y présider une commission d’enquête canonique. Une jeune novice (Galatea Bellugi), dans les Alpes françaises, prétend avoir vu apparaître la Vierge.
★★★☆
Couvée par un prêtre en rupture de ban (Patrick d’Assumçao), cette jeune orpheline élevée en foyer qui vient de rejoindre un couvent de moniales avait seize ans à peine au moment des faits. Des pèlerins affluent en masse sur les lieux de l’apparition, inquiétant à la fois les autorités civiles et religieuses.
Un thriller à la réussite magistrale
Cinéaste de la mystification, le réalisateur de Marguerite et À l’origine s’avance sur le terrain miné de la foi. Il traite une apparition mariale sur le mode du thriller – en confiant bizarrement le soin de l’enquête, non à un policier, mais à un journaliste. Et il y réussit magistralement, multipliant les fausses pistes et les rebondissements.
Il y est aidé par une distribution impeccable. Vincent Lindon joue toujours le même rôle : celui du type taiseux et bourru qui ne comprend pas, s’interroge et s’énerve. Mais ce rôle là lui va comme un gant et colle au personnage de Jacques Mayano.
Déjà remarquée dans les excellents Réparer les vivants et Keeper, deux de mes films préférés de l’année 2016, Galeata Bellugi irradie. Ses yeux bleus, sa peau diaphane, sa voix douce donnent au personnage de la jeune voyante une crédibilité sans laquelle le film aurait boité.
Un final intelligent et subtil
Mais le thriller a ses limites : il appelle une fin simple qui voit l’enquêteur élucider le mystère. Et bien souvent, cette élucidation est plus décevante que l’enquête qui y a conduit. Ici, le problème semble binaire : soit les apparitions ont eu lieu, soit elles sont le produit du cerveau malade d’une jeune fille mythomane.
Tout le film navigue entre ces deux possibilités et nous fait toucher du doigt la difficulté de prouver aussi bien la réalité d’un phénomène paranormal (comment « prouver » une apparition mariale ?) que son inexistence (comment apporter la preuve négative que la Vierge n’est pas apparue ?).
La critique, hélas, n’a pas le droit de révéler la solution de l’énigme. Elle est étonnante. Je lis ici ou là qu’elle est artificielle. Jacques Mandelbaum, qui a la dent dure dans Le Monde, évoque – non sans humour – un « deus ex machina ». Bien au contraire. J’ai rarement vu conclusion plus intelligente, résolution d’une énigme plus subtile et plus appropriée.
Elle tient à distance le mensonge et la vérité et dépasse l’alternative simpliste dans laquelle le scénario semblait s’être enferré. Surtout, elle esquisse une voie de sainteté inattendue, loin du Barnum ridicule des lieux de pèlerinage, vers une démarche plus modeste de pardon, de sacrifice et d’amour.
Lire aussi :
- Critique de Laurent Schérer, publiée sur Profession Spectacle : « L’Apparition » : Vincent Lindon doit-il avoir peur de croire ?
Xavier Giannoli, L’Apparition, France, 2017, 137mn
- Sortie française : 14 février 2018
- Genre : drame
- Classification : tous publics
- Avec Vincent Lindon, Galatéa Bellugi, Patrick D’Assumçao, Anatole Taubman, Axelle Simon, Elina Löwensohn, Claude Lévèque, Gérard Dessalles.
- Distribution : Memento Films
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