La Poèterie dans l’Yonne : un village d’artistes majoritairement autofinancé
Friche industrielle reconvertie en lieu de résidences d’artistes et de spectacles, la Poèterie est un lieu artistique hors du commun, presque entièrement autofinancé, au cœur de l’hyper-ruralité.
Publié le 20 avril à 8h – Mis à jour le 22 avril à 12h
En 2006, le sculpteur Vincent Magni a l’idée de créer la Poèterie, une friche industrielle reconvertie en lieu de résidences d’artistes et de spectacles, où sont conviés chaque année les visiteurs à la Fête de l’Art en juillet.
Située à Saint-Sauveur-en-Puisaye, dans l’Yonne, où est née la romancière Colette, cette ancienne briqueterie réhabilitée en espace d’ateliers bénéficie d’une forte attractivité touristique en période estivale, avec la proximité du château de Guédelon. Comment ce lieu atypique, où se fabriquent les arts, a-t-il pu pérenniser son activité sur un modèle économique en partie autofinancé et quelle place trouve-t-il sur ce territoire du Sud-Ouest de l’Yonne qui est confronté aux enjeux de l’hyper-ruralité ?
« Une usine à poètes »
Avec un parc d’un hectare, deux gîtes, ses salles de réception et de répétition, ainsi qu’une salle de spectacle de trois cents places en cours de construction, la Poèterie accueille chaque année environ 14 000 personnes, entre résidences d’artistes, gîtes, ateliers et spectacles programmés par l’association du Café de la Poèterie.
Artiste autodidacte, touche à tout, principalement en sculpture monumentale et en peinture, Vincent Magni est à la base de ce projet créé il y a quinze ans. « Je travaillais dans un atelier qui devenait trop petit, donc j’ai racheté ce bâtiment pour avoir plus d’espace, raconte-t-il. Comme il était pour le coup un peu trop grand, j’ai voulu le partager avec d’autres artistes. On est dans une région de poterie ; le nom de la Poèterie est donc un clin d’œil au potier, mais aussi au fait qu’on est dans une ancienne usine : c’est une usine à poètes ! »
La Fête de l’Art
Thomas Chevalier, qui gère le Café de la Poèterie, est l’unique salarié de l’association ; celle-ci est la seule à recevoir une part de subventions (du moins, selon les dires du responsable, qui n’a pas souhaité nous dire le montant exact), comparativement à l’ensemble des ressources du site. Il espère faire monter en gamme leur temps fort annuel, en invitant des artistes de renommée nationale et internationale. Du 8 au 10 juillet, la Fête de l’Art sera donc ponctuée de performances, de théâtre, d’art de rue et de concerts.
« On prévoit un budget de 150 000 euros en 2022, annonce-t-il. On a passé beaucoup de temps à monter le projet pour acheter du matériel, construire des espaces, et on va pouvoir programmer des artistes plus cotés. » À l’affiche de cette dixième édition à laquelle participent près de quatre-vingts bénévoles, des groupes de musique comme Carnival Youth ou encore la compagnie de spectacle pyrotechnique Manda lights sont d’ores et déjà confirmés.
Une quarantaine de plasticiens, qui travaillent principalement la sculpture ou le bois, seront également présents. « Le festival est un peu la vitrine de ce qu’on fait à l’année ; durant trois jours, le public se promène entre les artistes qui sont en train de créer. L’idée est que ce soit évolutif : quand on arrive le vendredi, il y a un tas de ferraille et, au fur et à mesure, les œuvres sont réalisées. » Ce format favorise l’interaction entre les artistes et le public ainsi que, parfois, des œuvres collaboratives entre artistes.
Un modèle en autofinancement
À la différence du Café de la Poterie, le village d’artistes (lieu de résidences) fonctionne depuis sa création en autofinancement, avec des recettes propres générées par les locations des gîtes, les adhésions, la restauration et le bar. Ce modèle économique leur offre une pleine indépendance. « Ici, nous n’avons de comptes à rendre à personne, pointe Vincent Magni. Quand il y a de la liberté, il y a de la créativité. Même si les ressources sont moins importantes, nous trouvons des solutions. Je dirais même que moins elles sont importantes, et plus nous devons être créatifs ! »
Lui et son équipe espèrent toutefois bénéficier à l’avenir d’aides à l’emploi, comme en témoigne Thomas Chevalier : « On aimerait être soutenus pour pouvoir créer de l’emploi en milieu rural. Si on veut pouvoir proposer un projet viable et de qualité, il faut qu’on puisse embaucher et répartir les rôles intelligemment, tout en gardant des tarifs abordables. » C’est pourquoi il annonce qu’ils recevront prochainement le département et la DRAC en vue d’un accompagnement de l’association et de la Poèterie.
« Un vrai rôle à jouer »
La Poèterie travaille, entre autres, en lien avec l’Office de tourisme de Puisaye-Forterre et son école de musique, sur l’initiation des jeunes au son, menant également différents ateliers : pastels, avec le Centre régional d’art contemporain, peinture, avec les Grottes d’Arcy-sur-Cure, et gravure, avec la Métairie Bruyère.
L’endroit est apprécié, d’après Thomas Chevalier, du public familial, sur un territoire qui semble devenir un nouvel eldorado. « On participe à l’attrait culturel local, renchérit-il. Depuis quelques années, de plus en plus de gens issus des grandes villes cherchent à se rapprocher des campagnes ; c’est là qu’on a d’autant plus un vrai rôle à jouer. On a envie de proposer des choses aussi qualitatives qu’en ville… et c’est le cas puisque les citadins d’Auxerre, Troyes et Avallon, ou de l’autre côté, de Cosne-sur-Loire et Châtillon viennent à la Poèterie. »
Ainsi, pour cette structure en partie autofinancée depuis sa création, son implantation en milieu rural lui permet-elle de bénéficier d’une visibilité suffisamment importante pour devenir un espace de rencontres, de création, d’éducation et de diffusion artistique attractif, fréquenté par les habitants et des touristes en quête de convivialité et de découvertes.
Correspondante Bourgogne-Franche-Comté
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En savoir plus : La Poèterie
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