La photographie dans la culture : ces honteuses différences tarifaires

La photographie dans la culture : ces honteuses différences tarifaires
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À la suite de retours avisés émanant de photographes professionnels, il est apparu que des différences notables de rémunération sont effectives au sein de la profession. Entre les tarifs officiels et la nature des clients, notamment dans la presse, la rémunération des photographes n’est pas un long fleuve tranquille. Retour sur une affaire complexe.

Dans un article précédent, L’économie de la photographie, en chute libre, paie les frais du numérique, nous analysions la situation singulière de la photographie au regard du poids économique global de la culture, à partir d’un rapport publié par le ministère de la culture pour l’année 2016.

Les chiffres avancés concernant les tarifs alloués à la photographie de presse étaient en effet incomplets. Ils nous sont parvenus par l’intermédiaire d’un photographe (gardé anonyme du fait de la publication de ses factures) qui, documents à l’appui, n’a pas été rémunéré en conséquence. Son cas illustre la différence qui existe parfois entre les tarifs officiels, notamment défendus par les syndicats, et la rémunération effective.

Il existe de nombreux statuts pour les photographes, du journaliste-pigiste au salarié en passant par les statuts d’indépendants ; il existe également de nombreux secteurs qui ne sont pas tous répertoriés dans le domaine de la culture, et plus précisément des arts plastiques (“corporate”, publicité, etc.). Or c’est précisément la photographie comme art plastique qui se trouvait analysée économiquement dans le rapport, et non la photographie en général.

Loin de prétendre ainsi à une analyse exhaustive de la situation économique du secteur, nous nous attachons à un cas précis, avec deux témoignages à l’appui.

La photo de presse : brader n’est pas jouer

Pour ne prendre que le cas spécifique de la photographie vendue à la presse, les barèmes 2016 de la SAIF (Société des auteurs des arts visuels et de l’image fixe) vont de 43 euros à 1 403 euros, selon le nombre de tirages, la taille et l’emplacement de la photographie dans le quotidien, magazine ou périodique. Ils peuvent être ensuite majorés de 20 à 60 %, en cas de reproduction ou de double-couverture par exemple.

Concernant la facture envoyée par Sipa Press (cf. document ci-dessous), nous pouvons noter par exemple la sous-rémunération des photographies parues dans Paris-Match. Ce média, qui tire à 776 700 exemplaires, se situe légalement dans la catégorie affichant un barème minimal de 205 euros pour une parution équivalent à 1/8e de page ; or le photographe en question n’a reçu que 129,36 euros.

Second cas plus éloquent, celui de ce relevé des droits d’auteur datant de juillet 2017 (cf. document ci-dessous) : le quotidien 20 Minutes a rémunéré entre 0,51 et 0,54 euro la photographie, alors même qu’il tire à 550 000 exemplaires ; selon le barème légal, il aurait dû rémunérer pas moins de 159 euros pour une publication inférieure ou égale à 1/8e de page.

Le photographe s’est même retrouvé à devoir de l’argent, puisque son solde de droits d’auteur s’est retrouvé en négatif. Une triste réalité pour nombre de photographes, qu’il ne faudrait pas occulter…

Alors, évidemment et heureusement, ce n’est pas le cas pour tous les photographes, ou plus exactement pour tous les médias et agences de presse. Néanmoins, compte tenu de la notoriété de ceux précédemment cités, il convient de s’en inquiéter, voire de dénoncer des abus.

Un témoignage opposé, qui rassure

Laurent Ferrière, qui est intervenu à la suite de la publication du premier article sur l’économie de la photographie, fait partie de ceux qui sont rémunérés au tarif en vigueur. « En moyenne, en commande pour la presse nationale, cela tourne à 300 la “journée“ les parutions, selon le tirage, l’emplacement de la photo…, assure-t-il dans un commentaire posté sur Facebook, en-dessous de l’article. À titre d’idée, 1/8e de page dans un magazine spécialisé la semaine m’a été proposé à 180 en pige salariée. Des dossiers réguliers sur plusieurs pages à  2000  ».

Il ne manque tout de même pas d’attirer l’attention sur la nécessité de refuser les coûts bradés, ce qui montre que la pratique existe, que cela lui a peut-être déjà été proposé.

Selon Laurent Ferrière, la chute libre de l’économie de la photographie n’est pas uniquement due à l’arrivée du numérique, comme l’avance le rapport du ministère de la culture, mais aussi à « l’évolution des modes de diffusion, comme le font Hans Lucas ou Divergences ». Le studio de production Hans Lucas est dédié à la photographie et aux écritures numériques ; ce collectif diffuse les œuvres des artistes via une plate-forme collaborative.

La profession doit donc s’adapter aux moyens contemporains pour en tirer le meilleur parti artistique et financier. Reste que la braderie honteuse de certaines photographies parues dans la presse ne devrait plus exister. Au risque d’enfoncer une porte ouverte, quand on n’a pas d’argent, on ne commande pas de travail à un tiers. Mais où part donc l’argent de Paris-Match et 20 Minutes ? Aux photographes de parvenir à un accord plus respectueux de leur travail si les syndicats ne les défendent pas assez.

L’éclatement du droit du travail touche malheureusement de plus en plus de secteurs, du fait d’une ubérisation qui gagne du terrain et vise à favoriser la concurrence, notable dans le milieu de la photographie ; une telle mise en compétition ne permet plus toujours de pouvoir préserver une rémunération a minima décente.

Louise ALMÉRAS



 

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