« L’Ange ivre » : Kurosawa naturaliste
Le docteur Sanada (Takashi Shimura) a installé son cabinet dans un quartier pauvre de Tokyo, au bord d’une mare pestilentielle. Il cache derrière une approche revêche un grand cœur. Il soigne tous les malades, même ceux qui ne peuvent le payer. Aussi accepte-t-il de retirer la balle que Matsunaga (Toshiro Mifune), un yakuza patibulaire, a reçue dans la main.
À l’occasion de cette consultation, le docteur diagnostique une tuberculose. Il ordonne à son patient de se soigner en évitant l’alcool et les femmes. Mais l’orgueilleux Matsunaga n’en fait qu’à sa tête, au risque de s’affaiblir rapidement.
Sa santé déclinant, son autorité dans le quartier où il faisait régner la peur s’affaiblit. D’autant qu’un ancien caïd, récemment libéré de prison, y refait son apparition.
Akira Kurosawa est peut-être le plus grand réalisateur japonais du vingtième siècle, si tant est que ces palmarès aient un sens. Deux veines coexistent dans son œuvre. La plus connue, la plus tardive aussi, est celle des films de sabre chanbara : Rashomon, Les sept samouraïs, Le Château de l’araignée, Kagemusha, Ran… Le second a pour cadre le Japon contemporain et pour inspiration le cinéma néo-réaliste italien et le film noir américain : Chien enragé, Vivre, Dodes’kaden… L’Ange ivre participe clairement de cette seconde veine. C’est le septième film de Kurosawa, le premier dont il a l’entière maîtrise, celui qui le fait accéder à la célébrité, un an avant Rashomon.
L’Ange ivre est construit autour de deux personnages.
Le rôle principal est celui du médecin alcoolique, qui consacre sa vie à soigner la douleur des autres. Le docteur Sanada est un véritable saint laïc, un Juste comme John Ford et Clint Eastwood aiment à les peindre, sans rien cacher de leurs tares. Sa figure se retrouve dans Vivre et dans Barberousse.
Mais la vedette lui est volée par Matsunaga. Le rôle est interprété par Toshiro Mifune, dont c’est la première collaboration avec Kurosawa. Ils tourneront ensemble seize films qui sont autant de chefs-d’œuvre. Mifune est encore si jeune qu’on peine à reconnaître les traits de l’un des acteurs japonais les plus célèbres du siècle. Mais déjà, il dégage un magnétisme à nul autre pareil. Son rôle était plus réduit au scénario. Mais sa force d’interprétation a convaincu Kurosawa de l’étoffer en cours de tournage. Un duo d’anthologie était né…
Akira Kurosawa, L’Ange ivre, Japon, 1948, 98mn (noir et blanc)
- Ressortie : 25 janvier 2017
- Genre : drame
- Titre original : 醉いどれ天使, Yoidore tenshi
- Classification : tous publics
- Avec Takashi Shimura, Toshiro Mifune, Reisaburō Yamamoto, Michiyo Kogure, Chieko Nakakita, Noriko Sengoku, Shizuko Kasagi, Eitarō Shindō, Masao Shimizu, Taiji Tonoyama, Yoshiko Kuga, Chōko Iida, Isamu Ikukata, Akira Tani, Sachio Sakai
- Scénario : Akira Kurosawa et Keinosuke Uegusa
- Photographie : Takeo Itō
- Musique : Fumio Hayasaka
En savoir plus sur le film avec CCSF : L’Ange ivre
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