La jeune fille et la mort du frère : un grand moment théâtral !
Avec Une heure avant la mort de mon frère, Antoine Marneur réussit une mise en scène magistrale de la pièce écrite par le dramaturge australien Daniel Keene. Un grand moment théâtral !
« Je veux que les personnages de mes pièces hissent leur âme à la surface de leur peau. Je veux que leur vie intérieure naisse et soit portée dans chaque geste, dans chaque parole et dans chaque silence. » (Daniel Keene)
Une écriture vertigineuse et ciselée
Daniel Keene, parce qu’il est un auteur à l’écriture vertigineuse et ciselée, se révèle souvent un piège pour qui cherche à mettre sur planches la grandeur d’un texte contemporain. Chaque mot est pesé, chaque geste sous-entendu, chaque émotion suggérée… Il n’est rien qui soit laissé au hasard, grâce notamment à la belle traduction de Séverine Magois, de telle sorte que le metteur en scène qui se frotte à sa prose doit emprunter un étroit couloir, entre un mur faisant fi de l’auteur et un autre renonçant à toute scénographie. Ce double écueil est remarquablement évité par Antoine Marneur et sa compagnie Théâtre du Détour, à l’image de ce décor sobre et efficace – un parloir, une table, deux chaises, et un double mur diagonal unifié par une grille emprisonnant les êtres et les souvenirs – qui dévoile aussi sûrement l’âme que l’espace et le temps sont comptés.
Pour la seconde fois, Antoine Marneur s’attaque à un texte de Daniel Keene ; il choisit un écrit de jeunesse, publié alors que, né en 1955, le dramaturge australien venait d’atteindre la trentaine : The Hour Before My Brother Dies. Le titre de la pièce a perdu un peu de son intensité dramatique lors de sa traduction en français, qui oublie malencontreusement l’article défini : Une heure avant la mort de mon frère.
Vibrations poétiques
Pourquoi un tel choix ? Parce que le Théâtre du Détour se veut un théâtre d’auteur, un lieu où la parole met à nu les personnages, les comédiens, jusqu’aux spectateurs eux-mêmes : Jean-Luc Lagarce, Louis Calaferte, Daniel Keene… Autant de plumes trempées dans une langue incomparable, afin de dévoiler toujours davantage l’être humain, par-delà les apparences, par-dedans la chair, jusqu’à ce que la vérité soit à fleur de peau.
La mise en scène ne se contente pas d’énoncer le texte, elle le porte à son incandescence par une scénographie qui creuse les murs avec des projections de lumière, pour ouvrir le cœur de ces deux êtres qui se font face : un frère et une sœur, Martin et Sally, interprétés par des comédiens remarquables. Sophie Neveu, tout en fébrile tension dans la sœur aux élans inavoués, s’affirme comme une véritable altérité face à Francis Ressort, impressionnant en frère meurtrier, sentimental, inquiet, hanté. Leur jeu saisit le trouble qui habite leurs personnages, peu à peu épurés par l’irrémédiable échéance qui rend toute chose vaine et purifie toute relation.
Le spectacle proposé par Antoine Marneur et son équipe relève du chef-d’œuvre ; nous recevons une claque théâtrale, graphique et musicale, qui résonne du début à la fin de la pièce. Les comédiens étreignent le texte de Daniel Keene de la même manière qu’ils s’enlacent avec passion et pudeur, souffrants et vibrants, en une scène de danse imprévisible, poétique, bouleversante : la relation fraternelle y est pleinement contenue, mais la déborde encore de toutes parts. Tout est dit, tout reste à ressentir, à voir, à vivre…
DISTRIBUTION
Mise en scène : Antoine Marneur
Texte : Daniel Keene
Avec :
- Sophie Neveu : Sally
- Francis Ressort : Martin
Scénographie et création graphique vidéo : Garance Marneur
Chorégraphie : Cécile Loyer
Créatrice costumes : Anne Bothuon
Réalisation vidéo : Nicolas Maisse et Thibaut Champagne
Bande son : Nicolas Rocher
Création lumières et régie générale : Baptiste Rilliet
Crédits des photographies : Nicolas Franchot
DOSSIER TECHNIQUE
Informations pratiques
Si le décor est sobre au centre du plateau, avec une table et deux chaises, il occupe en réalité une place imposante en raison des deux hauts murs destinés à recevoir de nombreuses projections graphiques. Par ailleurs, la danse exécutée par les deux comédiens possède des mouvements amples qu’un petit plateau ne saurait accueillir sous peine de perdre en intensité.
À cela s’ajoutent des besoins spécifiques. Certains sont simples à combler, tel le vidéo projecteur d’au moins 7000 lumens exigé par la mise en scène. En revanche, le spectacle demande deux techniciens ; si l’on ajoute le metteur en scène et les deux comédiens, ce sont donc cinq personnes à prendre en charge, c’est-à-dire 10 à 12 nuitées et 17 à 19 repas pour une seule représentation. Par ailleurs, la mise en place de ce décor complexe exige, pour le théâtre, la présence de deux à quatre techniciens, selon la hauteur du décor choisi – trois versions existent : 6m, 4m et 3m. Autant de frais qu’un petit théâtre aura du mal à affronter… malheureusement pour lui !
En bref
- Durée : 1h25
- Public : à partir de 14 ans
- Site internet : Compagnie du Détour
- Diffusion : Olivier Talpaert – En Votre Compagnie / 06 77 32 50 50 / oliviertalpaert [@] envotrecompagnie.fr
OÙ VOIR LE SPECTACLE ?
Tournée
- Du 17 au 19 novembre 2017 : Salle Doussineau / Forum de la Madeleine / rue Maurice Hallé (Chartres)
- Réservations : 02 37 23 42 79 (Théâtre de Chartres)
FIN