Festivals : la fidélisation par le marketing des p@ssions
La fidélisation de la tribu est un enjeu essentiel pour tout festival souhaitant s’inscrire dans la durée. C’est pourquoi les organisateurs d’événements explorent de nouvelles stratégies de communication et de médiation, dont le marketing des p@ssions, pour pérenniser leur communauté.
Communautés affectuelles en festivals 5/5
Aujourd’hui administratrice adjointe de SOUKMACHINES, Mathilde Viot a achevé en 2018 une thèse professionnelle, dirigée par Dominique Bourgeon-Renault (Burgundy School of Business / MECIC), sur le thème : « L’impact des communautés affectuelles sur le développement des festivals ». Elle propose une synthèse de ses recherches dans une série de cinq articles publiés en exclusivité dans Profession Spectacle.
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Si les communautés festivalières prennent souvent un caractère éphémère, puisqu’elles ne s’expriment réellement que sur une durée limitée dans le temps, un des nombreux enjeux des organisateurs de festivals est de les stabiliser afin de s’assurer leur pérennité et leur retour sur les prochaines éditions.
Impact du Web sur la société
Internet a permis l’émergence d’un nouvel espace, resserré, local, intime : celui des micro-communautés électroniques. Des petits groupes se sont formés, par affinités, par passions communes, pour partager leur quotidien sans contrainte d’espace ni de temps. Internet redonne à chacun l’initiative, le pouvoir d’échanger sa propre expérience ou son savoir. Internet ouvre de nouvelles occasions mais n’impose aucun modèle.
C’est en tout cela qu’il est devenu petit à petit la propriété du consommateur : sa dimension intime et émotionnelle est celle qui touche le plus profondément le vécu quotidien. On a ainsi vu l’émergence d’un espace de communication qui « échappe » à l’entreprise.
Le cyberespace prend la forme d’un espace social à part entière, sorte de « jardin public virtuel », pour reprendre l’expression de Véronique et Bernard Cova (Alternatives Marketing. Réponses marketing aux nouveaux consommateurs, 2001), où se développent des formes de sociabilité originales.
Le marketing des p@ssions
Contrairement à certaines approches d’e-marketing, qui cherchent à manipuler à un degré encore jamais atteint les consommateurs pris isolément en les espionnant et en les catégorisant à outrance, le marketing de demain, qui intégrera de plus en plus le Web comme une composante « naturelle » des relations économiques et sociales, devra savoir se situer dans la tension entre déracinement et ré-enracinement. Ce marketing se fondera autant sur les passions que sur la raison. Le vocabulaire du marketing doit changer afin de prendre une saveur sociologique et collective, en parlant par exemple de « collectionneurs », « d’habitués », « d’adeptes », de « connaisseurs » plutôt que de « consommateurs », « clients », « acheteurs » (termes à saveur économique et individuelle).
En cherchant plutôt à comprendre et connaître l’individu « moyen », le marketing et l’étude du comportement des consommateurs ont généralement mis de côté les consommateurs « atypiques » que peuvent être les passionnés. Il faut au contraire apprendre comment les « soutenir » afin de bénéficier de la fameuse valeur de lien.
Le socle de base du « marketing des p@ssions » réside dans la compréhension (la plus fine possible) des groupes de passionnés, de leurs valeurs, de leurs espoirs. Les passionnés et leurs regroupements sur le Web apportent à l’entreprise qui sait les accompagner une vision d’experts, de personnes impliquées, de leaders. C’est une vision de porteur de la marque.
Un marketing des p@ssions va chercher à connaître les différents sens qui sont donnés à ses produits ou ses services ainsi qu’à sa marque, pour pouvoir les réintégrer dans son offre afin de gagner en légitimité aux yeux des passionnés. En plus de fournir des objets-cultes nécessaires à la stabilisation des communautés, le Web va permettre d’aider la socialisation et la communication entre membres.
Stratégies événementielles
La pérennisation et la stabilisation des communautés festivalières passent également par des opérations événementielles tout au long de l’année, afin de rassembler les membres sur des événements plus restreints. En développant cette stratégie, les festivals réactivent leurs communautés et leur permettent de s’exprimer et de se rencontrer (à nouveau) en dehors de l’exploitation de leur événement.
Si la communauté affectuelle festivalière semble avoir un caractère éphémère, c’est parce qu’elle n’est réellement activée que pendant l’exploitation du festival. En effet, c’est à ce moment-là qu’elle montre toute sa « puissance », à travers les interactions entre ses membres et la démonstration de rituels forts. Si cela ne signifie pas nécessairement qu’elle disparaît totalement le reste du temps, elle semble en tous cas « dormir ».
Rien, même l’interaction virtuelle sur le Web, ne sera jamais aussi fort que de mettre en place une rencontre réelle, permettant de faire marcher tous les sens et facilitant surtout le partage d’émotions. Ces rencontres, même si elles sont plus restreintes, donnent l’opportunité aux membres de la communauté festivalière de se retrouver pour échanger, se revoir, se souvenir du moment partagé passé lors du festival. L’organisation du festival n’est pas obligée d’être au centre de la création de ces événements, et il est d’ailleurs recommandé de laisser faire les festivaliers lorsqu’ils souhaitent mettre en place un événement de rassemblement ; mais elle se doit de regarder de près afin de toujours garder ce côté « sécurisant » et cet esprit de veille, essentiels à la compréhension et au renforcement de ces communautés affectuelles.
Importance du lieu
S’il semble difficile pour les festivals de pouvoir s’installer sur un lieu stable, qui favorise un marquage identifiable, il s’agit pourtant d’un élément non négligeable pour tout organisateur souhaitant pérenniser sa communauté de festivaliers. Le lieu prend une place considérable, voire déterminante dans la structuration des communautés affectuelles : il devient le point de repère, de ralliement de ses membres. Il est l’endroit où les rituels peuvent être exercés pleinement et est ainsi caractérisé par une accumulation de symboles apparents qui servent de ciment à la communauté. Il devient un lieu de recueil.
Par exemple, le choix du lieu pour le Hellfest a été primordial dans le renforcement et la stabilisation de leur communauté de festivaliers. Ils peuvent ainsi y retourner librement en dehors du festival et retrouver l’endroit où s’est exprimée leur communauté. Cela participe à l’imaginaire, aux souvenirs de celle-ci, et donc à sa pérennisation.
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En partenariat avec le MECIC / Burgundy School of Business de Dijon