Kevin Douvillez : “Il faut que ça joue !”

Kevin Douvillez : “Il faut que ça joue !”
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Comme un parfum de résurrection… Dans quelques jours débutera le premier grand festival de spectacle vivant depuis six mois : le Chainon Manquant, à Laval et Changé en Mayenne, du 15 au 20 septembre. Il est attendu par de nombreux professionnels, et notamment les programmateurs et programmatrices privés des grands festivals de l’été, comme le festival d’Avignon.

« Il y a un besoin urgent pour les programmateurs de voir des spectacles et surtout pour les artistes de montrer leurs créations pour pouvoir en vivre l’année prochaine », explique Kevin Douvillez, co-directeur et responsable artistique et animation du réseau.

Entretien.

Le réseau Chainon existe depuis 1980, quelle a été lessence du réseau à sa création ?

Dans les années quatre-vingts, on l’appelait le “réseau orchidée” ; le repérage d’artistes était très différent comparé à aujourd’hui. Il n’y avait pas autant d’outils et les déplacements étaient moins évidents. Le travail de programmation n’était alors pas simple : il n’y avait pas YouTube, il était plus difficile de voir des vidéos, on recevait des courriers… Les programmateurs et programmatrices se réunissaient donc pour essayer de mieux programmer : s’échanger les bons spectacles, mutualiser leurs repérages et se présenter les uns aux autres les artistes qu’ils repèrent et qu’ils soutiennent sur leur territoire. À partir de cette dynamique, le réseau du Chainon est né. D’abord, ce fut la création d’un espace d’échange artistique ; puis assez naturellement, ils se sont dit : « le meilleur moyen de se parler d’artistes, c’est de se les montrer », ce qui a entraîné la création du festival du Chainon Manquant.

Pensez-vous qu’il y a un risque d’homogénéisation des programmations ?

Non, la palette est large ! Nous ne sommes pas à l’ère soviétique, nous n’obligeons pas les adhérents – au nombre de trois cents aujourd’hui – à programmer les soixante-dix spectacles du Chainon. Un adhérent achète dix spectacles grand maximum, sur une programmation de quarante à soixante spectacles ; il va donc chercher le reste ailleurs. Les programmations restent d’ailleurs très différentes au sein de nos adhérents. Sans ce système, le risque d’uniformisation est plus élevé : par exemple dans les festivals de musique, c’est souvent l’enjeu de remplissage qui prévaut, si bien que les programmateurs se dirigent naturellement vers les vingt ou trente artistes qui remplissent le plus. Ici, au contraire, nous permettons d’élargir sur d’autres choses. Avec le dispositif “Région(s) en scène(s)”, notamment, nous allons chercher des projets qui ne sont pas médiatisés, jamais joués à Paris ou à Avignon, c’est-à-dire des projets qui ne sont pas encore sortis de leur département ou de leur région, souvent par manque de moyen ou de temps. C’est aussi, parfois, une première création d’artistes qui sortent d’école et qui sont repérés dès le début.

Comment décririez-vous la place du Chainon dans le paysage du spectacle vivant en France ?

C’est une place assez particulière. Nous nous revendiquons comme un circuit culturel et économique équitable et solidaire. C’est une initiative de ses propres membres – les lieux de diffusion – pour pouvoir mieux repérer et faire circuler les projets. On est assez unique. Il y a bien évidemment des réseaux et des actions qui s’en rapprochent, initiés par l’État, comme l’ONDA par exemple, mais jamais avec cette autonomie là : le festival appartient aux adhérents du Chainon. C’est une espèce d’AMAP, de coopérative de spectacle, qui existe ainsi depuis trente ans. Nous sommes un peu l’équivalent de Biocoop pour le spectacle vivant : on va chercher des produits, en l’occurrence des spectacles, au plus proche des territoires afin de les mettre au plus près des consommateurs.

Quelle sont les objectifs du Chainon aujourd’hui ?

Nous souhaitons conserver les fondements du Chainon, c’est-à-dire une plate-forme d’échange artistique permettant au plus grand nombre d’adhérents de découvrir des artistes qu’ils n’auraient pas forcément vus en restant chez eux, derrière leur bureau ou en allant à Avignon. Pour cette édition, il est encore plus essentiel de présenter des spectacles : la plupart des adhérents, comme la plupart des Français, n’ont pas vu de spectacles depuis mars. Il y a un besoin urgent pour les programmateurs de voir des spectacles et surtout pour les artistes de montrer leurs créations pour pouvoir en vivre l’année prochaine.

Avec l’annulation du festival d’Avignon en juillet, avez-vous justement observé une augmentation de l’intérêt des programmateurs et programmatrices cette année ?

Oui, clairement. Dans un premier temps, tout le monde a attendu de savoir si le festival allait se faire ou non ; il n’y a donc pas eu de précipitation, mais nous avons quand même beaucoup d’inscrits qui viennent pour la première fois. Maintenant, depuis l’annonce du maintien du festival, c’est une vraie vague… Enfin un festival qui se passe ! Malheureusement, nous sommes tout de même sous contraintes : nous avons pu augmenter légèrement la jauge en accord avec la préfecture de la Mayenne, mais nous ne pourrons pas monter à plus de 80 %. Nous remarquons en tout cas un vrai engouement, une vraie curiosité, pour ce premier festival depuis six mois.

Quelques mots à ajouter pour ce premier grand festival de spectacle vivant depuis six mois ?

Comme le roseau, on a plié mais on n’a pas cédé ! Et il faut que ça joue !

Vincent PAVAGEAU

Informations
29e édition du Chainon Manquant, du 15 au 20 septembre, à Laval et Changé
Au programme : une centaine d’artistes et une soixante de spectacles programmés en théâtre, danse, art de la rue, musique, jeune public, cirque, humour…
En savoir plus : voir la programmation complète

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Festival Chainon Manquant Laval Changé Mayenne

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