Roman Baca : « La danse transforme la violence en art »
Roman Baca est une personnalité au parcours atypique : membre du corps des Marines en 2005, il vit l’horreur de l’Irak. Comment exprimer ce qu’il a vécu, ce qu’il a vu, ce qu’il a souffert ? Les mots ne sont pas son langage ; danseur de formation, il préfère celui du corps. Il décide de créer une compagnie, Exit 12, dont il est à la fois le chorégraphe et le directeur artistique. Sa vision ? Comment la danse est un langage non-verbal adéquat pour évoquer la réalité douloureuse de la guerre. Rencontre.
Pouvez-vous retracer votre parcours ?
J’ai commencé à danser vers dix-sept ans. Après avoir touché à différents styles, je m’oriente vers le ballet, plus difficile et plus stimulant, tant physiquement qu’intellectuellement : La Belle au bois dormant, Le Corsaire… En septembre 2000, j’éprouve le désir de faire une œuvre utile, qui aide les gens, et intègre le corps des Marines, pour ses vertus d’honneur, de courage et d’engagement. En 2005, nous sommes déployés en Irak, dans la ville de Fallujah, avec pour mission de patrouiller, maintenir la sécurité des lieux et apporter une aide humanitaire. Cette dernière dimension favorise un contact étroit avec la population, ce qui nous permet de moins subir de dommages physiques que beaucoup d’autres unités de combat.
Comment vous est venue l’idée de fonder Exit 12 ?
À mon retour, je recommence à vivre normalement, du moins le croyais-je : j’achète une maison et trouve un travail dans le civil. Je me crois indemne de ces années passées dans l’armée, jusqu’à ce que ma compagne me fasse remarquer mon anxiété et mes colères répétées : « Si tu pouvais faire quelque chose dans le monde, que ferais-tu ? », me demande-t-elle alors. Je lui réponds aussitôt que j’aimerais lancer une compagnie de danse ; ce n’est que progressivement que naît le désir de raconter la guerre d’une autre manière que ne le font les médias de masse et la culture populaire. Deux enjeux m’apparaissent d’emblée : d’une part expliquer cette épreuve kaléidoscopique qu’est la guerre, d’autre part témoigner des expériences vécues par les personnes impliquées dans les conflits, soldats et victimes innocentes de tous bords… Exit 12 est né.
Pourquoi choisir un langage non verbal pour exprimer cette terrible réalité ?
Nous ne discutons pas de la guerre facilement, tant il est presque impossible de raconter verbalement son expérience : la danse et le théâtre permettent de « dire » la vérité grâce à l’aide de symboles et de métaphores. La danse et la guerre ont finalement ceci de commun qu’elles ne relèvent pas du langage verbal : les deux se servent du corps pour le conduire à sa performativité. Nous pouvons ainsi créer une œuvre qui décrit la noire et cruelle expérience vécue, sans reproduire le même traumatisme. Par la danse, nous transformons les mouvements destructeurs et guerriers en art et en vie. Telle est la force de la danse : conduire à une expérience intime et particulière, par le langage le plus universel qui soit, précédant toute parole… le corps.
propos recueillis et traduits par Pierre GELIN-MONASTIER
Site : Exit 12.
Quatre spectacles en tournée aux États-Unis :
1) Conflict(ed)
2) Agressed/This is War
3) Sometimes, Silence
4) Yarjuun
Galerie photos