Intermittents et Nuit Debout : deux contestations à la convergence douteuse
Place au débat ! Après la tribune libre de Maël Lucas en faveur de Nuit Debout, voici celle d’Oliver Frettois, plus sceptique sur ce dernier mouvement : tous deux sont chroniqueurs réguliers à Profession Spectacle, preuve que de saines divergences sont possibles au sein d’une même équipe, quand la prise de parole de chacun est respectée. Olivier Frettois poursuit le débat que nous avons décidé de lancer dans notre média, en appelant les artistes à s’engager, à prendre position.
Oui, bien sûr que les artistes et techniciens, parmi lesquels les intermittents du spectacle, ont raison de bouger. Aujourd’hui. D’abord parce que nombreux sont ceux qui voudraient en finir avec le régime qu’ils jugent scandaleux des intermittents : pas seulement le MEDEF, mais aussi une bonne partie de la presse et de hauts fonctionnaires qui font tous preuve, selon leurs dires, de pragmatisme. La droite tire à boulets rouges, tandis que la gauche se fait plutôt discrète.
Si le régime des intermittents est régulièrement mis en cause en cette période de déficit public chronique, c’est probablement dû en partie à l’absence de réflexion en matière de politique culturelle. C’est aussi un peu lié à une approche très superficielle des métiers du spectacle, dont la partition repose presque uniquement sur le régime d’indemnité auquel ces professionnels sont soumis.
C’est un peu léger comme mode d’appréhension et de partition des acteurs de la planète artistique.
Si on commençait par le début, il faudrait d’abord considérer tous les travailleurs du spectacle vivant et de l’audiovisuel, intermittents et permanents confondus, comme des professionnels à part entière. Car tous ces gens travaillent ensemble et, sans les intermittents, on assisterait à une chute vertigineuse de la création artistique. Alors seulement pourrait-on pacifier le débat et les échanges sur le coût réel ou supposé supporté par l’UNEDIC.
On éviterait d’annoncer, comme des ânes apeurés, des chiffres de déficit à sept zéros déjà contestables dans le mode de calcul. Il suffirait de consentir, au lieu de soumettre les travailleurs permanents au régime général et les intermittents à une caisse spéciale, rien que pour eux et nécessairement déficitaire, à créer une caisse unique pour l’ensemble des travailleurs du spectacle.
J’ai des doutes en revanche sur la possibilité que les acteurs de la Nuit Debout soient d’une quelconque aide pour un avenir radieux de la « culture » dans notre pays, quand on a appris l’élégance avec laquelle ils ont reçu l’un de nos académiciens. Si je ne conteste pas une certaine spontanéité au départ du mouvement, sur fond de contestation de la loi sur le travail, mais aussi de recherche d’un projet mobilisateur que les gens qui font carrière au pouvoir sont incapables de proposer, il convient de noter que les habituels apparatchiks, spécialistes du plombage des mouvements contestataires, véritables mercenaires du torpillage (pseudo révolutionnaire) de la parole libre et de la création collective, ont vite fait de mettre la main sur cette affaire : ils la portent à ébullition et justifieront, dans quelques jours ou semaines – le compte à rebours est déjà lancé -, une opération de nettoyage musclée avec l’approbation générale des médias et de la population excédés.
Ceux-là même qui font profession d’ultra-gauchisme sectaire et violent servent assurément mieux la cause de la grande finance que les policiers qui leur font face.
Olivier FRETTOIS
Contributions au débat « Nuit Debout & Artistes »
- Pierre GELIN-MONASTIER, Plus d’un millier d’intermittents lors de l’AG : un vrai succès, oui mais…
- Maël LUCAS, Nuit Debout et artistes : un logiciel gagnant-gagnant !
- Marie MOULIN, Soulèvement des intermittents dans toute la France
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