La politique culturelle à l’aune des droits culturels
Comment les droits culturels ont-ils renouvelé notre approche de la politique culturelle ? C’est autour de cette question que va se tenir, les 19 et 20 décembre, à l’auditorium du Louvre, un colloque organisé par le Comité d’histoire : « Du partage des chefs-d’œuvre à la garantie des droits culturels ». Maryvonne de Saint Pulgent, présidente du Comité d’histoire du ministère de la Culture, revient sur ses principaux enjeux.
Communiqué
Réinterpréter six décennies d’action du ministère de la Culture à travers un prisme inédit, celui des droits culturels : telle est l’ambition du colloque qui se tiendra les 19 et 20 décembre à l’auditorium du Louvre : « Du partage des chefs-d’œuvre à la garantie des droits culturels ». Organisées par le Comité d’histoire pour les 60 ans du ministère de la Culture, ces deux journées d’études réuniront, dans un esprit d’ouverture et de transversalité, des experts venus de tous horizons, dont Ariane Mnouchkine, metteur en scène, Pascal Ory, historien, Charles Berling, acteur, ou Catherine Tasca et Jacques Toubon, anciens ministres de la Culture. Maryvonne de Saint Pulgent, présidente du Comité d’histoire du ministère de la Culture, revient sur les enjeux du colloque.
Tout au long de cette année, le soixantième anniversaire du ministère de la Culture a permis de porter un regard à la fois rétrospectif et prospectif sur son action. En quoi le colloque du Louvre va-t-il prolonger – et, provisoirement, conclure – cette démarche ?
Par son intitulé même – « Du partage des chefs-d’œuvre à la garantie des droits culturels » –, ce colloque s’inscrit dans cette double démarche en invitant à réinterpréter six décennies d’action du ministère à travers la problématique des droits culturels. Les débats, qui devraient montrer que l’action publique a souvent anticipé la reconnaissance juridique de ces droits, doit aussi inciter à approfondir la notion et s’interroger sur ce qu’elle va changer dans les politiques publiques. C’est pour cette raison que nous avons jugé nécessaire d’associer à la réflexion l’ensemble des parties prenantes : élus, agents de l’État, fonctionnaires territoriaux… ; artistes, responsables d’équipements, professionnels de la culture, mais aussi d’autres secteurs – l’éducation, le social, le socio-éducatif… ; chercheurs et experts relevant de différentes sciences humaines – l’histoire, le droit, la philosophie, l’anthropologie, la sociologie etc. Ce croisement des points de vue peut se révéler très fécond pour penser une politique culturelle adaptée à notre temps.
Patrimoine, langue, création… la notion de « droits culturels » traverse l’ensemble du champ culturel. En quoi cette approche renouvelle-t-elle notre vision des politiques culturelles ?
Fondée sur les droits de l’Homme, la notion de droits culturels invite à considérer la culture dans son acception anthropologique – l’ensemble des productions ou institutions par lesquelles une personne ou un collectif témoigne de son appartenance à l’espèce humaine. De ce fait, elle encourage la protection et la promotion de la diversité culturelle, sans doute un des enjeux majeurs de notre siècle, comme l’a souligné l’Unesco lors de l’adoption en 2001 de sa déclaration universelle sur le sujet. Par ailleurs, cette même notion place « la personne au centre » de la politique culturelle, privilégiant de ce fait une approche plus transversale que sectorielle, qui stimule les coopérations entre les divers acteurs – culturels, éducatifs, sociaux etc. En 1972, Jacques Duhamel le disait déjà : « La culture n’est pas un secteur de l’action gouvernementale, elle en est une dimension », anticipant ainsi sur le « tout est culture » de Jack Lang.
La notion de « droits culturels » est inséparable de celle de « démocratie culturelle ». En quoi celle-ci est-elle au cœur des enjeux des politiques culturelles ?
Le siècle des Lumières affirme que l’art contribue à l’émancipation des citoyens. « C’est par la beauté que l’on s’achemine vers la liberté », écrit en 1795 Friedrich von Schiller. Malraux reprend ce thème en proclamant la culture comme le « plus puissant allié pour mener l’humanité à un rêve digne de l’homme ». Cette ambition fonde son projet de démocratisation culturelle (même si l’expression lui était inconnue) : « mettre le plus grand nombre d’œuvres capitales au service du plus grand nombre d’hommes ». La démocratie culturelle, nouvel horizon des politiques de la culture depuis Jacques Duhamel, consiste, sans renoncer à l’objectif de démocratisation, à donner une plus grande importance à l’éducation artistique et à la médiation. Elle permet aussi de prendre conscience que tout être humain, dans la singularité de sa présence au monde, peut être une ressource pour la collectivité.
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