« Gaspard va au mariage » : un Wes Anderson en Limousin
Gaspard (Félix Moati) se rend au mariage de son père (Johan Heldenbergh) qui dirige un zoo dans le Limousin. Il demande à Laura (Laetitia Dosch) de l’accompagner et de se faire passer pour sa petite amie. Il y retrouve sa sœur Coline (Christa Théret) qui vit en symbiose avec les animaux et son frère Virgil (Guillaume Gouix) qui porte à bout de bras l’entreprise familiale menacée de faillite.
★★★☆
Gaspard va au mariage commence comme Ce qui nous lie, le dernier Klapisch : un fils prodigue revient au foyer après une longue absence pour y retrouver sa sœur et son frère. La ressemblance est d’autant plus troublante que Félix Moati et Pio Marmai portent le même collier de barbe et présentent les mêmes syndromes adulescents. Mais la ressemblance s’arrête là
Univers loufoque et famille dysfonctionnelle
Le troisième film d’Antony Cordier, réalisateur peu prolixe dont j’avais adoré, en son temps, Douches froides (2005), préfère au réalisme un peu planplan du dernier Klapisch l’univers décalé de Wes Anderson – comme le remarque pertinemment le critique de Télérama.
Comme dans La Famille Tenebaum ou La Vie aquatique, Gaspard va au mariage met en scène une famille gentiment dysfonctionnelle, loufoquement branquignole : la mère est morte sous les dents d’un tigre – quoique les circonstances exactes de son décès varient selon celui qui les raconte ; le père compulsivement infidèle ne parvient pas à convaincre la vétérinaire de l’exploitation de la sincérité de son attachement ; la sœur qui se prend pour un ours nourrit pour Gaspard une attraction incestueuse ; le frère est en passe d’épouser une tatoueuse professionnelle…
Le seul personnage un tant soit peu équilibré de cette réjouissante ménagerie est Laura, l’intruse. Équilibrée, elle ne l’est pourtant pas tant que cela, si l’on en croit le prologue qui la voit embarquée par des altermondialistes qui s’enchaînent sur une voie ferrée pour y empêcher le passage de je-ne-sais- quel convoi. Jolie comme un cœur, d’une rafraîchissante spontanéité, Laetitia Dosch confirme le succès de Jeune femme – qui devrait lui valoir, le 2 mars prochain, le César du meilleur espoir féminin.
Inéluctable sortie de l’enfance
Comme chez Wes Anderson, l’inéluctable sortie de l’enfance est le thème principal du film d’Antony Cordier. Gaspard et sa famille doivent sortir de l’Éden originel et vivre enfin une vie d’adulte loin de ce zoo enchanteur. La décrépitude de l’entreprise familiale, vidée de ses visiteurs, menacée par une bande de chiens sauvages qui s’attaquent aux bêtes dès la nuit tombée, les y contraint.
C’est pour Coline que le choc est le plus rude, qui porte depuis l’enfance une peau d’ours qui fait fuir ses soupirants par son odeur pestilentielle (dommage que le film ne soit pas projeté en « odorama »).
C’est pour Gaspard que l’épreuve est la plus facile, lui qui se tenait déjà à distance depuis plusieurs années de cet environnement, lui qui y a introduit, en la personne de Julia, un corps étranger, lui dont on sait dès la première scène qu’il repartira de ce zoo en ruine avec elle.
Antony CORDIER, Gaspard va au mariage, France – Belgique, 2018, 103mn
- Sortie : 31 janvier 2018
- Genre : comédie
- Avec Félix Moati, Laetitia Dosch, Guillaume Gouix, Johan Heldenbergh, Christa Théret, Marina Foïs, Élodie Bouchez, Noémie Alazard-Vachet, Vincent Deniard, Elsa Houben, François Zachary.
- Distribution : Pyramide Films
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Gaspard va au mariage est une excellente comédie qui bouleverse quelque peu nos normes en matière de sexualité. Rien d’étonnant venant du réalisateur Antony Cordier que l’on avait vu à l’œuvre avec Douches froides et Happy Few. Gaspard qui a quitté sa famille et le zoo dont elle s’occupe, retourne sur les lieux de son enfance pour assister au remariage de son père. En chemin il convainc Laura jouée par l’excellente Laëtitia Dosch (remarquée dans Jeune fille de Léonor Serraille) de lui servir de petite amie de façade pour faire comme si. Malheureusement celle-ci doit subir la jalousie de Coline, la sœur de Gaspard. Si l’on y ajoute le père séducteur impénitent, on obtient un film très drôle, sans gags téléphonés, comme on peut le voir malheureusement dans beaucoup de comédies françaises, et nous passons un très bon moment devant ce film.
Comme l’annonce le titre, c’est d’abord la question du mariage qui préoccupe la famille. Mais l’action se passant principalement dans un zoo, les protagonistes s’intéressent aussi de près au comportement animal. Et l’on en arrive à se poser la question : A-t-on déjà vu des animaux se marier ? Non, ni dans la nature ni dans le zoo où travaille le père (Johan Heldenbergh), le frère (Guillaume Gouix), la sœur (Christa Théret) et (Marina Foïs) la pressentie belle-mère de Gaspard (Félix Moati). Par les discussions entre les personnages de ce film on apprend qu’il est normal que les petites sœurs soient amoureuses de leur grand frère, que les animaux pratiquent l’inceste et aient des relations homosexuelles et on en conclut assez vite que le mariage est contre nature. Cela dit, doit-on copier tout ce qui se fait dans la nature ? L’homme est un animal, certes, mais doué de culture et de raison. Et le film en mélangeant habilement, culture et sentiments, raison et instinct, en fait le meilleur d’Anthony Cordier en termes de réflexion sur nos relations sociales et intimes.
Laurent SCHÉRER
Chacun cherche son film