La riposte du cinéma français contre l’impérialisme hollywoodien
Contrairement aux autres pays dans le monde, la France est une nation qui semble résister à la domination hollywoodienne. Pourquoi ? Comment ? Par l’instauration d’un système protectionniste que nous envient beaucoup de pays. Explications
Impérialisme hollywoodien et résistance française (2/3)
Aujourd’hui assistant de production pour diverses entreprises audiovisuelles, Thomas Pafundi a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Elena Borin (Burgundy School of Business), sur le thème : « L’impérialisme de Hollywood dans l’industrie cinématographique globale : le cinéma français contre-attaque ». Il propose une synthèse de ses recherches dans une série de trois articles publiés dans Profession Spectacle.
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Contrairement aux autres pays dans le monde, la France est une nation qui semble résister à la domination hollywoodienne, tant sur le plan des importations que sur celui des succès au box-office national.
Une résistance vérifiée
Par exemple, en 2015, 82 % des films projetés dans les salles de cinéma australiennes sont des films américains. D’un autre côté, entre 2010 et 2016, la part des films en exploitation (autrement dit, la part des films que l’on peut trouver en salle de cinéma en France) est en moyenne de 41,3 % pour les films français contre 24,6 % pour les films américains.
Concernant les succès au box-office, le cinéma français s’en sort une nouvelle fois avec des chiffres impressionnants en comparaison des autres pays. En effet, dans le classement des dix films les plus vus au Mexique en 2015, tous sont des films américains, tandis que dans le classement des vingt films ayant réalisé le plus grand nombre d’entrées au cinéma de 1945 à 2016 en France, selon le CNC et l’UNESCO, 40 % sont des films français, dont deux sont dans le top 3.
Cette résistance face à la domination hollywoodienne n’a été possible que grâce à une puissante politique de soutien et à des régulations strictes, que beaucoup de pays prennent comme modèle.
Facteur historique
La protection de l’industrie du cinéma par le gouvernement français remonte au régime de Vichy. En 1946, son organisation corporatiste a été à l’origine de ce qui deviendra le Centre national du cinéma et de l’image animée (CNC).
Cette même année a aussi été marquée par la signature des accords Blue-Byrnes (une clause issue des accords d’après-guerre de Washington), dont l’objet était de réduire les barrières commerciales entre l’Europe et les États-Unis. Cette clause mettait donc un terme au système de quotas qui jusqu’alors permettait à tous les pays de fixer un nombre maximum de films étrangers pouvant être importés et exploités. Il faut savoir qu’à cette période, la production de films français était au plus bas ; les salles de cinéma ne projetaient donc que des films américains.
Devant cette menace, toute la profession s’est mobilisée et a demandé au gouvernement français l’instauration d’une réelle politique de soutien à son cinéma national. Ainsi, en 1948, les accords de Blum-Byrnes ont-ils été revus et, depuis ce jour, le gouvernement français n’a plus jamais cessé de défendre l’industrie du cinéma hexagonal.
Une politique de soutien à son marché intérieur
La politique de la France prend la forme de subventions et de crédits d’impôts.
Les subventions, autrement dit les ressources financières allouées par le gouvernement, sont gérées et distribuées par le CNC. Ce dernier est une entité administrative financièrement autonome, rattaché au ministère de la culture. Son but ultime est de promouvoir le cinéma français et de protéger son patrimoine.
L’argent de cette centrale de soutien financer provient de deux sources de revenus principales :
– la première et la plus importante est la taxe sur les services de télévision (TST) : cette taxe est due par les éditeurs et les distributeurs de services de télévision sur une part de leur chiffre d’affaire ;
– la deuxième source de revenu est appelée taxe sur les entrées en salle de spectacles cinématographiques (TSA) : cette taxe est prélevée par le CNC sur tous les tickets de cinéma vendus en France (quelle que soit la nationalité du film) à hauteur de 10,72 %.
L’argent récolté par l’intermédiaire de ces deux taxes va ensuite dans les caisses d’un compte appelé « compte de soutien », qui finance deux aides majeures : les aides automatiques et les aides sélectives. D’un côté, l’aide automatique est réinvestie dans toutes les productions auxquelles la France participe ainsi que tous les films français, dans la mesure où ils ont été approuvés par le CNC ; de l’autre côté, l’aide sélective est une avance sur recettes donnée aux réalisateurs faisant leur premier film ou aux auteurs de films avec une valeur artistique.
Le gouvernement français a aussi mis en place des facilités de crédits et des avantages fiscaux pour faciliter la levée de fonds d’investissements privés par les producteurs. En effet, tandis que l’IFCIC (Institut pour le financement du cinéma et des industries culturelles) joue le rôle de garant auprès des banques, les SOFICA (Sociétés de financement des industries cinématographiques et audiovisuelles) collectent des fonds privés auprès d’entreprises ou de particuliers en échange d’avantages fiscaux.
Une politique restrictive à l’encontre des concurrents étrangers
L’instauration d’un système de quotas dans la phase de distribution demeure néanmoins la principale mesure protectionniste en France. De nos jours, cette régulation par les quotas concerne à la fois les salles de cinéma et les chaînes de télévision.
Ainsi les salles de cinéma doivent-elles projeter au minimum 50 % de films européens et 35 % de films français. Cette répartition est plus stricte pour les chaînes télévisées, avec une diffusion obligatoire d’au moins 60 % de films européens et 40 % de films français (décret n°90-66 du 17 janvier 1990, CNC).
Lire aussi : 1/3. Les origines de l’impérialisme hollywoodien
À suivre : 3/3. Le cinéma transnational : une stratégie efficace face à l’impérialisme hollywoodien ?
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